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Pour sa troisième carte blanche éditoriale, notre invité de la semaine, Alain D’Hooghe, directeur de la box galerie fait un saut dans le temps, 170 ans en arrière, pour nous parler de l’arrivée et de l’utilisation du ferrotype. Un procédé du tirage photographique particulièrement populaire au 19e siècle, car moins cher et moins fragile que les autres procédés. Si il a été utilisé durant de longues décennies, l’âge d’or du ferrotype se situe entre les années 1860 et 1890, c’est ainsi que l’on a pu immortaliser en image l’Histoire des États-Unis.

Aujourd’hui, il ne s’agira pas de commenter une image mais d’évoquer tout un pan étonnamment méconnu de l’histoire de la photographie.
Découvert en 1853 par un Français comme une alternative moins chère et moins fragile que l’ambrotype ou le daguerréotype, mais véritablement mis au point en 1856 dans l’Ohio, le ferrotype s’est imposé aux États-Unis comme le procédé photographique le plus populaire (parce que le plus accessible) de la seconde moitié du 19e siècle.

L’essor rapide et spectaculaire du ferrotype (ou tintype) est lié à l’épisode tragique de la guerre de Sécession ; les recrues emportaient dans leur portefeuille ou dans un écrin le portrait de leurs proches, de leur fiancée, de leur épouse et, à leur tour, envoyaient à ceux-ci leur propre portrait parfois réalisé non loin du front. Trop souvent, ils n’étaient pas appelés à se revoir.

Après la guerre, en quelques années, des milliers de photographes ont ouvert des studios jusque dans les villes les plus reculées du continent tandis que d’autres optaient pour l’itinérance, installant leur studio-tente dans les campagnes en suivant généralement le calendrier des foires ponctuant la vie locale.

Pour se faire tirer le portrait, on s’habillait de son mieux quand on en avait les moyens, sinon l’habit de tous les jours faisait l’affaire. On posait parfois en extérieur mais le plus souvent devant un fond, simple drap blanc ou toile peinte en dérisoire trompe l’œil.

Même s’il fut utilisé jusque dans les années 1930, l’âge d’or du ferrotype se situe entre les années 1860 et 1890.

Ces quatre décennies ont profondément marqué et transformé l’histoire des États-Unis: guerre de Sécession, abolition de l’esclavage, conquête de l’Ouest et installation de colons sur des terres inconnues, guerres indiennes, ruée vers l’or, immigration importante en provenance d’Europe et d’Asie, construction du chemin de fer, industrialisation, commercialisation de l’agriculture, luttes ouvrières, engorgement des grandes villes,…

Nul besoin de manuels d’histoire : le cinéma, la télévision, la littérature, la musique parfois nous ont rendu tous ces épisodes on ne peut plus familiers ; d’une certaine manière, ils font désormais partie de notre mémoire collective, presque de notre propre histoire, en tout cas de notre mythologie.

Néanmoins, ces hommes, ces femmes et ces enfants que nous regardons et qui nous regardent nous renvoient autant à la réalité qu’à nos fantasmes. Rien ici d’édulcoré ni de licence fictionnelle : souvent sans le moindre apprêt, ceux qui choisissaient de poser pour l’objectif du ferrotypiste ne répondaient qu’à une envie, qu’à un besoin : « Voyez-moi tel que je suis à ce moment précis de mon existence. » Et ne m’oubliez pas, est-on tenté d’ajouter.

Un siècle et demi plus tard, la charge émotionnelle est intacte, voire accrue. Nous ne saurons rien – ou si peu – de ces êtres au destin banal ou tragique, rien de leurs bonheurs ni de l’âpreté de leur vie, mais à les regarder aujourd’hui, rien ne nous empêche d’imaginer, de rêver, de les faire entrer dans notre quotidien comme ils nous invitent involontairement à pénétrer le leur. C’est cela, aussi, la magie de l’image photographique.

EN CE MOMENT À LA GALERIE

sam09sep(sep 9)14 h 00 minsam21oct(oct 21)19 h 00 minaquí · ahí · allí *box galerie, 102 chaussée de Vleurgat 1050 Bruxelles

La Rédaction
9 Lives magazine vous accompagne au quotidien dans le monde de la photographie et de l'Image.

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