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Les éditions Dunes voient le jour au début de l’été 2021 avec la sortie du premier ouvrage « Reaching for Dawn » signé par Elliott Verdier. Rencontre avec Margaux Beaughon, fondatrice et directrice de cette exigeante et ambitieuse maison d’édition photo consacrée aux ouvrages de photographie documentaire. Dunes est une jeune maison d’édition de livres photographiques qui souhaite raconter des histoires et, à travers elles, l’histoire de notre monde contemporain. Les deux premiers titres de Dunes, « Reaching for Dawn » d’Elliott Verdier (paru en juin 2021) et « Les rochers fauves » de Clément Chapillon (paru en juillet 2022) sont en rupture de stock.

Portrait Margaux Beaughon © Elliott Verdier

Comment en êtes-vous venue à créer Dunes, une maison d’édition consacrée à la photographie documentaire ?

Margaux Beaughon : Je viens de la communication, alors l’édition photo-graphique était une première pour moi. À l’époque j’étais en charge des projets éditoriaux chez M&C Saatchi Little Stories, une agence qui avait la particularité d’avoir deux directeurs de création passionnés de photographie documentaire. C’est vraiment ce qui m’a fait découvrir cette spécificité de language photographique, notamment dans le cadre d’un projet de galerie en ligne “Diversions” qui mettait en lumière des séries d’auteurs. C’est à cette occasion que j’ai découvert le travail d’ Elliott Verdier, à l’époque il venait de finaliser sa série “A Shaded path”, réalisée au Kirghizstan. Et c’est ma rencontre avec lui qui a amorcé ce projet de maison d’édition. Nous avions la volonté de monter un projet commun, autour de la photo documentaire. Tous deux étant de véritables amoureux des livres, l’idée de créer notre propre maison d’édition s’est finalement imposée. Nous avons commencé à travailler sur l’ouvrage d’Elliott avec sa série sur le Liberia, “Reaching for Down”. Il importait pour nous que chaque livre raconte une histoire et soit un univers en soi. C’est pour cela qu’à chaque ouvrage, on essaye avec Elliott qui est en charge de la direction artistique, d’enrichir le contenu par des collaborations avec d’autres artistes ou d’autres disciplines artistiques. Un point singulier chez Dunes, c’est que nous choisissons de publier uniquement des séries documentaires au long cours qui questionnent notre société.

© Elliott Verdier « Reaching for Dawn »

Le projet s’est développé en pleine période de crise sanitaire. À quelles difficultés vous êtes-vous heurtés ?

M. B. : Le projet de ce premier livre a en effet commencé au tout début de l’année 2020, soit très peu de temps avant le confinement. Cette période nous a permis d’être plus créatifs et plus concentrés mais, il a été très difficile de rencontrer les différents prestataires essentiels à la réalisation de l’ouvrage. Tout fonctionnait au ralenti, mais nous avons usé de ce temps pour remettre le projet en question et nous avons pu avancer prudemment. Bien sûr, sans cette crise sanitaire, le livre aurait vu le jour bien plus tôt.

Couverture du livre d’Elliott Verdier

Comment ce livre a t’il été accueilli par le public et les professionnels ?

M. B. :
Nous sommes chanceux, car à peine paru, “Reaching for Down” a été lauréat du Prix HIP dans la catégorie Livre de l’année et finaliste du Paris Photo–Aperture PhotoBook Awards. Cela nous a donné une incroyable visibilité, et nous a permis de nous lancer véritablement. Au début, c’était un vrai pari de lancer ce projet d’édition, cela nous a mis sur la bonne voie.

L’édition photographique est un secteur en difficulté. Les livres sont très coûteux à produire, ce qui rend l’équilibre économique fragile. Comment concevez-vous vos titres ?

Livre de Clément Chapillon

M. B. : Au début, il nous a été très difficile d’anticiper le nombre de tirages à réaliser. Qu’était-il raisonnable de faire ? C’était un gros point d’interrogation. On a décidé de faire une campagne de financement participatif pour évaluer l’intérêt des livres et de leurs histoires auprès du public. Cela a très bien fonctionné mais évidemment cela ne couvre qu’une infime partie de la réalisation des ouvrages qui sont particulièrement coûteux. Nous avons fait le choix d’avoir des objets qualitatifs, avec des papiers de création très chers. De plus “Reaching for Down” a été produit en France, financièrement nous n’avons pas pu faire la même chose pour le second “Les rochers fauves” de Clément Chapillon, pour des raisons évidentes de réduction des coûts. Ces deux projets ont été entièrement autofinancés. Je me suis investie à 100 % j’y ai mis toutes mes économies et contracté un prêt. Je ne suis pas en mesure de me rémunérer aujourd’hui, donc il est important de se concentrer sur le développement de Dunes. Il faut continuer à se faire connaître et à asseoir notre ligne éditoriale. Nous souhaitons également avoir une portée internationale, j’aimerais pouvoir travailler avec un distributeur étranger pour que les livres soient diffusés plus largement. Pour le prochain livre, je dois trouver des financements en m’adressant à des entités ou des institutions proches du sujet concerné. Nous sommes à contre courant de certaines maisons d’édition qui demandent aux photographes de payer ou d’avancer une partie des frais pour des raisons éthiques et sans doute très naïves du marché. J’ignore si ce modèle sera viable dans le temps… Je me laisse donc la souplesse d’adapter le mode de financement si besoin. Mais aujourd’hui, l’idée principale est d’essayer de financer les livres avec les bénéfices des précédents.

Quel est le coût de production d’un livre ?

M. B. : Nos deux premiers livres étaient à peu près de la même facture, en terme de format, nombre de pages et tirages (700 ex), il faut compter une moyenne de 25000€ par livre, vendu à 65€, donc la marge est très faible. Pour le premier, nous avons eu la chance qu’il soit sold out dès le 5ème mois. Mais nous devons revoir nos budgets pour que les ouvrages soient plus rentables.

Comment imaginez-vous le futur de Dunes Editions ?

M. B. : Dans l’idéal, j’aimerais sortir entre deux et quatre ouvrages par an. Et ce qui est important pour moi c’est de promouvoir une certaine diversité. Les deux ouvrages ont été réalisés par des photographes français masculins blancs qui sont partis à l’étranger pour réaliser leurs sujets. J’ai à cœur d’être vigilante sur le fait que ce ne soit pas toujours le même type de profils qui soit publié. C’est important qu’il y ait plus de mixité de genre et de culture. Donc je suis impatiente de commencer à travailler sur le prochain projet !

LES EXPOSITIONS DES PHOTOGRAPHES PUBLIÉS (TERMINÉES)

jeu16mar(mar 16)11 h 30 minsam20mai(mai 20)19 h 00 minElliott VerdierReaching for DawnGalerie Écho 119, 119 rue Vieille du Temple, 75003 Paris

ven24mar(mar 24)14 h 00 mindim21mai(mai 21)18 h 00 minClément ChapillonLes rochers fauvesGalerie Le Lieu, Hôtel Gabriel - Aile Est Enclos du Port - Enceinte du Péristyle 56100 Lorient

Cet entretien a été publié dans le numéro #353 de Réponses Photo.

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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