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Retour sur le Parlement de la Photo 2024 : Vers une photographie plus inclusive, état des lieux et perspectives

Temps de lecture estimé : 5mins

© Isa Harsin / SIPA PRESS

La 5ème édition du Parlement de la Photographie sur la thématique « Penser ensemble le futur de la Photographie » s’est déroulée au Palais de Tokyo à Paris les 5 et 6 juin derniers. Au cours de l’été, le ministère de la Culture a publié les rediffusions des différentes tables rondes. Chaque jour, nous partagerons avec vous les échanges et débats qui ont eu lieu. Aujourd’hui, nous revenons sur l’incroyable rencontre orchestrée par la journaliste Nora Hamadi pour parler d’une photographie plus inclusive avec Cathy Bouvard, Lucile Deschamps, Hélène Jayet et Pascale Obolo. À voir absolument !

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Pour parler de ces enjeux, quatre personnalités du monde de l’art sont présentes et c’est l’artiste plasticienne et productrice Pascale Obolo qui présente l’extrait d’une de ses vidéos. La fabrique des contres-récits (2021) questionnant le racisme ordinaire et structurel rencontré dans les institutions et les écoles d’art en Belgique, à travers notamment le témoignage de la photographe noire Hélène Hamouzou.
L’artiste pluridisciplinaire, Hélène Jayet, partage à son tour son expérience. Femme métisse, elle explique les différences de visibilité et de traitement entre les photographes africains et ceux comme elle, issus de la diaspora, qui rencontrent moins de difficultés. Un réel trauma racial se réactive dans chaque situation et entraîne parfois une sorte d’autocensure.

Il est essentiel que les institutions culturelles changent de grilles de lecture et de perception pour s’ouvrir à ceux et celles qui ont des trajectoires atypiques. Cathy Bouvard

Cathy Bouvard est directrice des Ateliers Médicis, établissement public pluridisciplinaire installé à Clichy-Montfermeil en Seine-Saint-Denis, qui depuis sa création en 2016 œuvre à un renouvellement des esthétiques et affirme la place de la création dans les banlieues. Il organise des résidences d’artistes pluridisciplinaires en France et forme des jeunes issus de quartiers populaires, notamment à travers l’école La Renverse. Pour Cathy Bouvard, il est essentiel que les institutions culturelles changent de grilles de lecture et de perception pour s’ouvrir à ceux et celles qui ont des trajectoires atypiques. Il y a plusieurs combats à mener, parmi eux l’accompagnement des collaborateurs sur la question du racisme et de la perception du racisme, car il y a encore des résistances. La question de la formation est également au cœur des préoccupations.

Il est nécessaire d’accueillir la diversité au risque de voir beaucoup d’artistes abandonner face à un sentiment d’illégitimité. Lucile Deschamps

De son côté, Lucile Deschamps présente la Fondation Culture & Diversité créée en 2006. Elle y occupe le poste de Déléguée générale en charge de l’Égalité des Chances. Cette fondation privée d’entreprise s’est donnée pour mission d’accueillir la diversité de regards et de visions au sein des grandes écoles de la culture. Elle propose un programme d’égalité des chances construit autour de plusieurs actions : l’accès à l’information sur les formations, dont beaucoup sont publiques, l’aide à la préparation aux concours puis un accompagnement sur toute la durée de leur scolarité. À ce jour, la Fondation a sensibilisé 32 000 jeunes issus de milieux modestes, ils sont plus de 3000 à avoir été préparé aux concours, et un tiers à y avoir été reçu. Lucile Deschamps rejoint Cathy Bouvard sur la nécessité d’accueillir la diversité, au risque de voir beaucoup d’artistes abandonner face à un sentiment d’illégitimité.

Pascale Obolo précise qu’il y a de plus en plus d’étudiants racisés en art, cependant lorsqu’ils entament leur projet de recherche de mémoire et de fin d’études sur ces thématiques-là, leurs professeurs ne sont pas outillés, il n’existe pas ou peu de bibliothèques avec une histoire de l’art plus inclusive et des catalogues d’artistes racisés.

Ces sujets restent encore aujourd’hui extrêmement difficiles à exposer, en témoigne la série Colored Only – Chin Up !, d’Hélène Jayet sur les cheveux noirs qui est régulièrement présentée à l’étranger, mais ne trouve pas sa place en France. Pourtant l’an passé, lorsque la Maison Européenne de la Photographie consacre une rétrospective à Zanele Muholi, artiste non binaire sud-africaine, l’institution enregistre des records de fréquentation avec une grande diversité du public.

Cathy Bouvard ajoute que c’est une richesse pour nous tous d’accueillir ces nouvelles voies et esthétiques, pourquoi s’en priverait-on ? Pour agir, il est nécessaire de pouvoir s’outiller pour mesurer cette invisibilité. Il n’y a pas de statistiques ethniques en France mais l’INED ou Mosaik RH ont développé des outils de mesure pour quantifier les personnes d’origine ethnique différente. Ce serait un premier pas pour évaluer ce qui nous écarte d’une vraie représentation de la diversité dans nos secteurs. La journaliste Nora Hamadi conclut : « Soit on crée une révolution systémique ou sinon cela va se passer ailleurs ! ».

➔ Avec : Cathy Bouvard, directrice des Ateliers Médicis — Lucile Deschamps, déléguée générale en charge de l’Égalité des Chances de la Fondation Culture & Diversité — Hélène Jayet, artiste photographe — Pascale Obolo, cinéaste, commissaire d’exposition, directrice de l’African Art Book Fair, rédactrice en chef de la revue Afrikadaa.
➔ Modération : Nora Hamadi, productrice à France Culture et journaliste.

A LIRE :
Parlement de la Photographie 2024 : Vers une photographie plus inclusive Entretien avec Cathy Bouvard et Hélène Jayet

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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