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Anne et Patrick Poirier, 50 ans de vagabondage photographique

Temps de lecture estimé : 4mins

La magistrale exposition que la Maison Européenne de la Photographe leur consacre permet de découvrir la place de la photographie dans l’œuvre de ce couple d’artistes à la fois archéologues et architectes plus connus pour leurs maquettes également exposées à la galerie Mitterrand.

Deux évènements pour célébrer le parcours singulier d’Anne et Patrick Poirier qui se rencontrent à l’Ecole des arts décoratifs de Paris. Nés à Marseille et à Nantes pendant la 2ème guerre mondiale, ce contexte va profondément influencer leur œuvre à venir. Marqués par cette tragédie ils seront animés de la menace de la destruction et fragilité de la mémoire.

« Nous ne nous sommes jamais sentis photographes, mais plutôt amateurs professionnels obstinés.. »

Si Patrick jeune se passionne pour les appareils photographiques de toutes sortes et se bricole un laboratoire à la Cité des Arts c’est pendant leur séjour à la Villa Médicis à partir de 1967 qu’ils décident de créer ensemble et expérimentent véritablement au gré de leurs errances  (Ostia antica) et posent sur les ruines un regard amusé sur les premières dérives du tourisme de masse (Paysages révolus.Selinunte). Dès le départ il s’agit de multiplier les expériences à travers des photogrammes de leur invention tirés de façon très aléatoire et artisanale en utilisant différentes acides.

La surprise, le hasard, voire une photographie ratée sont inscrits dans leur processus de création. Avec « les Valises » (1968-69) il testent la porcelaine auprès d’un artisan romain et se l’approprient dans la série « Villa Médicis » puis « Isola Sacra » et « Ostia antica ». L’usage des rehauts et notamment l’aniline (utilisée pour les tirages couleurs) apposée sur des vues de vestiges réalisées lors de leurs voyages au Proche Orient donne une théâtralisation tristement prémonitoire de ces sites aujourd’hui dévastés « Palmyre », « Villes Mortes, Syrie ».

Puis c’est la série « Stigmates » de Berlin (1977-78), autre théâtre de ruines qu’ils s’empressent de consigner dans les « Carnets de fouilles de l’archéologue » des années 1990. Une approche rigoureuse de l’argentique qu’ils vénèrent, à la façon des Becher.
Leur résidence au Getty Research Institute en 1995 donne une nouvelle impulsion et tournure à leur travail profitant des dernières avancées techniques qu’on met à leur disposition.Fleurs scarifiées dominent cette période dans « Natures mortes » ou « L’âme de Gradiva » subtile incarnation du roman de Wilhem Jensen. Le recours à l’aiguille renvoie à la découverte de la lecture de la correspondance codée entre Marie Antoinette et le Comte de Fersen par Anne enfant.

L’agrandissement et le rouge sang donnent une dimension charnelle à ces vanités. Une autre échelle se joue, un autre horizon des possibles avec ces « Fragility » des années 90.
Avec « Tapis »et le détournement d’images glanées sur Google Earth confectionnées avec des techniques ancestrales et matériaux pauvres il s’agit à nouveau de repousser les limites du medium photographiques pour témoigner du martyre de ces sites antiques.
Enfin la série « Archives » agit comme un condensé de tout ce qui a été écrit précédemment avec la collaboration de Choi, le célèbre tireur. Le tirage direct sur le végétal lui même offre un photogramme d’un résultat spectaculaire. Comme une plongée dans le microscopique avec un rendu fascinant de précision.
Appropriation, bricolages, recherches picturales, dépassement du medium ces quelques 200 tirages réunis par Jean-Luc Monterosso, Laure Martin et Laurie Hurwitz, les commissaires, ainsi que le catalogue aux éditions Flammarion apportent un éclairage nouveau et très contemporain sur leur démarche.

En parallèle la galerie Mitterrand qui les représente en France, expose une dizaine de maquettes, dessins préparatoires et photographies replaçant ces architectures au cœur de leurs recherches plastiques telles des métaphores du danger qui pèse sur le destin des êtres et leur culture. Emblématiques et envoutantes elles prennent la forme de bibliothèques ou temples du savoir qu’il serait vain de vouloir circonscrire. De tels symboles aujourd’hui sous le joug de l’obscurantisme et de la barbarie ont valeur d’anticipation.

INFOS PRATIQUES :
• VAGABONDAGES ARGENTIQUES, 50 ans de bricolage photographique
jusqu’au 29 octobre 2017
Maison Européenne de la Photographie
5/7 rue de Fourcy
75004 Paris
Egalement expositions de : Liu Bolin, Richard et Pablo Bartholomew et dans le cadre de la deuxième Biennale des photographes du monde arabe contemporain, Hicham Benohoud, Farida Hamak et Xenia Nikolskaya.
https://www.mep-fr.org/event
• DE MEMORIA ET REMINISCENTIA
Jusqu’au 28 octobre 2017
Galerie Mitterrand
79 rue du Temple
75003 Paris
Egalement exposé : Tony Oursler « Sound Digressions : Spectrum »
http://galeriemitterrand.com/

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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