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Pour sa deuxième carte blanche, notre invité de la semaine, le journaliste, photographe et éditeur Gérald Vidamment, continue de partager sa passion pour l’édition photographique. Aujourd’hui, il souhaite nous présenter « Giri giri », ouvrage de Nicolas Boyer, publié aux éditions de juillet et finaliste du Prix HiP, dans la catégorie Premier livre. Ce livre nous dévoile un jeu de représentations sur les images véhiculées par le Japon à travers différents archétypes sociétaux.

Aujourd’hui, je souhaite partager quelques mots autour du livre de Nicolas Boyer, Giri giri, publié aux Éditions de juillet et distingué aux Prix HiP 2021 en tant que finaliste de la catégorie Premier livre.

Facade d’un fleuriste. Hiroshima, Japon – Mai 2018.
Giri giri, de Nicolas Boyer (Les éditions de juillet)

À condition de prononcer correctement le japonais – guili guili (roulez délicatement le l) et non jiri jiri (Bishamonten ne vous le pardonnerait pas) –, le titre de cet ouvrage nous induirait presque en erreur. Car la traduction littérale de giri giri relève davantage du point de rupture que de la chatouille amicale. Qu’à cela ne tienne, on ne s’arrête pas à mi-chemin d’un saut à pieds joints dans le vide lexical et vous constaterez que Nicolas Boyer, auteur malicieux, n’en a pas fini de se jouer de vous. « Parce que le vide aimante, le Japon fascine », interpelait le journaliste Éric Meyer à propos de notre défaut de culture concernant cet empire distant de 9710 km du Starbucks du 13 bd Saint-Michel dans le 5e arrondissement parisien – le plus proche de Notre-Dame.

Le quartier rouge de Kyoto, non loin du quartier traditionnel de Gion ou les touristes asiatiques louent un yukata (kimono) et s’habillent pour la journée en maiko (une apprentie geisha généralement âgée de 15-20 ans environ). L’architecture de nombreux salons (ou les hommes viennent et paient pour discuter avec des jeunes filles) et de bordels au Japon peut parfois être trés interessante et futuriste. Kyoto, Japon – Juin 2018.
Giri giri, de Nicolas Boyer (Les éditions de juillet)

Giri giri, de Nicolas Boyer (Les éditions de juillet)

Que savons-nous réellement du Japon ? Hier, pas grand-chose. Aujourd’hui, à peine plus, dès lors que l’on compte la kyrielle de lieux communs rapportés par bateau jusqu’en Europe dès les années 1860. La barrière de la langue – parlée et plus encore écrite – n’aidant pas, cette terre vaste comme un demi-Hexagone se résume le plus souvent entre tradition et modernité. S’ensuivent une ribambelle de clichés aux couleurs chatoyantes qui nous hypnotisent, nous plongeant dans une réalité potentielle. Mais alors, que penser de ce livre ? Oubliez les lieux iconiques, vous n’avancerez ici qu’en terre inconnue, que vous ayez ou non foulé un jour le sol de l’empereur. Car les lieux banals qu’il a capturés en adoptant le bura-bura (l’errance si vous préférez) ont pris la place de nos lieux communs. En ces endroits insoupçonnés, il nous sert une vision personnelle, mêlant avec brio et taquinerie clichés sur les clichés, instants impossibles mais vrais (deux hommes cuités sur une voie de chemin de fer, le train en arrière-plan) et situations d’hystérie, consommées seul ou collégialement.

Des écolières qui se battent avec des gestes très dramatiques et des grimaces qui rappellent les personnages kabuki. Le Kabuki est un théâtre japonais classique connu pour la stylisation de son drame et pour le maquillage élaboré que portent certains de ses interprètes. Puisque le mot kabuki dérivé du verbe kabuku, qui signifie  » sortir de l’ordinaire « , le kabuki peut être interprété comme du théâtre  » d’avant-garde  » ou  » bizarre « . A l’arrière-plan se trouve l’un des points de repère de Nagoya, l’Oasis 21 qui combine des parcs, une gare routière et un complexe commercial. Nagoya, Japon – Mai 2018.
Giri giri, de Nicolas Boyer (Les éditions de juillet)

Scènes réelles ou mises en scène ? Décidez vous-même – on est souvent meilleur pour le second saut. Des micro-fictions, comme les nomme le photographe. Celui qui avoue « être copieusement passé à côté des Japonais, au sens propre comme au figuré » – les plus proches furent ses camarades de cellule et ce yakusa perché à qui il a rendu le coup grâce à un extincteur installé là pour la sécurité de la population – nous dresse (enfin) un vrai-faux portrait-robot décalé, huilé à merveille pour nous faire trébucher. Ce livre est une douce torture de l’esprit, et on prend le risque d’y rester ; et on y reste, des heures durant.

Couverture Giri giri, de Nicolas Boyer (Les éditions de juillet)

https://www.prixhip.com
https://www.editionsdejuillet.com

La Rédaction
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