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Syrie, Vidéos sans frontières 6 : Maajooneh, Yaman

Temps de lecture estimé : 3mins

Si le rêve de « liberté et dignité » largement partagé par le peuple syrien en mars 2011 a vite viré au cauchemar qui se déroule devant les yeux cyniquement fermés de la communauté internationale, les artistes syriens ne baissent ni les yeux ni les bras.
Au rythme d’une vidéo par semaine, « Syrie, vidéos sans frontières » propose de remonter cette histoire qui est aussi la nôtre à travers les regards des Syriens eux-mêmes.

Maajooneh, Yaman, 2016, 4:09

C’est le monde rêvé d’un garçon réel qui se déploie à l’écran comme un tour de magie : celui de Yaman, le petit inventeur qui partage son chez soi avec un curieux ami, mange à son faim, et regarde la télé autant qu’il veut. Mais la réalité qui finit par s’imposer est celle d’un jeune réfugié syriens vivant et travaillant dans les rues de son pays « d’accueil ».

Le collectif Maajooneh (« pâte à modeler » en arabe) est issu du même exode syrien. Le réalisateur Amer Albarzawi, qui était à Raqqa au début du soulèvement, a par la suite quitté la Syrie avec l’aide d’une ONG. Il s’est installé en 2013 à Beyrouth, tout comme Farah Presley, alors auteure de livres pour enfant . Avec la dégradation de la situation des Syriens au Liban, ils sont allés en Turquie, où l’illustrateur Ammar Khattab les a rencontrés après des escales en Russie et en Jordanie.

Mettant en commun leurs expériences de vie et leurs métiers, ils se lancent dans l’animation en stop motion. Leur coup d’essai, Fade to Black (Fondu au noir, 2015), retrace en une minute la descente aux enfers vécue par les femmes de Raqqa sous l’emprise de Daech. Le succès viral de cette vidéo, littéralement fait maison, a permis à Maajooneh d’obtenir des soutiens, notamment de l’ONG Bidayyat for Audiovisual Arts pour Yaman, réalisé, raconte le collectif, avec une bonne caméra et « même un trépied ».

Depuis 2016, Yaman fait le tour des festivals, d’Édimbourg à Dakka, en passant par Uppsala, Tübingen et, dernièrement, Annecy. Mais l’aventure de Maajooneh a pris fin avec le départ d’Amer Albarzawi pour la France, où il est accueilli depuis février 2017 par plusieurs Centres culturels de rencontre associés au programme de résidence Nora (initié par le Ministère de la Culture). Au sein d’un nouveau collectif franco-syrien, il prépare le story-board d’une vidéo – toujours en stop motion – qui s’adresse aux traumatismes des réfugiés en Europe et la bataille mentale qui se poursuit entre les souvenirs de la guerre et le calme relatif qui les entoure dans leur nouveau pays.

Retrouvez la présentation générale de Syrie, Vidéos sans frontières par Miriam Rosen :
http://9lives-magazine.com/14844/2017/05/10/syrie-videos-sans-frontieres/

A voir/lire aussi : 
Une émission de L’Oeil de Links/Canal + consacrée à Maajooneh en février 2016 :
http://www.dailymotion.com/video/x3ugusa_un-court-metrage-syrien-fade-to-black-l-oeil-de-links-du-29-02-canal_tv

Un entretien avec Amr Albarzawi lors de sa récente résidence à l’Abbaye royale de Saint-Jean d’Angély :
http://www.sudouest.fr/2017/03/04/l-abbaye-royale-accueille-un-artiste-syrien-refugie-3247802-1552.php

Miriam Rosen
Voyageuse immobile, Miriam Rosen parcourt le monde à travers les images et les textes. Elle écrit depuis de nombreuses années sur la photo et le cinéma dans des journaux et des revues tels que  Libération, Mouvement, Le Journal de la Photographie, Artforum, Aperture et Camera Austria. Ce feuilleton consacré aux vidéos syriennes depuis le soulèvement de mars 2011 complète le portfolio « Syrie, intimes convictions » paru dans Fisheye Magazine n° 21, novembre-décembre 2016.

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