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Dans le prolongement de mon interview avec l’artiste Jimmy Robert, Marie Cozette directrice du Crac Occitanie et commissaire de cette exposition, revient sur ses liens avec l’artiste et l’opportunité que représente cette invitation pour le public français, qui connait assez peu cet artiste, pourtant très présent à l’international. De plus elle nous décrypte les enjeux de l’exposition d’Antoine Renard, lauréat 2019 du Prix Occitanie Médicis.

En termes de bilan de cette année 2021, si le fonctionnement est resté quasi normal et le public de retour, le redémarrage de certains projets était très attendu. Les prochaines expositions 2022 majoritairement féminines seront consacrées à la sculptrice allemande Alexandra Bircken et à l’artiste émergente Bianca Bondi.

Marie Cozette a répondu à mes questions.

Alexandra Bircken RSV4,2020, Moto, acier, 2 parties : Avant : 117 x 112 x 77 cm ; Arrière : 100 x 103 x 57 cm. Photo de Roman März.Courtesy BQ, Berlin, Herald St, Londres et l’artiste

Quel regard portez-vous sur l’exposition de Jimmy Robert que vous aviez invité à la Synagogue de Delme ?

En effet j’avais invité l’artiste en 2016 à la Synagogue de Delme dans l’exposition intitulée Descendances du nu pour laquelle nous avions produit une œuvre qui marquait le début de notre dialogue. Et depuis, comme cela est souvent le cas, je suis restée fidèle à sa démarche et nous avons poursuivi nos échanges. Mon arrivée au Crac permet de renouveler cette fidélité dans une fructueuse collaboration avec deux autres institutions internationales majeures : Nottingham Contemporary (GB) et le Museion de Bolzano (It). Une manière de rassembler ses forces entre institutions et de coproduire un projet d’envergure.

L’enjeu également pour moi de présenter une exposition qui retrace 20 ans de pratique artistique était de pouvoir déployer ce travail dans le temps et d’offrir au public français une meilleure connaissance de Jimmy Robert qui expose beaucoup à l’international (Amsterdam où il a étudié, Allemagne où il habite, en Belgique, aux Etats-Unis avec une grande exposition au MCA de Chicago..) même s’il n’avait pas fait l’objet d’une exposition de cette ampleur en France. Je suis donc très heureuse d’accompagner l’artiste à ce moment de son parcours d’autant que son travail répond à un certain nombre d’enjeux assez sensibles aujourd’hui dans le débat français notamment en matière d’héritage colonial.

Quelle en est la réception du public ?

L’exposition a été très bien reçue à la fois par la délicatesse du propos et la nature même des oeuvres; des images photographiques dans lesquelles l’artiste se met lui-même en scène, ce qui permet une démarche incluante et une connexion visuelle immédiate dans une forme d’intimité avec lui. Et également, par un public plus spécialisé et professionnel qui n’avait pas forcément une connaissance très précise de son travail et peut en prendre dès lors toute la mesure et les enjeux. J’ai fait plusieurs visites avec des artistes qui ne le connaissaient pas forcément et qui se sont sentis nourris de sa pratique.

Globalement je suis donc très heureuse de la manière dont cette exposition est ressentie, plus que reçue, l’exposition étant très sensible avec un accrochage qui amène beaucoup de souffle entre les œuvres, ce qui a été bien perçu.

Antoine Renard et le prix Occitanie-Médicis : rappel de cette collaboration, les opportunités offertes..

Il est en effet important de rappeler le contexte de ce prix Occitanie-Médicis qui est le fruit d’un partenariat étroit entre la Région Occitanie et la Villa Médicis. La première édition a eu lieu en 2018. Le prix s’adresse à des artistes qui ont un lien fort avec la région, y vivent ou y travaillent, et le lauréat part 3 mois en résidence à la Villa Médicis. En retour il expose dans une institution régionale et de manière plus privilégiée avec le Crac ou le Mrac à Sérignan. Antoine Renard est donc le 2ème lauréat 2019, année où le Crac portait le projet retour en Occitanie.

L’exposition Pharmakon

Le projet qu’Antoine Renard a soumis pour le Prix Médicis Occitanie et dont on voit le résultat, s’inscrit dans une recherche qu’il mène depuis plusieurs années autour du parfum et notamment dans son usage lié au soin dans certaines médecines traditionnelles. Il a ainsi passé beaucoup de temps d’observation en Amazonie péruvienne auprès de ces perfumeros, guérisseurs qui soignent les personnes victimes d’addictions fortes à partir de parfums. Cela l’a passionné. Le projet à Rome a été le prolongement de ces premières recherches autour d’un usage plus religieux du parfum dans l’Antiquité ou à la période chrétienne. Ces différents éléments l’ont conduit à produire un ensemble d’œuvres spécialement pour l’exposition au Crac.

Quel bilan faîtes-vous de cette période ?

Il est certain que l’année 2021 a impliqué une fermeture jusqu’en mai, période la plus sombre que l’on va essayer d’oublier bien vite ! S’en est suivie une période plus lumineuse de réouverture et de redémarrage intense de nos projets. Nous avons ainsi pu rouvrir l’été dernier les expositions de Than Hussein Clark et Luigi Serafini, avoir un vernissage quasi normal en octobre dernier avec Jimmy Robert et Antoine Renard. Nous avons ainsi retrouvé une dynamique très positive et nos publics malgré une fragilité consubstantielle à cette crise.

Pour conclure autour du bilan 2021 j’ai envie de rester positive autour d’un fonctionnement malgré tout quasi normal avec de beaux projets à venir pour 2022.

Quelles expositions pour 2022 ?

Nous allons ouvrir à partir du 11 mars deux nouvelles expositions qui me réjouissent.

Alexandra Bircken, Deine Beine, 2019. Bois, joint métallique, cuir, ongles, jambe d’un mannequin,
résine acrylique acrylique, thé, serviette, époxy, gland © Alexandra Bircken.
Courtesy de l’artiste et des galeries BQ à Berlin et Herald St à Londres. Photo:
Haydar Koyupinar, Bayerische Staatsgemäldesammlungen, Museum Brandhorst, Munich.

D’une part au rez-de-chaussée du Crac nous accueillerons l’artiste Alexandra Bircken, sculptrice allemande, dans le cadre d’une autre belle coproduction avec le Museum Brandhorst de Munich qui nous précède ; l’exposition étant itinérante. Alexandra est une artiste fascinante et relativement peu connue en France dont on va contribuer à mieux faire connaitre le travail. Venant de l’univers de la mode, elle a beaucoup travaillé autour de l’enveloppe, de la peau et du vêtement pour peu à peu s’éloigner de ces questions et développer un travail sculptural très étonnant autour d’une véritable anatomie des objets qui se trouvent mis à nu.

Bianca Bondi The Daydream, 2021, Installation in-situ. Vue de l’exposition « The Daydream, Open Space #8 », Fondation Louis Vuitton, Paris, 2021. Photo : Marc Domage. Courtesy de l’artiste et de la Fondation Louis Vuitton, Paris.

A l’étage du CRAC nous présenterons une nouvelle production de Bianca Bondi qui va faire une résidence pendant 3 semaines au lycée de Sète et produire in situ avec les matériaux trouvés sur place, une sorte de paysage sur mesure inspiré de l’aura du lieu, comme elle a l’habitude de faire. Ces paysages se transforment au fil du temps de l’exposition par le biais de matériaux qui s’oxydent et changent de couleur et d’aspect petit à petit. Un état chimique très évolutif.

Un panorama 2022 très féminin donc…

Absolument !

Marie Cozette en écoute :

INFOS PRATIQUES :
– Alexandra BIRCKEN, A-Z
Exposition personnelle du 12.03 au 22.05.2022
– Bianca BONDI, OBJECTS AS ACTANTS
Exposition personnelle du 12.03 au 22.05.2022
Centre Régional d’Art Contemporain à Sète – Centre Régional d’Art Contemporain OCCITANIE / Pyrénées-Méditerranée
http://crac.laregion.fr/

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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