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Carte blanche à Francine Deroudille : La Photographie peau de chagrin

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Pour sa troisième carte blanche, notre invitée de la semaine, Francine Deroudille fille de Robert Doisneau et cofondatrice de l’Atelier éponyme, nous confie son inquiétude quant à la situation de la photographie aujourd’hui. Elle espère que les responsables compétents dans le domaine de la culture mettront tout en œuvre pour sauver la photographie !

C’est en France que s’est inventée la Photographie.
C’est à Paris que sont nées les grandes agences de presse photographique: Rapho en 1933, Magnum en 1947, Gamma en 1966, Sygma en 1973…
Notre patrimoine photographique est considérable.
Sans arrogance on peut dire que nous possédons un véritable trésor.
De grands artistes, de grands journalistes, de grands illustrateurs, des personnalités considérables qui, selon la formule si juste de Jean-François Chevrier sont passés « du Métier à l’œuvre ».
On serait tentés de s’en réjouir.
Dans les années 80 d’ailleurs conscience a été prise par le Ministère de la Culture, que quelque chose devait être fait pour donner à cette invention géniale une dimension nationale de reconnaissance artistique tout en organisant la profession qui allait permettre à la création photographique de perdurer.
La photographie s’est institutionnalisée.
En 1980 une Mission du Patrimoine photographique censée prendre en charge la conservation et la gestion des grandes collections photographiques qui lui seraient confiées, est créée.
En 1982 naissance du CNP, installé au Palais de Tokyo en 1986, au coeur d’un ambitieux projet de Palais de l’Image destiné à regrouper également la Cinémathèque française, la Femis.
Il semble qu’un grand Ministre de la Culture s’appuyant sur des personnalités d’envergure ait saisi dans ces années-là tout l’enjeu de l’image fixe ou animée et l’ait traité avec le respect qu’elle mérite.
En 1993 le ton change. L’ambition baisse d’un cran. La photographie est expédiée à l’Hôtel Salomon de Rothschild où elle vit encore de belles heures mais le cœur n’y est plus.
Commence alors une inexorable dégringolade qui me semble inexplicable puisqu’en symétrie inversée, se révèle un public passionné, de tous âges et de tous milieux.
Aujourd’hui on reste perplexe devant l’état des lieux.
Pourquoi doit on aller à Tours si l’on veut connaître le travail de René Jacques ?
Pourquoi la célébration des 40 ans de la donation de la collection photographique de Jacques Henri Lartigue se résume-t-elle à l’accrochage d’une vingtaine d’œuvres dans le hall d’entrée du Ministère de la Culture ?
Pourquoi la salle dédiée à la Photographie à Beaubourg est-elle là où l’on entrait dans le parking il n’y a pas si longtemps ?
Pourquoi Paris ne possède pas tout simplement un grand Musée de la photographie où l’on pourrait en découvrir l’histoire, les collections patrimoniales et la création contemporaine ?
De tempérament optimiste, je veux croire que l’actuel bazar photographique de la Culture va être remis en ordre et que les responsables compétents et passionnés qui sont tout prêts à opérer auront très vite les moyens nécessaires d’une ambition si légitime.

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