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Ce week-end, le Musée Nicéphore Niépce inaugure son nouveau programme d’expositions 2022. Deux nouvelles curations sont ainsi proposées au public de Chalon-sur-Saône : L’Irlande du Nord, avec les photographies de Gilles Caron et Stephen Dock et les rites carnavalesques de Yannick Cormier dans « Tierra Mágica ». L’exposition principale présente un regard croisé sur L’Irlande du Nord à l’occasion des 50 ans de commémoration du « Bloody Sunday », lorsque l’armée britannique attaque les manifestants pacifistes et les passants faisant une dizaine de morts et de nombreux blessés…

Gilles Caron. Bataille du Bogside, Ulster, Londonderry, Irlande du Nord, 12 aout 1969
Londonderry, Northern Ireland, August 12, 1969. ©Fondation Caron / Clermes

Gilles Caron. Bataille du Bogside, Ulster, Londonderry, Irlande du Nord, 12 aout 1969
Londonderry, Northern Ireland, August 12, 1969 ©Fondation Caron / Clermes

Le conflit nord-irlandais divisant les républicains et les nationalistes, principalement catholiques, et les loyalistes et les unionistes, quant à eux majoritairement protestants, éclate en 1968 au moment où un mouvement pour les droits civiques est créé pour lutter la ségrégation confessionnelle que subit la minorité catholique. Avec l’intervention de groupes paramilitaires, l’Irlande du Nord s’enfonce dans une guerre civile. En août 1969, Gilles Caron, alors âgé de 30 ans, se rend sur place pour couvrir le défilé organisé par les protestants unionistes de l’ordre d’Orange. Il est alors le premier photographe à suivre ce qui allait devenir un événement clé de cette guerre civile qui durera plus de 30 ans. Choisissant de défiler près du quartier ouvrier et catholique, les tensions et la violence s’installent. La bataille du Bogside éclate, marquant ainsi le début d’émeutes partout sur le territoire.

J’étais en Irlande avant tous les autres. La veille des bagarres, j’étais parti là-bas pour faire un défilé qui devait avoir lieu. Tout était calme et même pittoresque. Les manifestants défilaient tranquillement en chapeaux mous et fleur à la boutonnière. À quatre heures de l’après-midi, ça a commencé à se bagarrer. Ça a commencé doucement, trois, quatre, cinq cailloux et subitement c’est devenu important, ils ont mis le feu à des quartiers entiers, et ça a duré comme ça pendant trois jours. […] Les manifestants ont pris l’arrivée de l’armée anglaise comme une victoire des catholiques. J’ai cru que c’était fini, j’allais rentrer quand ça a recommencé à Belfast. De Londonderry j’ai pris le taxi pour Belfast. J’ai travaillé une journée et une nuit, j’ai pris l’avion pour aller à Londres et j’ai donné mes photos à un passager qui revenait à Paris. C’est-à-dire que le lendemain à Gamma ils avaient les originaux avant les « belins » des journaux anglais. Les types de Match sont arrivés le samedi quand moi je repartais.” – Entretien de Gilles caron dans Zoom nº 2 mars-avril 1970

Gilles Caron Foule d’émeutiers se ruant sur la police en jetant des pavés bataille du Bogside 12-14 août 1969 Irlande du nord, Ulster, Londonderry ©Fondation Caron / Clermes

Gilles Caron “We want peace”, bataille du Bogside 12-14 août 1969 Irlande du nord, Ulster, Londonderry © Fondation Caron / Clermes

Ainsi, Gilles Caron photographie les événements d’un point de vue unique, des premiers moment dans le cortège jusqu’aux premiers actes de violence. Il livre un témoignage historique. En quatre jours, il produit 62 bobines noir et blanc et plus de 300 clichés couleur, il réalise alors l’un de ses plus grands reportages. Avant de périr au Cambodge quelques mois plus tard… L’exposition propose un corpus de 70 tirages photographiques – vintages et modernes – pour suivre l’évolution de cet événement de l’Histoire de l’Irlande du Nord.

Une guerre civile de plus de 30 ans et ces drames, comme le 30 janvier 1972, quand à l’occasion d’une manifestation pacifiste des droits civiques, les tensions montent face aux barricades empêchant l’itinéraire initial. Les manifestants tentent de les franchir, l’armée riposte pour disperser les émeutiers, mais l’ordre de tirer à balle réelle est donnée. Ce qui aurait dû être une simple manifestation se transforme en tuerie. L’armée tue treize manifestants, de simples passants comptent parmi les victimes, de nombreux autres sont blessés. Ce dimanche 30 janvier 1972 est désormais appelé le Bloody Sunday, dont nous célébrons les 50 ans cette année. À cette occasion, le Musée de Chalon-sur-Saône décide de mettre un coup de projecteur sur l’Irlande du Nord, ainsi, pour compléter le travail historique de Gilles Caron, le photographe Stephen Dock, présente « Our day will come ».

Belfast, Carrickfergus, polyptyque, 2016/2017 © Stephen Dock

Stephen Dock Belfast, Ardoyne, 2014 Stephen Dock

« Our day will come » est le slogan populaire des républicains d’Irlande du Nord. Il évoque l’espoir de liberté et l’envie de vaincre la communauté adverse. Stephen Dock est né presque 50 ans après la naissance de Gilles Caron, après s’être formé au photojournalisme, il part en reportage couvrir les conflits en Syrie, en Palestine ou en Irak, mais après plusieurs années à suivre les zones de guerre, il remet en question sa pratique. Il s’empare d’une nouvelle approche, plus personnelle.
Stephen Dock se rend à Belfast en 2012 à l’occasion du centenaire du pacte d’Ulster célébré par les unionistes. La guerre civile est terminée depuis 14 ans, mais la tension reste palpable et les deux communautés vivent dans la haine de l’autre. Les traces de la guerre sont partout et se lisent sur les visages.
Le photographe organise une dizaine de voyages sur place pour apporter sa vision à ce territoire divisé. Il révèle les traces parfois infimes du passé et donne une résonance particulière à l’œuvre de Gilles Caron.

Stephen Dock Belfast, Sandy Row, 2016 Stephen Dock

INFORMATIONS PRATIQUES

sam12fev(fev 12)11 h 30 mindim22mai(mai 22)17 h 45 minIrlande du Nord : Gilles Caron / Stephen DockMusée Nicéphore Niépce, 28 quai des messageries 71100 Chalon-sur-Saône


A VOIR ÉGALEMENT

sam12fev(fev 12)9 h 30 mindim22mai(mai 22)17 h 45 minTierra MágicaYannick CormierMusée Nicéphore Niépce, 28 quai des messageries 71100 Chalon-sur-Saône

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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