Temps de lecture estimé : 11mins

Une histoire de la Photographie
À travers les collections du Musée Nicéphore Niépce de Sylvain Besson
Préface de Michel Frizot

En 1827, date de son immense découverte, Nicéphore Niépce pouvait-il imaginer une seule seconde, l’importance que pourrait prendre plus tard, son invention aux yeux de la planète?
Souvenons-nous que sa recherche la plus aboutie fut cette année là : « le point de vue du Gras », photographie réalisée sur une plaque d’étain (héliographie) prise d’une fenêtre, à l’étage de sa maison à Saint-Loup-de-Varennes.
Ainsi, commencera de s’écrire une histoire passionnante, « la naissance de la Photographie » aux nombreux chapitres qui vont se succéder, sans le moindre silence et ce depuis deux siècles.
Une aventure permanente que vous pouvez découvrir tous les jours avec les différentes collections du Musée Niépce à Chalon-sur-Saône, comme aussi en apprécier des moments forts, dans cette très belle encyclopédie qui vient de paraitre.

Le 10 février 1869, on pouvait déjà lire dans les Archives municipales de la ville de Chalon sur Saône, cette phrase extraite du registre des délibérations municipales.
« Les lois de la Photographie, invention la plus remarquable peut-être, de notre siècle et qui a déjà rendu, et qui rendra encore, de si grands services aux sciences, aux arts et à l’industrie ».
Près de deux siècles après cette révélation technologique, le Musée de Chalon-sur-Saône qui porte le nom de son enfant illustre né dans cette ville, bénéficie constamment des évolutions permanentes de ce médium.

Nicéphore Niépce, Chambre de la Découverte, vers 1827 © Musée Nicéphore Niépce

Lanterne de projection double, la Bonne presse, vers 1908 – Musée Niépce Chalon, 2017 © Jacques Revon

Afghan Box, caméra portable – Musée Niépce Chalon, 2017 © Jacques Revon

Ce musée renferme plus de 8000 appareils de prise de vue, 4 millions de photographies, pas loin de 20 000 accessoires destinés au développement, au tirage et à la projection, auxquels s’ajoutent encore 30 000 revues et livres techniques, illustrés grâce à la photographie.
Depuis son ouverture en 1974, le musée Niépce a organisé sur place 452 expositions au 28 quai des Messageries.
En 1933, Louis Chéronnet historien d’art, journaliste et critique d’art évoque d’ailleurs la nécessité d’un musée de la photographie, je le cite:
« un établissement de sauvegarde et d’étude où la photographie apparaîtrait à notre esprit vraiment dans son universalité » c’est, disons-le, tout à fait le cas en 2022.

Album de photographies, vers 1900 – Musée Niépce Chalon, 2016 © Jacques Revon

À gauche : Autoportrait d’un daguerrérotopiste, vers 1840 | Au centre : Broche avec Photo | À droite : Coquillage tirage albuminé, vers 1900 – Musée Niépce Chalon, 2016 © Jacques Revon

L’important ouvrage de 360 pages qui vient de paraitre aux éditions Textuel : Une histoire de la Photographie à travers les collections du Musée Nicéphore Niépce, se présente comme un grand témoin, une véritable encyclopédie riche de 300 documents visuels, dont des photographies de grandes signatures.
Un livre, en forme de véritable inventaire. L’ouvrage résume les moments forts et cite tous les grands domaines de la photographie que l’on peut découvrir au sein du musée Niépce, décennies après décennies, grâce aux précieuses collections accumulées.
S’offrent au visiteur, et au regardeur, des tirages, des objets en prise directe avec l’évolution de ce médium. Année après année, l’univers grandiose de cette invention française, continue de s’agrandir, c’est toujours très étonnant. On le constate d’ailleurs chaque jour sur les écrans, avec des nouveautés issues de différentes technologies liées à l’image avec maintenant le numérique.

Ainsi, comme le précise Sylvain Besson, Directeur des collections de ce Musée depuis 2008 et commissaire de nombreuses expositions, « Le musée Niépce a imposé depuis sa création, l’idée que toute photographie mérite d’être conservée » mais quel pari lorsque l’on sait et que l’on constate, que par manque de place, beaucoup d’images historiques, voire intimes comme les photos de famille, peuvent du jour au lendemain prendre directement la direction de la benne à ordure et disparaitre pour toujours ? Un patrimoine qui se confronte à un monde où le volume des habitations se rétrécit, et qui du coup, laisse souvent des héritiers sans voix, ne sachant malheureusement pas que faire de tout ça.

Anonyme, Extrait de l’album de vacances « Dinard » Tirages argentiques, carton, crayon de couleur, 1933 © Musée Nicéphore Niépce

Encore faudrait-il, reconnaissons-le aussi, que toutes ces photographies ou matériels divers, puissent trouver un jour leur place, leur juste place dans un grand espace, celui d’un Musée, comme dans cet établissement public des bords de Saône, chargé de conserver, de protéger et, de les faire vivre en permanence au fil du temps, aux yeux des « regardeurs d’un jour », des histoires uniques ou collectives, belles, compliquées, voire même oubliées, de petites ou de grandes histoires, de celles et de ceux qui nous ont précédé, comme aussi des images ou des matériels d’un temps finalement pas si éloigné non plus.

Grâce à de multiples dons, ces importantes et très belles collections, se sont enrichies de manière continue, dès la naissance du Musée en 1972, jusqu’à ce jour, On peut s’arrêter devant des photographies d’auteurs, d’amateurs, des matériels, de magnifiques revues illustrées, approcher par exemple les archives d’un magazine professionnel « le photographe » acquises en 2009, se pencher sur des d’objets photographiques publicitaires des plus curieux, surprenants, s’attendrir aussi devant des souvenirs touristiques, décrypter des clichés judiciaires, des microphotographies, découvrir des photographies prises en relief sur des plaques de verre bref, tous ces trésors.

Préparation exposition colorama, Kodak Panoramique – Musée Niépce Chalon, 2017 © Jacques Revon

Expo colorama, Kodak Panoramique – Musée Niépce Chalon, 2017 © Jacques Revon

Pendule assiette photographique, souvenir – Musée Niépce Chalon, 2017 © Jacques Revon

Michel Frizot, grand historien et théoricien de la Photographie, né lui aussi comme par hasard, sur cette belle terre de Saône et Loire à Bourbon-Lancy, écrit: « l’archive photo est un refuge des petits riens qui font l’histoire ».
Monsieur Frizot… comme j’aimerais tant que l’on puisse aujourd’hui partout vous entendre! D’ailleurs comment pourrait-on vous aider à faire passer un tel message auprès de la jeunesse, comme auprès des plus grands ?
Heureusement, certains photographes contemporains sensibilisés à notre patrimoine culturel, l’ont bien compris et connaissent les enjeux pour le futur. Certains ont d’ailleurs décidé de faire don de leurs oeuvres, d’autres ont été acquises par le Musée lui même, avec l’aide de la Société des amis du Musée Nicéphore Niépce.
La nomination dans cet établissement de Paul Jay, conservateur de 1974 à 1995 puis dans la continuité de 1996 à 2016 de François Cheval, ont permis à cette institution municipale d’affirmer et de pérenniser son rôle d’accueil à de nouvelles collections photographiques, comme sa mission aussi de protecteur et de diffuseur.
En permanence, le musée Niépce numérise aussi des images témoins de notre histoire.

Numérisation des photographies et documents – Musée Niépce Chalon, 2017 © Jacques Revon

Cartes postales Combie Marque – CIM – Musée Niépce Chalon, 2017 © Jacques Revon

Le fonds de cartes postales Combier, imprimeur éditeur en 1919 à Mâcon (de la marque CIM, Combier imprimeur à Mâcon) photographie d’une carte ci-jointe, est à lui tout seul l’une des richesses photographiques de toute une époque, celle des envois en nombre de cartes postales de paysages, de communes de France en reconstruction photographiées d’un avion. Combier produira 60 millions de cartes postales par an!

Autres collections celles d’appareils et de daguerréotypes de la collection Maurice Durvillle. En 1986, c’est un don historique que fait la société Kodak-Pathé à ce Musée, don partagé avec le Musée d’Orsay. Son usine de Vincennes crée en 1902 ferme, et ce seront donc plus tard, une centaine de milliers de photographies et d’objets que la grande firme reversera au Musée.
On se souvient aussi après, de son importante usine Kodak construite à Chalon. La firme franco-américaine marquera longtemps l’histoire de l’industrie photographique en Europe et ce, durant une trentaine d’années en Région Bourgogne. Cette grande usine, je l’ai connue et vue, de mes yeux vue, rasée des cartes le 10 février 2008, à l’occasion d’un reportage de circonstance que j’effectuais sur son site pour France 3. Ce jour là, beaucoup d’anciens de chez Kodak-Pathé étaient présents sur le lieu et très émus. Dans la grande histoire de cette technologie de la captation d’une image grâce à la lumière, ce fut ce jour là un triste constat, celui de la fin d’une grande époque, celle de l’argentique, une décision visiblement déjà programmée dans la discrétion, par les responsables de la firme depuis un certain temps. Le numérique était découvert chez Kodak, on l’apprendra officiellement plus tard, en 1975, dans le plus grand des secrets, au sein même de la société Eastman Kodak à Rochester. Ironie du sort, cette disparition allait être actée 33 années après, au coeur même de la ville natale du génial inventeur de la Photographie.

Anonyme, Homme nu
Tirage argentique, années 1960
© Musée Nicéphore Niépce

Germain Éble, Portrait de studio D’après négatif argentique sur verre, 25 juin 1929 © Musée Nicéphore Niépce

Cette importante et belle encyclopédie « une histoire de la Photographie à travers les collections du Musée Nicéphore Niépce », nous rappelle, s’il le fallait, que l’inventeur français de la photographie, était sans doute en 1827 bien loin d’imaginer qu’un jour, dans sa région, une importante usine photographique verrait le jour, puis disparaitrait, qu’un Musée porterait son nom et que fin 2022, ce livre encyclopédique avec ses 360 pages, retracerait et raconterait précisément deux siècles d’aventures photographiques successives, argentiques et maintenant numériques.

Agence Sartony, Décor en trompe-l’oeil Film couleur, années 1970 © Musée Nicéphore Niépce

Anonyme, Portraits au Polyfoto Tirage argentique, années 1930 © Musée Nicéphore Niépce

Aujourd’hui, qui donc pourrait-il bien répondre à cette question: comment se présenteront à nos yeux, les images dans le futur? Les recherches en la matière se poursuivent et ne sont sans doute pas prêtes de s’arrêter. Il faudra certainement d’autres beaux ouvrages, pour témoigner et encore raconter les évolutions de cette immense invention qui a vu le jour au 18ème siècle, préfigurée certes par l’héliographie, une invention immense qui porte le nom de « Photographie » celle d’un bourguignon devenu célèbre, Joseph Niépce dit Nicéphore Niépce, né le 7 mars 1765 à Chalon-sur-Saône et décédé le 5 juillet 1833 à tout juste une vingtaine de kilomètres de là, chez lui, à Saint-Loup-de-Varennes.

Dès sa naissance, le musée Nicéphore Niépce a été pensé pour que la conservation d’images et d’éléments divers liés, vivent maintenant au contact d’oeuvres dorénavant contemporaines. En effet, une trentaine de fonds de photographes sont ici préservés, pour une compréhension du phénomène photographique, accessible au plus grand nombre.
Alors, après 50 années de grandes passions pour mettre en lumière la Photographie, souhaitons au Musée Nicéphore Niépce une très longue vie, comme à celle aussi du huitième art.

INFORMATIONS PRATIQUES
Une histoire de la Photographie
À travers les collections du Musée Nicéphore Niépce de Sylvain Besson
Préface de Michel Frizot
Editions Textuel
En coédition avec le Musée Nicéphore Niépce
21 X 28, relié , 360 pages, 59 €
420 documents
https://www.editionstextuel.com/
https://www.museeniepce.com/

ACTUELLEMENT AU MUSÉE

sam22oct(oct 22)11 h 30 min2023dim15jan(jan 15)17 h 45 minPenser / Classer : 50 ans du musée (volet 2)hommage à Georges PerecMusée Nicéphore Niépce, 28 quai des messageries 71100 Chalon-sur-Saône

A LIRE
Un certain regard sur cinquante années d’existence du Musée Niépce
Parlement de la Photographie 2022 : Politiques contemporaines de Collection Entretien avec Sylvain Besson et Pierre Pigaglio

Jacques Revon
Jacques Revon est photographe, journaliste d'investigation et grand reporter français. Reportages humanitaires, conflits divers, rallyes aériens, sujets économiques et sociaux, médicaux et scientifiques, échanges culturels, tournés dans de nombreux pays… Il réalise de nombreux reportages pour France 3 dans le domaine du jazz, et en photographie pour Culture Jazz et Media Music, il couvre de nombreux festivals. En 2020, il publie "Au temps du coronavirus", un ouvrage rassemblant des images d'un collectif de photographes qui témoignent de la vie quotidienne sous pandémie (L'Harmattan).

You may also like

En voir plus dans Evénements