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Le Champ des Impossibles.03, dont la thématique centrale est l’arbre, se déroule jusqu’au 12 juin 2022. Chaque jour, nous vous proposons le portrait d’un artiste du Parcours Art & Patrimoine en Perche .03 rédigé par Emmanuel Berck. Aujourd’hui, retrouvons Adrien Boyer, un photographe traditionnellement très marqué par l’univers urbain qui s’est récemment ouvert à la beauté des paysages ruraux.

Après des études de commerce, Adrien Boyer travaille dans la banque mais profite d’un plan de départs volontaires, à l’issue de la crise des « subprimes », pour partir en voyage, appareil photo au cou. En 2009, il réalise une première série sur New York. Le succès, immédiat, l’encourage à persévérer dans une approche documentaire et plasticienne.

Exposition extérieure au Manoir de Courboyer © Olivier Steigel

L’artiste se situe sur la ligne de crête entre réel et imaginaire : il pratique une photographie réaliste, sans embellissement, cherchant à montrer le réel tel quel, mais dépassant également ce qu’elle représente pour susciter une réflexion. Ses clichés n’ont pas de sujet évident : « Avant d’être un projet, une intention, la photographie est pour moi une façon de ressentir le monde. Je ne suis pas à l’affût, je cherche surtout à me mettre en état de réception. Les images n’ont pas de sujet : je cherche à créer un sens à partir de quelque chose qui n’en avait pas à première vue, dans une sorte de réalisme onirique. Je suis un être photosensible, parfois je me sens au milieu d’un mobile de Calder dont mon regard serait le point d’équilibre ».

Sa photographie est d’abord urbaine : « Enfant de la ville, j’aime le chaos perpétuel des environnements urbains. Les objets, les formes et les couleurs s’entrechoquent de façon aléatoire et incessante. Mes images mettent en relation ces éléments, formes et signes – tout ce qui fait le réel – qui prennent sens les uns par rapport aux autres. Rien, c’est insignifiant. »

De l’urbain au rural

Adrien Boyer, Sans titre (Perche), n°2 – série Oublier le Ciel, 2021 copie

Adrien Boyer, Sans titre (Perche), n°20 – série Oublier le Ciel, 2021 copie

Adrien Boyer, Sans titre (Perche), n°12 – série Oublier le Ciel, 2021 copie

Dans le cadre d’une résidence au fil des saisons de 2021 au Champ des Impossibles, Adrien Boyer se confronte à la nature, à l’univers rural. C’est inédit pour lui : « J’ai découvert dans le Perche des formes inattendues, différentes de celles que je trouve en milieu urbain. Si, en ville, tout change rapidement, j’ai pris conscience qu’il en va de même à la campagne : on ne voit jamais la même chose. Le Perche a modifié ma manière de voir les arbres, les champs, les nuages. Dans ma démarche artistique, je me sens partie prenante du monde qui m’entoure, plutôt que spectateur. La campagne est une alchimie, le nom que l’on donne à l’équilibre précieux et savant entre l’homme et son milieu naturel. Bien que l’environnement ne soit pas pour moi un sujet d’étude en soi, mon travail parle du lien charnel qui nous unit à la nature. Celle-ci nous façonne tout autant que nous la façonnons ».

Au cœur de la démarche de l’artiste, l’interrogation sur les différents niveaux de perception et de compréhension de la réalité est fondamentale. « Le regard a cette capacité de déconstruire le sens, pour le reconstruire ailleurs. La photographie n’a d’intérêt pour moi qu’en ce qu’elle me permet de formuler cette interrogation, et de la partager avec mes contemporains. »

Adrien Boyer est un photographe qui puise une partie de son inspiration chez différents auteurs, de la peinture à la littérature, en passant par la philosophie. Camus, Chirico, Ghirri, Rothko, Hopper, font partie des influences que l’on retrouve sans conteste dans son écriture photographique. « Le peintre interprète le monde, il le traduit dans sa propre langue. Et cette langue se met à parler à d’autres que lui, en particulier à ses contemporains. En réalité, c’est le regard qui enrichit le spectacle du monde. Ma démarche est de chercher un monde où réalité et symbole ne feraient plus qu’un ». Un monde où « je vois équivaut à je crois » comme l’écrit Albert Camus dans « Noces à Tipasa ».

Adrien Boyer, Sans titre (Perche), n°25 – série Oublier le Ciel, 2021 copie

Adrien Boyer, Sans titre (Perche), n°27 – série Oublier le Ciel, 2021 copie

Dans le cadre du Parcours Arts et Patrimoine en Perche, le travail documentaire d’Adrien Boyer est l’occasion d’un beau parcours en extérieur dans le Parc Naturel Régional du Perche au Manoir de Courboyer, avec une quarantaine d’images dont l’exposition perdure tout l’été. En parallèle, une autre exposition sera organisée, également cet été, à la Pocket Galerie de Perche-en-Nocé. « Le Perche a été pour moi une expérience transformante du point de vue artistique. Je suis très heureux d’y exposer mon travail. »

La résidence artistique d’Adrien Boyer au sein du Champ des Impossibles .03 fait l’objet de la publication d’un carnet de résidence, co-publié par les Éditions Filigranes et Art Culture & Co, écrit sous forme de conversation avec l’historienne de l’art Selma Bella Zarhloul. Il est disponible, comme les 15 ouvrages de la collection, à la boutique du Moulin Blanchard et à la Pocket Galerie de Perche-en-Nocé.

Adrien Boyer a en outre publié trois ouvrages, qui ont fait l’objet d’expositions monographiques à la galerie Clémentine de la Féronnière, à Paris. Son travail a été présenté a intégré plusieurs collections majeures comme celle de Florence et Damien Bachelot et celle d’Hermès Fondation d’entreprise.

Plus d’information : www.lechampdesimpossibles.com

INFORMATIONS PRATIQUES

sam07mai(mai 7)10 h 00 mindim12jui(jui 12)18 h 00 minLe Champ des ImpossiblesParcours Art et Patrimoine en Perche .03Moulin Blanchard, 11 Rue de Courboyer 61340 Perche-en-Nocé


Les samedis et dimanches de 14h00 à 19h00
Entrée 10 euros pour les 17 sites d’expositions du Parcours – tarifs réduits (5 euros) et gratuité jusqu’à 18 ans

Emmanuel Berck
Après une trentaine d’années dans la communication et la traduction, majoritairement dans le secteur des nouvelles technologies, Emmanuel Berck est devenu rédacteur indépendant en 2019. Il accompagne ainsi des entreprises dans l’élaboration de leurs stratégies éditoriales, à travers la rédaction de tribunes libres, de témoignages clients ou d’articles destinés à la presse. Il développe parallèlement une activité de pigiste pour différents magazines locaux ou nationaux, comme « Pays du Perche », « Pando » et « Profession Photographe ». Ses thèmes de prédilection sont l’environnement et la transition agricole, l’évolution climatique et la préservation de la biodiversité, et les enjeux liés à l’alimentation en circuits courts. Installé dans le Perche depuis 20 ans, il s’appuie sur un réseau d’acteurs locaux très divers qui lui permet d’analyser en profondeur les problématiques qu’il traite dans ses articles. Il aime en outre rédiger des portraits mettant en relief le travail de l’artiste ou l’artisan – le geste et les outils – son savoir-faire, son parcours et ses préoccupations actuelles. Emmanuel a réalisé 11 portraits d’artistes du Champ des impossibles.02, publiés dans l’hebdomadaire « Le Perche » durant l’été 2021. Il a également écrit deux entretiens avec deux artistes du Champ des impossibles, à paraître aux Editions Filigrane.

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