Pour sa première carte blanche, notre invitée Rima Abdul Malak, nouvelle présidente du jury du Prix de la Jeune Création Photographique du Planches Contact Festival, a choisi de partager un coup de cœur : l’ouvrage à paraître aux éditions Le Bec en l’air, Quelque chose comme une araignée, de la photographe Marion Gronier. Ce travail au long cours sur l’institution psychiatrique a bénéficié du soutien du programme Elles & Cité et a été récompensé par le Prix de la photo sociale cette année.

Coup de cœur aujourd’hui pour un livre qui paraît le 7 novembre 2025 aux Éditions du Bec en l’air : Quelque chose comme une araignée de Marion Gronier, lauréate du prix de la photo sociale 2025, décerné par un jury présidé par Jane Evelyn Atwood.

Couverture du livre « Quelque chose comme une araignée » – Marion Gronier © Le Bec en l’air éditions

J’ai découvert le travail de Marion Gronier il y a plusieurs années, lorsqu’elle avait entrepris un travail au long cours aux Etats-Unis sur les traces de la violence de l’histoire coloniale. Sa série We were never meant to survive, soutenue par l’Aide à la création photographique documentaire contemporaine du CNAP, était bouleversante.

De 2022 à 2024, Marion Gronier, habituée des longues immersions pour chacun de ses projets, a arpenté des institutions psychiatriques en France et au Sénégal. Il lui était interdit de montrer les visages, mais elle a photographié les corps, leur stigmates, leurs postures, leurs tensions, la grâce ou la douleur d’un geste, interrogant image après image la représentation de ce que nous appelons « la folie ». Elle a cherché à créer « des images énigmatiques, indéterminées, propres à attiser notre imagination ».

© Marion Gronier / Le Bec en l’air éditions

© Marion Gronier / Le Bec en l’air éditions

Le choix du titre, Quelque chose comme une araignée, est extrait d’un texte de 1929 de Georges Bataille, qui tente de définir « l’informe » : « affirmer que l’univers ne ressemble à rien et n’est qu’informe revient à dire que l’univers est quelque chose comme une araignée ou un crachat ». L’informe n’est pas une absence de forme, mais plutôt une forme qu’on ne reconnaît pas, qu’on ne comprend pas, qui nous échappe. « Cette forme de l’araignée s’est mise à grouiller dans chaque image » raconte Marion Gronier.

L’araignée se met aussi à grouiller dans ce livre qui est un objet très particulier, lui-même habité par la folie, composé de deux cahiers, l’un de textes, l’autre d’images, comme pour évoquer la notion de dédoublement souvent associée aux troubles psychiques. L’autonomie de chaque cahier laisse la liberté d’imaginer plusieurs combinaisons possibles entre textes et images. Les photographies sont montées en leporello vertical, se dépliant comme un cadavre exquis. Quant aux textes, ils entrent en collision avec les images, à la manière d’un long poème ou d’un calligramme d’Apollinaire. Ils correspondent aux commentaires faits par les patients eux-mêmes, ce qui permet d’introduire leur récit, leur vécu. On entend presque leurs voix.

© Marion Gronier / Le Bec en l’air éditions

© Marion Gronier / Le Bec en l’air éditions

Pour Fabienne Pavia, directrice des Editions Le Bec en l’air, « la réflexion sur la forme du livre a été un enjeu important du projet. L’exigence de Marion Gronier nous a poussé vers une créativité intéressante à l’échelle de notre métier d’éditeur de livres photos ».

On referme ce Quelque chose comme une araignée avec la sensation d’avoir traversé une toile fragile, tissant les corps, les mots et les silences, la beauté et la douleur, déplaçant notre regard et nos préjugés.

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Une partie des images de Marion Gronier sont présentées au musée Nicéphore Niépce à Chalon-sur-Saône du 18 octobre 2025 au 18 janvier 2026, dans le cadre de l’exposition collective Face à ce qui se dérobe : les clichés de la folie, qui explore les interactions entre photographie et psychiatrie sur près de deux siècles.

INFORMATIONS PRATIQUES

sam18oct11 h 30 min2026dim18jan17 h 45 minFace à ce qui se dérobe, les clichés de la folieMusée Nicéphore Niépce, 28 quai des messageries 71100 Chalon-sur-Saône

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