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Carte blanche à Georges Rousse : Mon Atelier, les lieux désertés

Temps de lecture estimé : 3mins

Pour sa quatrième et dernière carte blanche, notre invité de la semaine, le photographe Georges Rousse nous dévoile son processus de création. De son atelier à la recherche de lieux désertés qui serviront de toile vierge à ses futures œuvres. La photographie l’accompagne tout au long du processus de création : de la recherche au résultat final…

Déraciné dans l’enfance, j’ai décidé, artiste, de parcourir le monde comme un artisan, d’arpenter les friches et de concevoir une œuvre à partir des restes du passé et des rebuts de la cité pour les révéler, en faire découvrir les richesses. Il n’y a qu’à parcourir certains quartiers des villes pour admirer l’ingéniosité de certaines constructions vernaculaires dans l’utilisation de matériaux pauvres ou de récupération.

A un moment de mon parcours, j’ai été très inspiré par une phrase d’Henri Michaux qui me revenait sans cesse, comme un souhait de bâtir avec rien : « Je vous construirai une ville avec des loques, moi ! Je vous construirai sans plan et sans ciment, avec de la fumée, avec de la dilution de brouillard* … ». C’est cette immatérialité que j’ai introduite dans mes œuvres à la craie et qui m’a décidé dans cette voie d’une transformation éphémère des lieux désertés, en ruines.
La photographie m’accompagne tout au long de la métamorphose du bâtiment ; elle est l’outil qui me permet de dessiner dans l’espace ; qui enregistre toutes les étapes de la transformation, riches d’enseignements ; qui permet de mémoriser l’œuvre finale avant sa destruction. Elle est à l’origine et à la fin de tout le processus de création. Pour moi travailler dans ces lieux c’est comme renouveler librement une histoire, celle d’un lieu qui semblait en fin de course, et ressentir alors comme une résurrection, un tremplin pour une autre vie.

Pour réaliser une œuvre, je dois me rendre sur place, comprendre comment un lieu parfois sublime peut se dégrader pour devenir une ruine et s’intégrer durablement dans la cité.
« S’intégrer » correspond aussi à ma démarche. Quand je suis à l’étranger je dois m’intégrer dans une communauté qui n’est pas la mienne sans imposer mon mode de vie, essayer d’en comprendre les signes et les langages. Et m’intégrer aussi dans des espaces particuliers, loin des lieux touristiques habituels. Là où le (un) photographe humaniste se focalisera sur la misère ou la décadence de l’endroit, j’essaye de préserver la poésie que peut révéler toute situation.

La photographie commence dès le repérage : le voyage, les éléments du paysage, de la ville, le quotidien, de l’hôtel jusqu‘au lieu de l’installation depuis le réveil et le premier regard par la fenêtre. Dans chacun de ces lieux où j’ai résidé tout au long de ces années mon premier geste quand j’entre dans la chambre est d’écrire sur la fenêtre le nom de la ville et la date du jour, afin de pouvoir me situer dans le temps.

* Henri Michaux. Mes propriétés in Extraits de l’espace du dedans. Gallimard

https://www.georgesrousse.com/

La Rédaction
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