Temps de lecture estimé : 9mins

Après Toulouse – le Château d’Eau – l’exposition Des Oiseaux est présentée à Bruxelles à Hangar photo art center à l’invitation de Delphine Dumont, directrice. Collection de livres initiée par Xavier Barral, les regards de ces 13 photographes internationaux de Bernard Plossu à Leila Jeffreys en passant par Graciela Iturbide ou Michael Kenna, témoignent d’une recherche plasticienne au-delà d’une observation du vivant et de ses fascinantes espèces. L’Atelier EXB qui a repris la maison d’édition, suite au décès prématuré de Xavier Barral, a publié les 13 volumes dont le tout dernier est signé Roger Ballen.

Nathalie Chapuis & Philippe Séclier, directeurs de la collection et commissaires, reviennent sur cette aventure singulière et les partis pris curatoriaux d’une exposition qui se déploie magistralement à Hangar, selon sa vocation à voyager en Europe et au-delà. Ils insistent sur les atouts que représente une petite maison d’édition dans un monde toujours plus instable. Une agilité qu’ils conjuguent avec une vraie prise de risque autour de jeunes talents tout en s’appuyant sur une assise historique auprès de photographes de renom ou d’institutions prestigieuses comme le Bal ou le Jeu de Paume, dont ils accompagnent la prochaine publication autour de l’exposition sur l’Arte Povera. Ils ont répondu à mes questions.

Atelier EXB, la collection Des Oiseaux

Retour sur la genèse du projet et spécificité de la collection

Nathalie Chapuis. La collection fonctionne un peu selon le principe des poupées russes à partir de l’intérêt qu’avait à l’origine Xavier Barral pour le monde des oiseaux. L’Atelier EXB publiant des livres d’artistes, il s’agissait de proposer des signatures photographiques qui regardent les oiseaux. L’idée était dès lors de demander des corpus d’images dédiées au sujet, aux photographes qui accompagnent de longue date la maison, puis au fur et à mesure d’ouvrir le champ vers d’autres regards photographiques, confirmés ou plus émergents. L’enjeu était : comment les artistes regardent les oiseaux, comment dessiner ensemble un ouvrage avec ces images, mais aussi comment donner à voir la singularité et diversité actuelles du champ photographique, en abordant notamment la photographie plasticienne et l’art contemporain -en témoigne l’ouvrage de cet automne, réalisé avec Roger Ballen.

Debate, 2020 © Roger Ballen

A partir de quel moment allez-vous considérer la collection terminée ?

Nathalie Chapuis & Philippe Séclier. C’est une bonne question. Peut-être jamais, même si l’on pourrait imaginer à un moment que le sujet va s’épuiser. Mais ce n’est pas du tout le cas car nous avons déjà le programme des trois prochaines années. Par contre nous savons avec quel artiste nous clôturerons la collection, une personne qui dépasse le champ de la photographie.

Quels sont les plus grands succès de la collection ?

NCh & Ph S. La réception de chaque ouvrage auprès du public s’inscrit dans le temps, selon sa date de parution. Parmi les grands succès figurent entre autres Pentti Sammallahti, Leila Jeffreys, le duo Albarran Cabrera et Terri Weifenbach. Certains sont une vraie surprise, comme l’ouvrage de Leila par exemple, dont le travail était quasiment inconnu en France. En tout cas pour chaque livre, il y a toujours le désir soit de révéler un corpus inédit d’un photographe de renom, les milans de Paolo Pellegrin par exemple, soit de faire découvrir de nouveaux talents, par exemple Christophe Maout, photographe de presse, qui publiait avec les Oiseaux son premier livre. Pour chaque parution, il s’agit de proposer une approche artistique singulière. Avec Roger Ballen, qui avait publié il y a plusieurs années Asylum of Birds, nous avons travaillé sur une autre perception du monde des oiseaux par rapport à cette précédente publication. Dans notre livre, Ballen invente un monde onirique peuplé d’oiseaux étranges.

©Albarran Cabrera /Atelier EXB, 2022 The Mouth of Krishna, #210, 2013.

©Leila Jeffreys / Atelier EXB, 2022, Seisa, cacatoès noir

Quelle est la répartition entre des corpus déjà existants et de nouvelles productions ?

Ph S. Jusqu’à présent cela s’équilibrait, même si désormais les artistes souhaitent de plus en plus souvent produire de nouvelles images spécifiquement pour la collection. L’ouvrage devient alors une véritable carte blanche, c’est ainsi qu’a travaillé Rinko Kawauchi. L’ornithologue Guillaume Lesaffre, qui contribue à chaque publication avec un texte dédié à la vie des oiseaux, a lui aussi carte blanche pour choisir un sujet en résonance avec les images du livre.

Le format de la parution : quels partis pris ?

NCh. Le livre a toujours les mêmes dimensions. Mais la maquette et le papier varient d’un titre à l’autre, ainsi que le nombre de pages (entre 92 et 104) et d’images (entre 40 et 60) afin de s’adapter à l’univers de chaque photographe. Le texte est toujours écrit par Guillaume Lesaffre et aborde divers aspects de la vie des oiseaux – les plumes, la migration, les saisons –, s’écrit ainsi d’un livre à l’autre, une certaine histoire des oiseaux. Le résultat permet une sorte d’hybridation entre un livre de photographie et un livre de sciences.

©Paolo Pellegrin-Magnum Photos /Atelier EXB, 2022 Sans titre, Kyoto, Japan

Pour l’exposition en matière de tirages, quelles ont été les exigences des photographes ?

NCh. Nous avons demandé à chacun s’ils souhaitaient pour l’exposition produire ou non ses tirages. Certains ont préféré s’en charger. Si l’on prend le duo Albarràn Cabrera, il est important de respecter leur choix de papiers, de virage, l’alchimie qu’ils mettent en œuvre pour chaque tirage. D’autres nous ont laissé carte blanche sachant que nous collaborons régulièrement avec eux pour les éditions limitées réalisées lors de chaque parution. Bien sûr, ce travail de tirage est toujours conçu en étroite collaboration avec l’artiste et le tireur choisi.

Ph S. Nous devons aussi tenir compte du format du livre pour garder une certaine cohérence.

Entre la première occurrence à Toulouse et celle-ci, quelle est la part de recréation ?

N Ch & Ph S. L’exposition ayant vocation à être enrichie au fur et à mesure des parutions, nous prévoyons à chaque fois une recréation.

A Hangar, cela se joue avant tout sur la mise en espace car pour celles et ceux qui connaissent le Château d’Eau, ce lieu présente de vraies contraintes et Christian Caujolle a dû opérer des choix pour que les 12 photographes y trouvent leur place. Ici, l’espace étant démultiplié, cela permet notamment à chaque photographe d’avoir son propre univers. Nous pouvons aussi projeter une vidéo (Leila Jeffreys), ce qui est une vraie force.

De plus ici s’opère un rapport au corps très différent avec des cimaises plus hautes ce qui a un impact immédiat sur l’accrochage, si l’on prend par exemple le premier photographe du parcours, Paolo Pellegrin, avec une fragmentation des images très puissante qui n’était pas envisageable auparavant.

©Michael Kenna/Atelier EXB, 2022, Arbre du lac Wanaka, Étude 2, Otago, Nouvelle-Zélande, 2013.

L’itinérance

N Ch. Nous avons la possibilité de faire voyager l’exposition plusieurs années à travers l’Europe ou au-delà. Nous sommes en discussion avec divers lieux que l’on ne peut dévoiler à ce stade.

Quels sont les enjeux majeurs d’une maison d’édition aujourd’hui ?

N Ch & Ph S. : Nous sommes une maison indépendante, ce qui est très important, et une petite équipe. On nous appelle souvent « la plus grande des petites ou la plus petite des grandes ». Cela mérite d’être souligné car nous pouvons ainsi rester très souples notamment dans la prise de décision. Or face à un monde qui change sans cesse en termes de programmation, de circulation et d’engagement, c’est un atout de pouvoir fonctionner à géométrie variable et ainsi répondre rapidement à un projet.

De plus, notre maison ayant 20 ans d’existence cette année, elle peut compter sur de nombreux compagnons de route, les « historiques » tels que Raymond Depardon, Sophie Calle, Josef Koudelka … Un ancrage qui permet de renforcer notre positionnement auprès du public et notre assise économique, tout en ouvrant le champ à de jeunes talents ou en collaborant avec de prestigieuses institutions. Cette année, nous avons ainsi présenté l’exposition Graines avec les photographies de Thierry Ardouin au 104, dont j’assurais le commissariat. Nous accompagnons aussi des lieux majeurs de la création contemporaine, comme le Centre Pompidou ou encore le Bal et le Jeu de Paume avec lesquels nous publions à la rentrée un important ouvrage dédié à l’exposition Autour de l’Arte povera : 1960-1975, photographie, film, vidéo. C’est cette mosaïque de possibles qui permet de prendre des risques.

Le projet du catalogue Arte Povera, exposition au Bal et au Jeu de Paume

Diane Dufour, qui dirige le Bal, travaille sur ce projet depuis de nombreuses années. Pour cette exposition, qu’elle a imaginée en collaboration avec Quentin Bajac, directeur du Jeu de paume, et le commissaire indépendant Giuliano Sergio, il fallait concevoir un livre ambitieux et singulier, être à l’écoute des commissaires. Il faut être créatifs, souples et agiles, cela veut dire un engagement non pas à 100% mais à 150 %, loin des écueils que peuvent représenter des étapes décisionnelles trop nombreuses.

A découvrir également à Hangar Charlotte Abramow, Volle Petrol

Commissaires : Nathalie Chapuis et Philippe Séclier, directeurs de la collection
Co production : Atelier EXB, Le Hangar et le Château d’Eau, Toulouse

INFORMATIONS PRATIQUES

ven09sep(sep 9)12 h 00 minsam17déc(déc 17)18 h 00 minDes oiseauxExposition collectivehangar photo art center gallery, 18, Place du Châtelain 1050 Brussels


Voir programmation Hangar photo art center

Découvrir le Catalogue et les Actualités de l’Atelier EXB :
https://exb.fr/fr

AUSSI

mar11oct(oct 11)12 h 00 min2023dim29jan(jan 29)19 h 00 minRenverser ses yeuxAutour de l’arte povera, 1960 - 1975LE BAL, 6, Impasse de la défense 75018 Paris

mar11oct(oct 11)11 h 00 min2023dim29jan(jan 29)19 h 00 minRenverser ses yeuxAutour de l’arte povera, 1960 - 1975Jeu de Paume, 1, place de la Concorde 75008 Paris

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

You may also like

En voir plus dans L'Interview