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Pour sa troisième carte blanche, notre invité de la semaine, le photographe français Julien Mignot, souhaite apporter un éclairage sur la Fondation photo4food, créée par Olivier et Virginie Goy et qui permet d’offrir des repas aux plus démunis grâce à la vente de tirages photographiques. Julien Mignot compte parmi les premiers photographes à avoir fait don de ses œuvres à la Fondation. À cette occasion, il a choisi de présenter le travail de Letizia Le Fur et Sergeï Neamoscou.

Aujourd’hui je voudrais vous parler d’une initiative peu commune dans notre milieu. Nous sommes peu rompu à l’exercice caritatif. Premièrement parce que la photographie ne jouit pas de la même célébrité que d’autres arts plus prisés, et ensuite car il est rare que des auteurs, parfois dans une économie délicate, décident de donner leurs œuvres de leur plein gré à une institution qui, pour une fois, leur donne l’occasion de transformer quelques sels d’argent en une action réelle pour les plus démunis. La première fois que j’ai vendu une image pour Photo4food, j’ai offert 2000 repas à mes semblables dans le besoin. L’écrire me fait toujours frémir, car rares sont les applications aussi concrètes pour les images que nous fabriquons. Olivier et Virginie Goy vous présentent ici en quelques mots la fondation qu’ils ont bâtie en un temps record, et qui j’espère saura duré autant que nécessaire. A suivre deux séries, celle de Letizia Le Fur et Sergeï Neamoscou, qui comptent aussi parmi les photographes de la fondation.

photo4food

La fondation photo4food a pour mission de financer des repas pour les plus démunis grâce à la vente de photos d’art réalisées par de jeunes artistes (à ce jour 26 photographes).

Ces artistes ont fait don de quelques-unes de leurs œuvres au profit de la fondation. Chacune des œuvres a été sélectionnée par un comité de personnalités qualifiées.

La fondation, pour les remercier et les encourager, promeut par ailleurs leur travail auprès d’une large communauté de passionnés et d’acheteurs, notamment en organisant des expositions des principales œuvres.

Cette fondation, créée par Virginie & Olivier Goy, est abritée par l’Institut de France (Académie française, Académie des beaux-arts…) et est dirigée par un conseil d’administration incluant le chancelier Xavier Darcos et le photographe Sebastiao Salgado. Emmanuelle de l’Ecotais (Photo Days, ex Musée d’art moderne de la ville de Paris) est la directrice artistique.

La rencontre avec Julien Mignot a eu lieu sur l’ile de San Servolo (Venise) pendant Venezia Photo. De la discussion entre Julien et Olivier est née la volonté de Julien de donner des tirages à la fondation pour payer des repas chauds. Outre le fait d’être un photographe généreux, il a également entraîné dans son sillon deux autres talents : Letizia Le Fur et Sergei Neamoscou. Letizia a d’ailleurs depuis été résidente à Deauville pour le compte de la fondation lors du Festival Planches Contact et vient de sortir un livre avec des textes de Laura Serani, directrice artistique de… Planches Contact ! Un bel exemple de ce que la fondation veut faire : connecter des talents généreux tout en mettant l’art au service des autres.

PS : vous pouvez aussi retrouver des photographies de Letizia, Julien et Sergei dans l’ouvrage A Cœurs Ouverts, livre édité par photo4food dont 100% des recettes permettent de lutter contre la pauvreté (https://www.fondationphoto4food.com/acoeursouverts)

Pour les suivre : https://www.fondationphoto4food.com
Instagram : https://www.instagram.com/photo4foodfondation/

L’Origine © Letizia Le Fur

Letizia Le Fur

Il n’y a rien de plus fragile qu’une image de Letizia. Elle tient à chaque fois d’un miracle qui convoque le cadre, et instantanément une lumière qui parait d’emblée éternelle, mais qui est, bien souvent, le fait d’un équilibre organique entre la majesté et la réalité. J’aime me perdre dans ses paysages car ils me ramènent toujours à une émotion inattendue et familière.
Letizia sort prochainement son premier livre. Elle nous donne la primeur de ce travail admirable, né d’une attention particulière à l’objet, comme elle en dispose dans chacune de ses images.

L’Origine © Letizia Le Fur

Le travail Mythologies de Letizia Le Fur puise ses racines dans deux passions qui habitent et accompagnent l’artiste depuis son enfance : la mythologie grecque et la recherche de la beauté.
Guidée par les poètes classiques, notamment par Hésiode et Ovide, Letizia interprète ici librement les mythes qu’elle re-visite avec sa sensibilité et par une approche esthétique contemporaine. […] Sa quête d’harmonie et de beauté, telle la pratique d’un culte, en opposition à la laideur et à l’inapproprié, est libérée et éloignée des codes en vigueur, inattendue, absolue, parfois secrète.

L’Age d’or © Letizia Le Fur

L’Age d’or © Letizia Le Fur

Le présent ouvrage nous fait découvrir les deux premiers chapitres de Mythologies, qui en comprendra in fine trois. L’Origine aborde l’ère de la création du monde et L’Age d’or évoque celle de l’harmonie entre les Dieux, la nature et les hommes. Le troisième, en préparation et toujours inspiré par Ovide, sera consacré aux Métamorphoses. Les classiques grecs avec lesquels Letizia a grandi, deviennent un support solide à ses propos narratifs, mais aussi le moyen de traiter de thématiques liées à la société d’aujourd’hui, par métaphores et loin des dispositifs d’auto-fiction qu’elle redoute et refuse.
[…]

L’Age d’or © Letizia Le Fur

L’Age d’or © Letizia Le Fur

Eden perdu ou retrouvé fait de paysages oniriques où la recherche de l’équilibre et de la perfection demeurent constantes. Sous-bois percés par des lumières « bibliques », buissons irradiés, feuillages cuivrés et arbres qui semblent peints à la feuille d’or. L’amour de Letizia pour la nature se traduit dans sa capacité à magnifier son environnement, autant les espaces ouverts sur l’horizon que les espaces tanière, les pierres et les plantes. Avec ce don de redessiner le réel elle transforme même la végétation la plus anodine et familière de nos campagnes en somptueuses fresques tropicales et emporte les visiteurs dans des paysages à l’échelle incertaine. Avec ce même amour, elle introduit, guide et parfois semble traquer son personnage à travers des décors de plaines, plages, rochers, champs où le corps élu se fond, émerge, s’impose, trouve sa place dans le cadre, toujours en équilibre et dans un dialogue permanent avec l’environnement qui parfois le défie, parfois l’accueille. Jamais le regard de Letizia ne devient sentimental ou ne tombe dans le romantisme. […] 

– Extrait du texte de Laura Serani

Diplômée de l’école des Beaux-Arts en 1998, Letizia Le Fur a initialement été formée à la peinture. Encouragée par l’artiste et professeure Valérie Belin, elle oriente rapidement sa quête esthétique vers la photographie.
​Son écriture, de part une utilisation très personnelle des couleurs et un soin particulier pour la composition se situe toujours entre réalité et fiction. Fascinée par les mythes, elle explore le double thème de la nature et de la figure humaine en créant des scènes atmosphériques et des visions oniriques.

© Sergeï Neamoscou

Sergeï Neamoscou

Je voudrais faire des photographies comme Sergeï. L’insouciance règne dans ses couleurs qui transcendent un monde plombant. Les interstices que génèrent ses floues sont des brèches dans lesquelles je me plais à découvrir un quotidien délicat et l’errance joyeuse d’un cœur pur. Il convoque Dolores Marat et Harry Gruyaert souvent sans jamais les copier. Regarder les images de Sergeï nous charge d’une légèreté apparente, elle dissimule l’épaisseur et la sensibilité de l’auteur.
Il nous livre ici une série inédite.

© Sergeï Neamoscou

© Sergeï Neamoscou

Hors des sentiers battus. C’est l’idée qui vient à l’esprit lorsqu’on regarde le parcours personnel et artistique de Sergey Neamoscou. Comme son pseudonyme l’indique, ce natif de l’ex-U.R.S.S. quitte sa famille pour rejoindre la France à l’âge de 18 ans. Un départ imposé par son besoin de liberté, mais aussi pour vivre loin des préjugés et du danger dans une Russie où l’homophobie est presque systémique. Arrivé à Paris, il a épousé la ville et a posé sur elle un regard d’une radicalité à la hauteur de ses sentiments.
Venu à la photographie argentique en empruntant le boîtier Zenit d’un ami, elle sera pour lui salvatrice. « Plus jeune, je souffrais d’une profonde phobie sociale. J’ai pu passer près d’un an sans sortir de chez moi. La photographie a été une vraie thérapie. » Cette sensibilité qu’il exprime sur des pellicules de 6 ISO, récupérées d’anciens stocks d’Europe de l’Est, lui procure un cachet singulier. Le grain et les couleurs des images que Sergey Neamoscou produit sont pareils à des effractions dans l’ordinaire des jours.

© Sergeï Neamoscou

© Sergeï Neamoscou

A LIRE :
Rencontre avec Olivier Goy de la Fondation Photo4Food Pour une vision entrepreneuriale de la philanthropie
Coup de Cœur d’Emmanuelle de l’Ecotais : la fondation photo4food

La Rédaction
9 Lives magazine vous accompagne au quotidien dans le monde de la photographie et de l'Image.

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