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Pour sa première carte blanche, notre invité de la semaine, Eric Le Brun fondateur de Light Motiv, nous dévoile l’un des prochains projets d’édition. Il s’agit de « Pan » de Patrice Dion, que l’on pourra découvrir en librairie au printemps prochain. Dans cette série, l’artiste a troqué la surface photosensible du papier pour une feuille végétale, des images qui prennent vie par la seule action de la chlorophylle. Une technique étonnante pour un résultat absolument vibrant !

Avant de voir pour la première fois une feuille exposée par Patrice Dion, on s’imagine une image floue, plus ou moins visible en transparence, légère…

Pan © Patrice Dion

Pan © Patrice Dion

Pan © Patrice Dion

Nous sommes dans son atelier. Patrice me sourit, la tête légèrement de côté, penché comme un arbre sous le vent. Je tiens la feuille par la tige, stupéfait par sa beauté profonde de vitrail. Il me raconte son insomnie initiale dans le jardin, et la décision étrange qui l’animait le lendemain matin, une forme de vision. Il lui fallait imprimer ses photographies sur les feuilles des arbres qui l’entourent ici, le catalpa, l’amarante, l’albivia, la vigne… en utilisant seulement l’action de la chlorophylle.
Il ne connaissait pas encore les tentatives équivalentes de Binh Danh ou Hiro Chiba.
Nous sommes en 2019. Il s’aventure comme eux en créant ses outils, il bricole le châssis parfait pour épouser la feuille et le négatif sous la vitre. Et durant ce bel été, il éprouve sa méthode comme un scientifique en précisant le temps d’exposition suivant la force et la course du soleil. Chaque jour donne une image de plus en plus définie. La feuille ramassée au sol, encore pleine de vie, expire en étant tatouée par la lumière. Lorsque le résultat plaît à Patrice, elle est doucement couverte, endormie, séchée puis marouflée et mise à l’abri des rayons ultraviolets.

Pan © Patrice Dion

Pan © Patrice Dion

Pan © Patrice Dion

Pan © Patrice Dion

Eternelle fragile. On parle ici d’une poésie vibrante où le toucher relie la pulpe des doigts à la peau des feuilles, si fine et délicate. La photographie se révèle sur le limbe et joue dans les reliefs. Jamais les nervures inversées, creusées par l’image n’ont paru si proches des lignes de la main…

L’atelier de Patrice, au premier étage d’un ancien hangar, est soutenu par une immense poutre horizontale d’un tenant de douze mètres qu’il a montée lui-même.
L’équipement dont il s’entoure oscille entre la photographie, la botanique, la boulangerie et le centre de contrôle aérien… Je pense à l’univers du film Blade runner où chaque chose est exactement à sa place dans une profusion de rêves en cours. Avant de partir, je crois voir en me retournant deux oiseaux au bec allongé, comme figés dans la poutre, les yeux dessinés par les noeuds du bois. Ils se parlent depuis longtemps, avant même la naissance de l’atelier de Patrice.

Les feintes végétales sont imprévisibles.

Le livre PAN, de Patrice Dion, sera publié par les Editions Light Motiv au printemps 2022.

http://www.lightmotiv.com

La Rédaction
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