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Léon Spilliaert : 50 nuances plus sombres au Musée d’Orsay

Temps de lecture estimé : 3mins

Flamand francophone né à Ostende d’une famille de parfumeurs fournisseurs à la Cour, Léon Spilliaert est un autodidacte et entend le rester après un bref passage à l’Académie de Bruges. C’est sa rencontre avec l’éditeur bruxellois Edmond Deman puis avec Emile Verhaeren et Maurice Maeterlinck qui va influencer son goût pour la littérature auquel il ajoute une dimension spirituelle intérieure très forte. Un symbolisme teinté de mélancolie qui le place résolument à part.

Le musée d’Orsay-en collaboration avec la Royal Academy de Londres- se penche sur les années décisives de sa création entre 1900 et 1919 autour de grands ensembles à l’encre noire diluée dans une économie de moyens où la ligne tend à l’épure. Ostende est à la fois la toile de fond de ses incursions solitaires et un personnage à soi tout seul. Station balnéaire mondaine lancée par Léopold II son architecture belle époque avec les Galeries Royales, le Kursaal (Casino) et la digue, hantent les insomnies du promeneur. Conservé par le musée d’Orsay « Clair de lune et lumières » laisse apparaitre les colonnades et les arcades de la façade du Chalet royal dans un halo électrique angoissant, tandis que « Digue la nuit. Reflets de lumière » (Orsay) estompe encore plus les frontières dans des variations monochromes qui traduisent le tourment et vertige existentiels. Spilliaert est proche de Nietsche, Van Gogh ou de Munch avec des figures qui deviennent spectrales comme la jeune fille assise dos au mur de « Toute seule » dans des espaces clos et inquiétants. Les deux autoportraits : au miroir (Mu.ZEE Ostende) et aux masques (Orsay) nous disent sa vision hallucinée dans un emboitement de cadres et au milieu d’objets symboliques à valeur de vanité (passage du temps) porteurs d’une menace sourde potentielle. Tel un spectre au visage squelettique, l’artiste, livide, est comme happé par un gouffre. La mort rode et même les masques du carnaval d’Ostende, dominos et autres draperies blanches, demeurent un mystère tout comme ces ombres de femmes de pêcheur qui scrutent l’horizon en vain dans une dramaturgie puissante comme le flux et reflux de cette mer du Nord aussi indomptable que son vague à l’âme persistant.

Aux côtés de ce dandy inquiet des derniers feux du symbolisme belge, le musée d’Orsay (avec la Tate Britain) expose le dandy, britannique : Aubrey Beardsley autre virtuose du trait, mort prématurément de la tuberculose dont les fantasmes aux accents préraphaélites extravagants frisent la décadence et bousculent les principes victoriens d’alors.

Seul regret pour ces deux expositions : l’espace beaucoup trop restreint offert au visiteur qui doit jouer des coudes pour apprécier ces œuvres sur papier de traille réduite. On comprend alors que le véritable espace d’exposition a été gardé pour ce qui devait être l’évènement de cet automne, l’exposition « Les origines du monde. L’invention de la nature au XIXème siècle » co-produite avec le musée des Beaux Arts de Montréal et regroupant près de 300 œuvres qui hélas n’a pas pu être ouverte du fait de ce nouveau confinement. Patience…

INFOS PRATIQUES
Spilliaert, lumière et solitude
Jusqu’au 10 janvier 2021
Mécène de l’exposition : Flanders State of the art
Musée d’Orsay
1 Rue de la Légion d’Honneur
75007 Paris
Le Musée réouvre ses portes le 15 décembre 2020
Catalogue Léon Spilliaert aux édition musée d’Orsay-RMN
Catalogue Aubrey Beardsley édition Flammarion
https://m.musee-orsay.fr/

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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