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Biennale de Lyon (suite et fin) : Rendez-vous 17 (IAC), Lee Mingwei (Fondation Bullukian) et Lee Ufan (couvent de la Tourette)

Temps de lecture estimé : 7mins

La Jeune création internationale à l’IAC, Villeurbanne

Conçue par Thierry Raspail en 2002, comme une plate-forme de diffusion de la jeune création et un révélateur de futurs talents (Apichatpong Weerasethakul ou Ryan Gander, Julien Prévieux) Rendez-vous se distingue par un commissariat partagé entre : la Biennale de Lyon, l’École nationale supérieure des beaux-arts de Lyon, l’Institut d’art contemporain, Villeurbanne/Rhône-Alpes et le Musée d’art contemporain de Lyon, qui en constituent la direction artistique.

Chiffres clés 2017 :

10 artistes ou groupe d’artistes français ou vivant en France
10 artistes proposés par 10 biennales dans le monde
1 graphiste invité 

Pour 2017, Rendez-vous a convié les biennales de Jakarta (Indonésie), Kochi-Muziris (Inde), La Havane (Cuba), Lubumbashi (République démocratique du Congo), Marrakech (Maroc), Shanghai (Chine), Sharjah (Émirats arabes unis) ainsi que la Triennale d’Aichi (Japon), l’Asia Pacific Triennial of Contemporary Art (Brisbane, Australie) et l’EVA International (Irlande).

Parmi ce panorama inégal, l’on remarque : Thomas Teurlai (galerie Loevenbruck, exposé dans les Modules du Palais de Tokyo) qui ouvre le parcours dans une quasi obscurité qui génère d’emblée un trouble chez le visiteur face à ces rebuts qu’il détourne de leur fonction première. Des ruines d’une société de l’obsolescence programmée. « Europium » est née de sa fascination pour le passé industriel de Turin.
Puis Laure Mary-Couégnias (ENBSA Lyon) qui cache sous une apparente séduction et naïveté de ces peintures d’animaux ou de fruits, des titres à double tranchant.
Marion Robin (France) remarquée pour sa commande à la Patinoire de Clermont Ferrand, part toujours de l’in situ, ici le plan de l’IAC pour en appréhender les détails autrement. Singularités architecturales ou chromatiques, failles, interstices, qu’elle rend perceptibles.
Hicham Berrada (Maroc,Galerie kamel mennour) à travers ses protocoles scientifiques ramenés à l’art génère des tableaux en mouvement d’une grande poésie. Dans les vidéos Les fleurs #1, 2 et 3, les pistilles sont remplacés par des particules de fer à partir de phénomènes chimiques de son invention.
Dia Mahta Bhupal (Inde) en reconstituant un décor de salle d’attente, de toilettes publiques ou de supermarché elle nous place face un sentiment étrange et familier à la fois. Des installations qui demandent des mois de fabrication à partir de feuilles de papier journal recyclé.
Khadim Ali (Pakistan) d’une famille de réfugiés afghan il traduit dans ses tapisseries le sort des naufragés de l’histoire et de ses proches.
Ali Cherri (Liban) après s’être endormi au musée « Somniculus » et dans son prolongement il nous propose une installation où des motifs d’oiseaux sont mêlés à d’autres symboles exotiques, « Where Do Birds Go to Hide ».
Aliansyah Caniago (Indonésie) se penche sur le sort des migrants et leur faculté à toujours revenir au même endroit même quand ils en sont chassés, comme l’habitude qu’en ont les pigeons (2ème écran vidéo). L’installation sur le sol reproduit le quotidien précaire de ces nomades.
Hao Jingban (Chine) vidéaste se penche sur le rôle des salles de bal à Pékin des années 1950, avant l’avènement de la République populaire. Des vestiges qu’elle capte auprès de témoignages d’anciens amateurs couplés à des sources historiques.
Igor Keltchewsky (France) et son avatar Abraham Murder nous entrainent dans l’univers artificiel d’une rock star qui trompe son ennui avec des bimbos, a bord de piscines et de grosses voitures, dans une esthétique des jeu vidéo, sexy et efficace.
Performance remarquée d’Amélie Giacomini et Laura Sellies « Insula Dulcamara »à partir d’une sculpture tissée pour leur film en gestation, « Toutes ces filles couronnées de langues » dans le décor de l’île fictive de Kyrra. La particularité de Kyrra est cette communauté de femmes qui y vit en osmose avec les sculptures.
A noter que Rendez-vous s’exporte hors de l’Europe et permet à des artistes de la région Auvergne-Rhône-Alpes une visibilité hors de nos frontières, comme cette année à Pékin au CAFA Art museum où 10 artistes français seront en dialogue avec 6 artistes chinois.

La collection de l’IAC, riche de plus de 1 800 œuvres d’artistes de renommée nationale et internationale, fait partie des plus importantes collections publiques françaises d’art contemporain avec des artistes majeurs ou en plein essor.
L’enrichissement de la collection est en partie lié à l’activité d’exposition in situ.

Rendez-vous Biennale de Lyon
Jusqu’au 7 janvier 2017
11 rue Docteur Dolard
69100 Villeurbanne
http://i-ac.eu/fr/

Lee Mingwei, Fondation Bullukian (exposition associée à la Biennale)

« Sept histoires »
Devant l’élégante fondation place Bellecour un étrange bus nous attend pour nous proposer d’écouter une « histoire du soir » de celles qui ont bercé notre enfance. Bedtime Stories à été conçue pour la plateforme Veduta de la Biennale et donne lieu au récit de 7 histoires dont The Quartet Project qui sollicite la présence du spectateur, comme dans souvent dans la démarche de cet artiste né à Taïwan et installé à New York.

A Lyon pour la Biennale de 2009 il avait produit « the Moving Garden », jardin dont on pouvait emporter une fleur fraîche à condition de l’offrir à un inconnu en retour. L’enfance mais aussi le deuil comme lorsqu’il documente la perte de sa grand mère et possible renaissance « 100 days with Lily ». Avec The Living Room pièce confortable où l’on peut prendre le temps de s’asseoir et de lire chacun peut apporter une collection d’objets et dire pourquoi ils leur sont chers, comme cela avait été le cas au Mori Art Museum de Tokyo. Le hasard, les connexions invisibles, les permutations sont au cœur du processus de l’artiste dont l’installation The Mending Project séduit les visiteurs de l’actuelle Biennale de Venise.

Dans le jardin, outre l’œuvre très discrète et sonore de Lee Mingwei (bruits de grenouilles) ne pas manquer le « Silence des évidences » de Vincent Mauger, architecture monumentale trop brièvement vue.

Sept histoires de Lee Mingwei
Jusqu’au 30 décembre 2017
Fondation Bullukian
26 Place Bellecour
69002 Lyon

Lee Ufan chez Le Corbusier

Sans doute l’exposition à voir en priorité. Un grand moment de spiritualité dans ce lieu unique et retranché, le couvent de la Tourette dessiné par le Corbusier dans les années 1950. Depuis 2009 chaque année, la communauté des frères dominicains organise une exposition d’art contemporain à l’automne en écho à la Biennale de Lyon. Après Anish Kapoor en 2015 l’attente était grande.

L’artiste coréen s’était emparé de la grandeur de Versailles avec son immense arche d’acier jouant de la perspective et tutoyant l’horizon de sa lumière bleutée avait été jusqu’à imaginer la tombe de Le Nôtre d’une grande radicalité.
Fasciné de bouddhisme zen et d’impermanence il imagine cette fois la tombe de Le Corbusier, deux plaques d’acier posées sur une surface d’ardoises. Dépouillement extrême. C’est lors de son séjour à la Tourette que Lee Ufan décide de de concevoir 6 grandes installations en résonnance avec l’architecture du maître des lieux. Les « chambres de silence » sont une invitation à ralentir, à contempler à se laisser toucher par ce silence, ces arabesques de papier, ce dialogue d’ardoise et de métal. Reliées à l’ environnement extérieur « Relatum » est le nom qu’il choisit pour décrire ses sculptures, qui jouent de la lumière et du silence du lieu et ses ponctuations picturales. C’est d’une grande finesse. L’on y retrouve les préceptes du théoricien du mouvement Mono-Ha, « l’école des choses ».
Frère Marc Chauveau commissaire des expositions signe là un événement unique et rare sur la scène française et internationale.

Au delà des souvenirs, Lee Ufan
Jusqu’au 20 décembre 2017
Couvent de la Tourette
Route de La Tourette
69210 Eveux
Le couvent est à 25 kms au nord ouest de Lyon.
Accessible en train puis 20 mns de marche, le cheminement commence…
http://www.couventdelatourette.fr

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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