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Pour sa deuxième carte banche, notre invité de la semaine, le photographe français Jean-Louis Courtinat, a souhaité nous dévoiler l’envers du décor et nous raconter les coulisses de son engagement. Il s’investit totalement auprès de celles et ceux qu’il photographie, jusqu’à vivre deux ans dans centre d’hébergement de Nanterre. Comme il nous l’explique dans ce texte, il réalise très peu d’images pour privilégier les rapports humains.

« J’ai beaucoup de mal à braquer mon appareil sur quelqu’un. Je crains toujours que l’acte photographique ne brise la relation que j’ai nouée avec lui et qu’il se sente trahi ».

Il me faut énormément de temps avant de photographier les gens. J’ai besoin de les connaître, de vivre avec eux, de leur parler, de les apprivoiser.

Au début je ne prends jamais de photos. Je déambule avec mon appareil photo autour du cou. J’adopte leur rythme. J’essaie de gagner leur confiance.

Il m’arrive souvent de quitter mon statut de photographe et de poser mon appareil pour devenir un véritable acteur social. Combien de fois ai-je transporté une personne sur un brancard des urgences ou collecté des vêtements pour les sans-abris de Nanterre ! J’ai besoin de cela : participer concrètement et physiquement à la vie quotidienne du lieu où je suis. Comme si le simple rôle de photographe « observateur » ne me suffisait pas.

Odimba et Alain. Centre d’accueil pour personnes handicapées. Faugeras © Jean-Louis Courtinat

Je travaille beaucoup avec des associations humanitaires. Je suis très proche de l’association « Les Petits Frères Des Pauvres » qui réalise un travail dans la durée auprès de personnes en situation d’exclusion.

Il m’est toujours difficile de terminer un sujet, de quitter ceux dont j’ai été très proche et avec lesquels j’ai vécu longtemps. Je traverse chaque fois une période de vide, un peu comme un deuil. Je conserve des relations avec eux, je les tiens au courant de ce que je prépare (livre, exposition…) je garde toujours à l’esprit que ce n’est pas parce que je suis parti que leurs problèmes sont résolus. Je me dois de continuer à parler d’eux afin qu’ils ne tombent pas dans l’oubli.
Robert Delpire disait souvent que j’étais un photographe d’intérieur. Il avait raison. Pour moi, point de grands espaces, point de pérégrinations autour du monde. Mes sujets sont toujours liés à des lieux précis, des univers clos, intimes, que je peux contrôler et où je peux revenir souvent. Je ne m’éparpille pas, ne me disperse pas. Je me pose et je reste. Ainsi, lorsque j’ai voulu réaliser un travail sur la grande pauvreté, je me suis installé deux années au centre d’hébergement de Nanterre, lieu spécifique, accessible et compréhensible pour moi.

Je fais peu d’images. Je passe beaucoup plus de temps à vivre avec les gens qu’à les photographier. J’ai beaucoup de mal à braquer mon appareil sur quelqu’un. Je crains toujours que l’acte photographique ne brise la relation que j’ai nouée avec lui et qu’il se sente trahi.
J.L.C

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