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Biennale de Lyon, la Sucrière, le Dôme : Intenses collisions (2)

Temps de lecture estimé : 6mins

« Les œuvres qui composent ces Mondes flottants sont sous-tendues par la conscience que l’imaginaire, la poésie et l’art sont à la fois les révélateurs et les antidotes à l’instabilité du temps présent » Emma Lavigne, catalogue

Flux sonores et vibrations cosmiques s’emparent de la Sucrière, le pendant du Mac, sorte de vaisseau fantôme propice à toutes les projections imaginaires.

A son seuil les paillettes d’Elizabeth S. Clark « Enchanté » que l’on traverse en les propageant ensuite indique un état d’impermanence et de sensibilité pour les flux. Elle intervient ensuite avec ce feu d’artifice en miniature  » A spark kept alight », cette étincelle qui se consume le jour de l’ouverture de la Biennale.
La video de Julien Discrit qui reconstitue l’incendie tragique du dôme géodésique de Richard Buckminster Fuller en 1976 ouvre sur les innovations de cet inventeur visionnaire dont le « Radôme » des collections du Centre Pompidou sert de réceptacle dans le centre de Lyon à l’œuvre de Céleste Boursier-Mougenot sur laquelle je reviendrai.
Le spectacle volontairement grandiose et glaçant du film de Bruce Conner « Crossroads »à partir de tests nucléaires de l’armée américaine au large de l’atoll de Bikini nous ramène à une réalité nettement moins onirique malgré une lenteur hypnotisante.
Rapprochez vous du mur pour y lire l’inscription au cachet de Marco Godinho « Forever Immigrant » répétée à l’infini. Egalement le long de la Sucrière ses 12 drapeaux transparents qui symbolisent les 12 étoiles du drapeau européen soulignent son engagement vis à vis des choix des politiques.
Les machines à bulles du philippin David Medalla et à roues de l’américain son ainé, Robert Breer (Etats-Unis) pour l’exposition universelle d’Osaka, sont rapprochées même si le premier est plus animé de souvenirs personnels de bombardements de Manille sa ville natale.
Grand moment de poésie pure avec Hans Haache (Allemagne) qui déploie dans le cœur de la Sucrière « Wide White Flow »une grande soie blanche qui ondule sous l’action de quatre ventilateurs. Invitation à la contemplation comme face à un paysage romantique allemand. L’artiste appartenant à la mouvantce Zero défenseur du système naturel nous en donne un exemple avec Together, circuit au sol rempli d’air et d’eau qui reproduit notre système sanguin ou une collectivité selon le contexte. Au dessus du toit de la Sucrière ses ballons blancs sont prêts à s’envoler « Sky Line ».
Nairy Baghramian (Iran) avec cette sculpture en forme de tuyau ambiguë joue des porosités de sens entre prothèse médicale ou toboggan.
Damian Ortega (Mexique) avec « Hollow/Stuffed: market law » inspiré du poème de T.S. Eliot à partir d’une maquette d’un sous-marin allemand de la seconde guerre suspendu au plafond qui déverse du sel renvoie au passé colonialiste, prémice de la mondialisation des échanges.
Lara Almarcegui (Espagne) s’intéresse aux sous couches des espaces urbains, en l’occurrence ici la destruction de la Halle Girard tout proche de la Sucrière, qu’elle traduit par des ruines de mâchefer sur 85m², matériau souvent réutilisé dans les travaux d’urbanisme.
Tomas Saraceno (Argentine) avec « Cosmic Dust » dessine dans un tube de matière noire une sorte de poussière d’étoile animée par les vibration de l’araignée vivante.
Doug Aithen (Etats-Unis) est l’un des moments de grande poésie sonore avec « Sonic Fountain II »soit la partition provoquée par le son des gouttes d’eau du plafond sur une surface d’eau laiteuse. Susanna Fritscher (Autriche) avec l’installation « Flügel, Klinen » dans l’un des 3 silos de la Sucrière imagine une chorégraphie mécanique et sonore à partir du mouvement d’hélices d’hélicoptères en verre qui se transforment en disques dans un tournoiement proche du vertige.
Le cinéaste thaïlandais, Apichatpong Weerasethakul Palme d’Or à Cannes en 2010, nous entraine dans les profondeurs de la jungle au bord du fleuve Mékong peuplées de présences mystérieuses.
Au 2ème étage, Ola Maciejewska (Pologne) rend hommage aux pionnières de la danse, Loïe Fuller et Maya Deren, faisant ainsi le lien avec la Biennale de la danse.
Le metteur en scène Philippe Quesne surprend avec cette scène échouée et vide de spectateurs « Welcome to Caveland ! ». Un environnement qui respire.
Camille Norment sollicite également le spectateur en l’invitant à prendre place sur un balcon-belvédère au dessus de la Saône pour écouter des chœurs gospel ou chants tibétains.
Shimabuku (Japon) à l’origine de l’identité visuelle de la Biennale, créée des environnements loufoques et absurdes. A partir d’une fuite d’eau dans un espace d’exposition à la Havane imagine une ramba à l’aide de boîtes de conserves. Il demande ensuite à des musiciens d’en faire un remix.
Julien Creuzet et Melik Ohanian dominent le dernier étage. Berger & Berger me touche moins.
Julien Creuzet propose un collage et un poème qui l’accompagne. « Ricochets, les galets que nous sommes finiront par couler » le titre traduit bien l’atmosphère de ces associations sonores et visuelles issues des nouvelles technologies à partir d’un récit historique antillais. Un rhizome qui fait écho à la pensée de Glissant.
Melik Ohanian avec le film « Borderland » (production Chantal Crousel) tourné sur un toit de New York met en scène les errances de personnages inspirés du roman Plans de Rudolf Wurlitzer. Un peu comme chez Becket ce huis-clos est à la frontière de l’absurde.
Mention spéciale avant de quitter la Sucrière pour Anawana Haloba (née en Zambie, vivant en Norvège) animée par les questions post colonialistes en Afrique qui le temps d’une performance recréé « une cour de justice dirigée par un homme venu de loin ». Nous sommes invités en tant qu’étranger (voyageur en Swahili) à l’écouter.

Abordons à présent le Dôme, place Antonin Poncet dans le centre de Lyon
autour du « Radôme » de Fuller des collections du Centre Pompidou qui abrite l’œuvre de Céleste Boursier-Mougenot (représentant la France à la Biennale de Venise en 2015). « Clinamen » dans le vocabulaire physique est une variation des atomes. L’artiste aux croisement de la musique expérimentale et de la création plastique imagine dans un bassin d’eau bleuté une chorégraphie aléatoire et sonore d’une quarantaine de bols mus par un courant invisible.

La Biennale c’est aussi 3 plateformes, Veduta, Rendez Vous et Résonnance qui innervent tout le territoire.

Poursuivons l’expérience à la Fondation Bullukian avec Lee Mingwei, au Couvent de la Tourette avec Lee Ufan et à l’IAC pour Rendez-vous.
Prochain article…

INFOS PRATIQUES :
14ème Biennale de Lyon
Jusqu’au 7 janvier 2017
La Sucrière
49/50 quai Rambaud
69000 Lyon
http://www.lasucriere-lyon.com
http://www.biennaledelyon.com/

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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