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Pierre-Yves Mahé est le directeur de l’école de photographie Spéos, il compte parmi les 4 associés du Quai de la Photo, un nouveau centre d’art flottant dédié à la photographie contemporaine qui ouvrira ses portes au printemps prochain au pied du pont de Bercy. Un lieu pluriel et convivial qui met au cœur de sa programmation, la création émergeante. À quelques mois de l’ouverture de ce nouveau lieu qui mêle espace d’expositions, librairie spécialisée et espace convivial, nous avons rencontré Pierre-Yves Mahé.

Les 4 associés du Quai de la Photo

Comment est né le projet du Quai de la Photo ?

J’ai rencontré Géraud Boursin, fondateur de Fluctuart (ndlr : centre d’art urbain flottant situé Pont des Invalides). Il souhaitait répondre à un appel d’offre lancé par le quai de la gare en proposant un nouveau lieu culturel flottant, mais cette fois-ci consacré à la photographie contemporaine. Il cherchait un partenaire issu du monde de la photo pour développer son concept. Le projet m’a réellement enthousiasmé que j’ai tout de suite accepté de rejoindre l’aventure, nous avons donc réalisé cet appel d’offres ensemble et nous l’avons remporté.
Ce qui est intéressant, c’est de voir la dynamique qu’il y a entre les quatre fondateurs et l’équipe qui est en train de se créer. Nous sommes tous complémentaires, il y a d’une part l’expérience de structure avec Fluctuart initiée par Géraud Boursin et Nicolas Laugero Lasserre qui nous amène une garantie de réussite. Philippe Fournier quant à lui anime toute la partie navigation et de mon côté, le réseau photo a démarré au quart de tour. Nous avons chacun des compétences différentes et cela multiplie à priori les chances de réussite du projet.

Vous avez donc décidé d’orienter votre programmation vers la photographie contemporaine émergente. Pourquoi ce choix ?

On remarque que les galeries peinent à exposer les jeunes photographes. Notre envie était donc de leur permettre d’augmenter leur visibilité à travers la programmation du Quai de la Photo. Je suis directeur de l’école Spéos, ce choix de soutenir la jeune création est donc venu très naturellement.

Comment avez vous pensé ce nouveau lieu ? Et quelles activités seront proposées au public ?

Le projet est toujours en train de se penser, il évolue, mais pour les principes fondamentaux, Quai de la Photo sera un espace d’exposition permanent avec trois niveaux de présentation : une galerie de 120m2 avec des conditions muséales, des panneaux translucides disposés à l’intérieur mais aussi à l’extérieur de la barge et sur la terrasse, et un écran de projection permettant de présenter les travaux d’un plus grand nombre de photographes.
Pour concevoir la programmation artistique, nous avons choisi d’adresser des cartes blanches à des commissaires d’exposition invités. L’occasion d’ouvrir à une mixité de styles photographiques. L’objectif principal est de donner de la visibilité à des jeunes photographes, tout en abordant des thèmes différents.
De temps en temps, nous accueillerons en tant que commissaire, des photographes réputés qui présenteront un ou plusieurs talents qu’ils aimeraient faire découvrir au public. La première exposition se fera avec l’agence Magnum. Le nom du photographe commissaire est encore en discussion.

Au-delà des espaces d’expositions, nous développons plusieurs projets : il y aura un studio photo pour dispenser des cours (certains gratuits, d’autres payants) et  le reste du temps, il sera en libre service pour que le public puisse faire des selfies, ou des portraits de groupe. On organisera des stages de photo très spécifiques, puisque Quai de la Photo sera équipé de petits bateaux qui permettront de photographier Paris depuis la Seine.
Nous avons également prévu de proposer des conférences gratuites qui couvriront tous les aspects de la photographie – techniques et culturels – et qui s’adresseront à un public allant des néophytes aux plus avertis.
La librairie La Comète spécialisée dans l’édition photographique et qui est actuellement basée le 10ème arrondissement, rejoint l’aventure Quai de la Photo.

Enfin, sur les trois-quart du plateau du haut, là où il y aura la librairie, nous réservons un important espace de bar et de restauration. Et six mois par an, de mai à octobre, on déplora une grande terrasse sur le quai. Le lieu pourra accueillir jusqu’à 1000 personnes.

À qui s’adresse Quai de la Photo ?

Quai de la Photo s’adresse à tous les publics. Ce sont aussi bien les professionnels et amateurs de photo, public des Rencontres d’Arles, que celui du festival Circulation(s), mais aussi les 5 à 6000 personnes qui se promènent quotidiennement sur les quais lorsque arrivent les beaux jours. Comme le bateau sera en accès libre et gratuit, on espère que cela va créer des vocations chez des gens qui n’étaient pas prédestinés à la photographie.

Présenter des expositions au sein d’un lieu avec une l’hydrométrie élevée impose t-il des conditions spécifiques par rapport aux tirages ?

C’est évidemment un élément que nous avons du prendre en compte très tôt dans ce projet. Tous les systèmes de ventilation et de chauffage ont été évalués par rapport à cette problématique. Il y a un mouvement d’air qui a été étudié et établi par les architectes. Sur place, nous pourrons harmoniser au mieux pour qu’il n’y ait pas de problème. On s’assura d’avoir les conditions optimales avant de présenter une collection vintage rarissime.

Quel est le modèle économique pour ce nouveau lieu gratuit et ouvert à tous ?

Le modèle est principalement construit autour de la restauration et les événements : des cours, les stages et les croisières en bateau. Le lieu pourra d’ailleurs être entièrement privatisé pour certaines occasions. Les expositions, les conférences et certains cours seront en accès libre et cette gratuité est possible grâce à cela.

Comment situez-vous le Quai de la Photo par rapport au paysage culturel photo à Paris ?

La mixité de ce lieu apporte une véritable singularité au projet. Il y a plusieurs propositions et tout cela dans une ambiance très conviviale. On peut venir pour quelque chose de précis comme la restauration et finalement découvrir l’espace d’exposition et de librairie ! La principale différence de Quai de la Photo comparé aux autres lieux dédiés à la photographie, c’est que nous sommes sur l’eau, l’attrait de la Seine est un contexte très nouveau. Pour l’instant, il n’existe aucune galerie flottante !
Nous ne sommes pas en plein coeur de Paris, mais notre situation et nos différentes activités devraient nous permettre malgré tout d’attirer du monde. L’été, il y a un important traffic sur les quais. De plus, le public de la librairie La Comète devrait suivre. L’Ecole Spéos ou encore l’Icart – dont la direction est gérée par Nicolas Laugero Lasserre, l’un des associés du Quai de la Photo, vont drainer un jeune public. Le public des écoles est important, nous mettront en valeur d’autres écoles que les nôtres bien évidemment. Et puis tout le réseau commun lié à la photographie est très important, j’espère qu’il sera ravi de l’ouverture de ce nouveau lieu pour se retrouver. On organisera des transversalités avec d’autres événements comme le festival Circulation(s), ou avec des galeries et des Musées, comme le Musée Niépce en Bourgogne…

Vous avez choisi de faire appel à un conseil artistique composé de 6 personnalités du monde de la photographie, quels sont leur rôle ?

Alors ce sont des conseillers artistiques mais ils sont potentiellement tous des commissaires invités. C’est déjà le cas avec Andréa Holzherr, directrice des expositions chez Magnum qui inaugurera le centre. Emmanuelle Halkin du comité artistique du festival Circulation(s) ou encore Dimitri Beck de Polka nous proposeront des programmations artistiques. Nous nous sommes entourés de ces professionnels pour prendre des décisions éclairées mais aussi avoir de vrais échanges. Ce conseil artistique va s’enrichir, évoluer et se modifier, cela doit rester très ouvert.

L’ouverture est prévue au printemps, quel est le calendrier prévu ?

Aujourd’hui, le bateau existe en vrai. C’est extraordinaire de passer du projet 3D à la réalité. C’est vraiment étonnant de voir un bateau se construire. Sur place, on a pu apporter des modifications en cours de construction.
Le bateau va être installé sur les berges entre la fin février et la mi-mars, une fois finalisé, il va quitter Dieppe, et être remorqué trois heures en mer pour atteindre la Seine. Il sera ensuite poussé jusqu’à Paris. Il va remonter, partiellement démonté pour passer les écluses jusqu’à sa place définitive. Nous avons besoin d’une plage horaire d’à peu près trois heures, absolument calme et parfaite. Comme ce n’est pas un bateau mais une barge, il faut être très prudent pour ne pas qu’elle prenne de torsion pendant le trajet.
Ensuite, la terrasse ouvrira assurément le 1er mai, la barge quant à elle sera à quai, mais elle doit être validée par les commissions de sécurité, sa date précise d’ouverture est difficile à estimer car on ne peut pas contrôler les délais s’il y a des choses à améliorer. On rêverait d’inaugurer le 1ᵉʳ mai, mais il est possible que ce soit plus tard. L’ouverture officielle est prévue pour la fin juin a priori, au tout début de l’été.

INFORMATIONS PRATIQUES

QUAI DE LA PHOTO – Centre d’art photographique
Pont de Bercy, Berges de Seine, rive gauche
22, port de la Gare, 75013 Paris
www.quaidelaphoto.fr

Cet entretien a été réalisé et publié dans le cadre du numéro #357 de Réponses Photo

La Rédaction
9 Lives magazine vous accompagne au quotidien dans le monde de la photographie et de l'Image.

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