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Le gouvernement reste sourd à la demande des organisations syndicales sur le fonds d’urgence commun

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Depuis le début de cette crise sanitaire, les annonces gouvernementales se sont succédées pour venir en aide aux professionnel·les. Certaines réponses restent cependant insuffisantes, c’est notamment le cas du secteur culturel déjà très précarisé, révélé par le rapport Racine. Plusieurs fonds d’urgences débloqués par les ministères ou les structures représentantes, ne répondent pas à tous les besoins, c’est pour cela que les organisations syndicales et professionnelles demandent un fonds d’urgence commun, calqué sur nos voisins allemands. Mais en vain, voici donc la lettre ouverte adressée au Président de la République.

Au nombre de 270 000 en France, les artistes-auteurs sont des créateurs d’oeuvres : écrivains et écrivaines, photographes, dessinateurs et dessinatrices, plasticiens et plasticiennes, graphistes, scénaristes, compositeurs et compositrices, etc.

Contrairement aux artistes-interprètes, qui sont salariés et intermittents du spectacle, les artistes-auteurs sont des indépendants rattachés au régime général dans un statut actuellement complexe aux injonctions contradictoires. Déjà fragilisés par un contexte économique, social et administratif mis en lumière par le rapport Racine, les créateurs et créatrices de ce pays sont aujourd’hui dans une situation extrêmement périlleuse.

Alors que des dispositifs transversaux et spécifiques viennent soutenir de nombreuses professions face à la crise du Covid-19, les artistes-auteurs sont confrontés à des décisions et arbitrages inadaptés à leur secteur professionnel. Ils doivent faire face à une myriade de guichets, publics ou privés, aux critères différents et restrictifs, réclamant des justificatifs inadaptés. Ils sont traités comme les derniers maillons de différents secteurs de diffusion aujourd’hui abondés par le ministère de la Culture.

Cette vision politique des auteurs est à mille lieues des réalités des créateurs et créatrices d’aujourd’hui. Ils ont souvent des pratiques multi-créatives, et même quand ils n’exercent qu’un seul métier créatif, leurs oeuvres sont fréquemment diffusées par plusieurs industries, culturelles ou non. Les logiques économiques propres à tel ou tel secteur de diffusion ne devraient pas conditionner l’accès des artistes-auteurs aux droits élémentaires de ces travailleurs non-salariés unis par une même activité économique (la création d’oeuvres) et un même régime social.

Dans ce second volet de gestion de la crise, il est essentiel que soit mis en place un fonds d’urgence commun aux artistes-auteurs, géré par l’État, permettant aux professions créatives l’accès à des soutiens supplémentaires, rationalisés et simplifiés, sans rupture d’égalité. Il faut cesser d’accroître les inégalités déjà saillantes pour les artistes-auteurs, en particulier pour les femmes et les jeunes.

Nous savons également que les impacts de la crise pour nos métiers de la création ne cesseront pas une fois les mesures de confinement levées, mais s’étaleront sur une voire plusieurs années, compte tenu des décalages aléatoires de nos rémunérations (droits d’auteur, ventes d’oeuvres, commandes, etc.). Modifier la méthodologie actuelle est indispensable à la survie de nos professions déjà extrêmement précarisées.

Lors du festival de la BD d’Angoulême, vous avez formulé sur scène, devant certaines de nos organisations professionnelles, la promesse suivante : « On veut aussi que les droits sociaux, l’encadrement administratif et juridique des auteurs, soient facilités et simplifiés. Il y a des propositions très claires qui sont faites par le rapport Racine et qui seront, qui sont en train d’être travaillées et seront reprises pour permettre de mieux protéger, accompagner dans leurs droits, dans leur quotidien les femmes et les hommes qui ont décidé de créer et qui, parfois, sont dans des situations de grande précarité . »

Monsieur le Président, cette promesse, nous vous demandons aujourd’hui de la tenir de toute urgence. Nous vous demandons solennellement de rectifier les préjudices que nous subissons actuellement. La crise grave et durable que nous traversons implique plus que jamais une gestion publique unifiée des artistes-auteurs et une protection sociale renforcée.

À l’heure où le confinement est l’occasion pour les Français et Françaises de redécouvrir l’importance primordiale des livres, des images, des films, de la musique, de la culture, notre pays ne doit pas oublier que ces oeuvres sont les créations d’êtres humains, bien vivants. Nous ne demandons rien de plus que l’accès à des droits comme tous les autres professionnels. Il appartient à l’État de prendre ses responsabilités pour soutenir sans faille le secteur de la création, constitué de l’ensemble des créateurs et des créatrices.

Les signataires :
■ AdABD (Association des auteurs de bandes dessinée)
■ CAAP (Comité des Artistes Auteurs Plasticiens)
■ Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse
■ Guilde française des scénaristes
■ Independants.co
■ Ligue des auteurs professionnels
■ SELF (Syndicat des Ecrivains de Langue Française)
■ SMdA CFDT (Syndicat Solidarité Maison des Artistes)
■ CFDT SNAA FO (Syndicat National des Artistes-Auteurs)
■ FO SNAP CGT (Syndicat National des Artistes Plasticiens)
■ CGT SNP (Syndicat National des Photographes)
■ SNSP (Syndicat National des Sculpteurs et Plasticiens)
■ UNPI (Union Nationale des Peintres Illustrateurs)
■ UPP (Union des Photographes Professionnels)

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Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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