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Covid-19 et les artistes : Laure Tiberghien, artiste photographe

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Lauréate 2019 du nouveau prix Découverte Louis Roederer aux Rencontres d’Arles, Laure Tiberghein nous livre depuis son atelier à la campagne des réflexions constructives malgré la mise en suspens de ses projets, dont une nouvelle exposition à Arles cet été. Elle défend une nécessaire solidarité entre artistes pendant la période que nous traversons et participe à la vente de soutien en ligne du collectif Le Houloc.

« Tout le monde a besoin d’art, aime voir de l’art, aime aller dans les musées, par contre on se soucie beaucoup moins de savoir qui fait de l’art et comment »

Laure Tiberghien est diplômée de l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris en 2016 et participe à l’exposition des félicités au Palais des Beaux-arts de Paris, Felicita 17. Invitée par Françoise Paviot, elle réalise en octobre 2017 sa première exposition personnelle, La Société Lumière, à l’Espace Van Gogh à Arles. En 2018 elle a exposé à l’Ar[T]senal, Dreux, avec six autres artistes à l’invitation d’Eric Poitevin. Exposée à Paris Photo en 2019 par la galerie Lumière des roses, elle bénéficie la même année d’une exposition personnelle au sein de la galerie.

Comment vivez-vous cette période et ce confinement influence t-il votre pratique ?

J’ai de la chance parce que là où je suis je peux travailler ayant un atelier dédié. Ma pratique commence dans un laboratoire couleur auquel je n’ai pas accès mais j’ai fait en sorte de pouvoir en créer un nouveau, plus rustique et manuel avec les moyens du bord à partir de chimie couleur que j’ai pu me procurer. Cette période m’a donc ouverte sur de nouvelles recherches et m’a permis de tester une nouvelle façon de produire avec des outils plus restreints. Un mal pour un bien je dirais presque ! Le confinement n’a pas influencé ma démarche de travail en tant que telle, même si cela me permet d’aborder l’image encore d’une nouvelle manière.

Quelle sont les conséquences directes de cette crise sur certains de vos projets ou expositions ?

Tous mes projets ont été décalés. Le Centre photographique d’Ile de France-CPIF, le Frac Normandie Rouen et Micro Onde organisent un triptyque d’expositions sur la photographie et son abstraction, ce qui rentre dans mon sujet et, qui devait avoir lieu fin avril. Cela est reporté en septembre pour l’instant. J’ai aussi été invitée à participer de nouveau aux Rencontres d’Arles par la commissaire Luce Lebart, ce qui reste en suspens comme l’ensemble du Festival, aucune information ne filtrant. Je devais également participer à une exposition collective à l’Église des Jacobins à Agen, exposition vraisemblablement reportée au printemps 2021, horizon un peu long je trouve. C’est toujours décevant quand on carbure sur des projets et qu’il faut tout d’un coup ralentir. Pour l’instant aucun de mes projets n’a été annulé ce qui serait plus inquiétant même si ce temps d’incertitude est assez inconfortable à vivre.

Vous participez à la vente de soutien du collectif Le Houloc en tant qu’artiste invitée, comment accueillez-vous ce genre d’initiatives et pensez-vous que d’autres initiatives sont nécessaires pour aider les artistes notamment ceux sans galerie ?

Je trouve cela très bien et rester solidaires entre artistes en ce moment est essentiel. L’initiative du Houloc d’élargir leur invitation au-delà de leur collectif à des artistes voisins est un signal fort dont on a tous besoin en ce moment. Ce genre d’initiatives doivent se développer et cette crise va nous obliger à cela. Je vois ce séisme comme un moment de nécessaire soutien entre nous et dans notre milieu. Nous n’aurons de toute façon pas le choix, étant souvent délaissés par rapport à d’autres logiques ou priorités. Nous devons nous soutenir entre nous et créer des passerelles fortes pour pouvoir survivre. Je remercie donc encore le Houloc.

Quels défis attendent l’écosystème de l’art dans l’après confinement et notamment vis-à-vis du statut de l’artiste ?

Je pense déjà que l’écosystème artistique va devoir être plus axé sur le marché de l’art français ce qui n’est pas une mauvaise chose. On va moins voyager, il y aura moins de foires. Même s’il est un peu tôt pour juger et que nous pensons tous aux conséquences, il nous faudra trouver des solutions plus en interne, ce qui peut générer des élans plus écologiques. Je ne suis pas pessimiste de nature et reste convaincue que cette crise peut être une bonne chose. Je pense que nous sommes à un moment de solidarité extrême et même si cela fait des années que c’est en discussion, le statut d’artiste comparativement à ce qui se fait pour l’ intermittence est un défi crucial qui permettrait de lutter contre la précarité. Cela fait longtemps que le problème existe et si des artistes disparaissent on va devoir y faire face et en mesurer les conséquences.

Comment imaginez-vous le monde de l’art après ?

Je suis peut-être un peu trop optimiste ou idéaliste et sans doute est-il nécessaire de se poser les bonnes questions mais j’espère que toute cette grosse machine dans laquelle nous vivons, obligée de s’arrêter, soit va reprendre de plein fouet et ce sera encore pire, soit va créer un ralentissement. Nous devrons alors essayer de travailler plus lentement et plus consciencieusement, dans une approche plus locale. Ce sera ou l’un ou l’autre.

https://lauretiberghien.com/

À LIRE :
Máté Bartha et Laure Tiberghien, lauréats ex-aequo du Prix Découverte Louis Roederer 2019
Rencontre avec Emilia Genuardi et Elsa Janssen, A pp roc he 3ème édition

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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