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Prolonger l’été dans la douceur du sud, riche de multiples festivals et propositions artistiques et se laisser porter loin du spectre en filigrane d’une rentrée politique et sociale qui promet d’être compliquée. Arles, tout d’abord et la magie des Rencontres même si une relative gentrification se remarque dans certains quartiers, la ville étant en intense chantier sous l’impulsion de la collectionneuse et mécène suisse Maja Hoffmann qui ne laisse personne indifférent depuis que le paysage est soudain devenu vertical par l’irruption de la tour Frank Gehry, vigie de son campus ultra désirable haute de 8 étages.

Plus qu’une utopie, la Fondation Luma est devenue un emblème, les nostalgiques tournés vers le temps d’avant ne ménageant pas leurs critiques. Faut-il pour autant bouder les propositions d’Arthur Jaffa et de James Barnor ? Dommage en tous cas que la billetterie ne soit pas compatible entre les deux antennes.
Ce préambule posé, revenons aux Rencontres qui dans leur ensemble tiennent leurs promesses.

Il est difficile de finaliser une short-list d’une offre pléthorique et de très haut vol, alternant les têtes d’affiches (Arthur Jaffa, James Barnor, Lee Miller..) ou les révélations (Katrien de Blauwer, Bettina Grossman..) autour du féminisme, de la performance, des enjeux climatiques. Je vous propose de faire un pas de côté pour nous concentrer sur de vraies découvertes, loin des sentiers battus, beaucoup ayant été écrit sur les stars du marché.

Chants du ciel, La photographie, Le nuage et Le cloud – Monoprix

Noa Jansma. Nuages à vendre, 2020-2021. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.

L’une des expositions les plus formellement réussies et brillantes intellectuellement qui joue de la polyphonie de sens du mot nuage, désignant le phénomène atmosphérique mais aussi le cloud computing, le stockage de données. Si le nuage a été une source d’inspiration majeure dans l’histoire de la photographique et l’on songe à la fameuse série de Steiglitz, ce motif projeté à l’ère d’aujourd’hui en devient une projection technologique liée à une vision capitaliste de la surveillance et de la captation des données.

Louis Henderson. Tout ce qui est solide, 2014. Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de LUX.

Mention spéciale pour le court métrage de l’artiste Louis Henderson « All That is solid ». Mise en abyme et plongée dans les méandres de l’obsolescence de nos produits électroniques dont le recyclage est assuré en Afrique de l’Ouest par de jeunes gens qui brûlent le plastique sur des terrains vagues pour en récupérer le précieux métal, vendu et refondu de nouveau. Un étrange système dans lequel des africains cherchent des ressources minérales dans des matériaux venus d’Europe. Une vision sombre et critique sur la soi-disant immatérialité des nouvelles technologies.

Katalog, Barbara Iweins (galerie Photosynthèses)

« Absolument tout y est passé : de la chaussette trouée de ma fille aux Lego de mon fils en passant par mon vibromasseur, mes anxiolytiques, tout, absolument tout
Barbara Iweins

Barbara Iweins. Salle de bain, série Katalog. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.

La photographe belge au cours de ses 11 déménagements à ce jour a réalisé sa relation ambiguë aux choses accumulées. Après son divorce et retour en Belgique, elle décide de faire l’inventaire de ses possessions en partant de sa garde-robe, sa bibliothèque, les jouets des enfants…dessinant un autoportrait en creux au-delà de ses compulsions à valeur sentimentale. Pendant 4 ans et suivant un rigoureux protocole elle a ainsi pris 12 795 photos de 12 795 objets.

Barbara Iweins. Salon 1, série Katalog. Avec l’aimable autorisation de l’artiste.

Que cachent les objets qui nous ressemblent et que l’on met en scène sur les plages glacées des magazines ? Ces témoins d’une gratification narcissique et d’un bonheur instagrammable ? Ces classements et ces listes que l’on passe son temps à échafauder au quotidien ? Un confinement volontaire et inventaire à valeur de thérapie alors que l’injonction du vide et du rangement n’a jamais été si forte dans la société à en croire les coachs qui fleurissent sur les réseaux sociaux comme Marie Kondo, la nouvelle papesse de la méthode KonMari. Une fois triés, ces objets dessinent des cartographies sensibles et originales, absurdes et dont la logique nous échappe. Le livre chez delpire & co retrace cet incroyable défi !

WORK IN PROGRESS WIP#22 : L’exposition annuelle de l’Association des étudiant·e·s de l’École nationale supérieure de la photographie (AEENSP)

Simon Bouillère. Roulage, série Roulage, 2021. Avec l’aimable autorisation de l’artiste

Ambre Husson. La nuit, tu mens, série La nuit, tu mens, 2020. Avec l’aimable autorisation de l’artiste

Il faut un peu marcher et après les Alyscamps –sublimés par la proposition de Lee Ufan- quitter les sentiers battus de la Fondation Luma pour aborder un territoire encore vierge de toute emprise de marchandisation et formatage dans un lieu improbable, ancien bar-hôtel-restaurant « Le Printemps ». Le lieu resté dans son jus, outre l’exposition des 70 étudiant·e·s propose des workshops, concerts, projections…L’ancienne piscine est même investie !

Bettina Grossman « Poème du renouvellement permanent » Salle Henri Comte

Bettina Grossman. Série New York phénoménologique / Stratégies énergétiques urbaines, Motifs de la circulation, New York, 1976-1986, photographie. Avec l’aimable autorisation de Bettina Grossman.

Sous le commissariat de Yto Barrada et Gregor Hubert, première exposition en France de l’artiste américaine connue pour s’être retranchée au Chelsea Hotel dans les années 1970 jusqu’à sa mort. Photographies, dessins, vidéos, objets… l’américaine se nourrit et joue de ce qui l’entoure dans des expérimentations multi disciplinaires aux confins de l’abstraction.

Frida Orupado – Mécanique Générale

« A quelle vitesse chanterons-nous ? »

Frida Orupabo. Grand écart, collage avec attaches parisiennes, 2022. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Galerie Nordenhake.

En parallèle de l’impressionnant panorama Une avant-garde féministe qui vaut à lui seul le voyage, l’artiste et sociologue norvégienne-nigériane Frida Orupado déconstruit les stéréotypes liés à la représentation du corps de la femme noire, son objectivation et ses violences à partir d’imagerie populaire puisée dans des plateformes numériques et archives familiales liées au colonialisme. De grands collages où les corps, parsemés de cicatrices invitent à voir autrement qu’à travers les prismes dominants.

Retrouvez le second volet de cet article dans notre édition du 7 septembre 2022 >>>

INFORMATIONS PRATIQUES

lun04jul(jul 4)10 h 00 mindim25sep(sep 25)19 h 00 minLes Rencontres d'Arles 2022Visible ou invisible, un été révéléLes Rencontres d'Arles, 32, rue du Docteur Fanton 13200 Arles


https://www.rencontres-arles.com/fr/
Arthur Jaffa et James Barnor :
LUMA Arles
35 Av. Victor Hugo
13200 Arles
https://www.luma.org/fr/arles.html

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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