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La galerie Polaris consacre actuellement son exposition actuelle au photographe documentaire jamaïcain, Ruddy Roye. Il vit à Brooklyn et avec son appareil photo il témoigne du monde qui l’entoure. Il s’intéresse principalement aux laissés-pour-compte, aux pauvres, à tous les oubliés que notre société choisit de ne pas voir. Ses images sont souvent ignorées. Bernard Utudjian, le directeur de la galerie et notre invité cette semaine, souhaite donner de la résonance à ce travail. De New-York à la Nouvelle Orléans, de la Jamaïque à Cleveland, Ruddy Roye nous fait état de la condition humaine. Ruddy accompagne ses photographies par des textes poétiques qui contextualisent le cliché.

Ruddy Roye / Motivated / Inkjet print on archival paper / Tirage pigmentaire sur papier archive / 80 x 120 cm / Ed. of 3 / August 24, 2014

Motivé Lorsque je lui ai demandé pourquoi Ferguson* était si calme, son visage s’est déformé sous l’effet de la colère. “M. Carter” a déclaré qu’il était vraiment contrarié par la brièveté des manifestations. Il s’est également détourné de moi à plusieurs reprises, menaçant d’abandonner et de rentrer chez lui. Il a également affirmé qu’il était un fervent défenseur de Michael Brown. “Sa mort est un cri réclamant justice. Je suis ici pour informer la communauté que les dirigeants qui nous ont précédés ont échoué, et qu’il est de mon devoir que cette jeunesse et nouvelle génération se soulève.” 
*ville du Missouri
– Texte de Ruddy Roye

Ruddy Roye. Battered and bruise, 2017

Ruddy Roye est un photographe basé à Brooklyn, né à Montego Bay, en Jamaïque. Il utilise son appareil photo comme un outil qui lui permet de documenter le monde qui l’entoure. De New-York à la Nouvelle Orléans, de la Jamaïque à Cleveland, ses photographies nous parlent de la condition humaine, en abordant la myriade de cas d’indifférence et d’injustice dont il est témoin quotidiennement. Des images qui sont souvent ignorées ou non publiées. Pourtant, ces photographies que ce soit, celles sur les conséquences d’événements tels que l’ouragan Katrina, ou le mouvement Black Lives Matter, le sans-abrisme chronique et son propre projet personnel When Living is A Protest (Quand vivre est un acte de résistance) n’existent pas seulement pour capturer la misère, mais aussi pour transmettre la force, la résilience et la compassion. Les portraits de Roye sont souvent réalisés en collaboration avec les personnes qu’il photographie, comme un échange, et accompagnés d’un texte de l’artiste, qui humanise cette rencontre.

Ruddy Roye / Isolated in Ferguson / Inkjet print on archival paper / Tirage pigmentaire sur papier archive / 40 x 60 cm / Ed. of 5 / August 28, 2014

Isolés à Ferguson
La veille de mon départ de Ferguson (Missouri), Dante Newsome, dix-neuf ans, se tenait devant une fresque murale de Mike Brown qui venait d’être peinte. Il a levé les bras vers le ciel, comme s’il cherchait des réponses, mais ses doigts sont retombés avec d’autres questions.
“Pourquoi a-t-il été abattu autant de fois ?”, s’est-il écrié avec emphase.
“Je suis ici parce que je ne comprends pas. Pourquoi a-t-il perdu la vie de manière aussi insensée ?” “Cela peut m’arriver. Chaque fois que je suis dehors, je me sens menacé par la police.”
Il tire une bouffée sur la cigarette allumée qu’il tient entre ses doigts. Le feu semble sortir de son ventre et passer par ses narines – ses mots sont brûlants, imprégnés de colère et de frustration. “Je me sens impuissant, je ne me sens pas en sécurité ici, ils auraient pu lui donner un coup de taser”.
J’ai quitté Ferguson Missouri avec un sentiment d’impuissance. Sur mon instagram, j’ai vu que mes amis de New York postaient des photos d’Afro Punk et un sentiment de rupture et d’isolement m’a envahi. Nous ne sommes pas unis, alors pourquoi pensons-nous que les choses vont changer ?
Ce faisant, il interroge les processus d’ascension sociale et d’injustice, tout en proposant une recontextualisation française des figures noires. Son œuvre cherche également à établir un autre cadre de référence affranchi des diktats du canon traditionnel européen. Ses toiles, souvent de grand format, sont régies par un principe d’inachèvement entre pudeur et incertitude, qui permet aux symboliques de ne pas gouverner la toile mais de l’infiltrer, tout en renforçant par un contraste pictural le regard frontal des figures auxquelles il rend hommage.
Texte de Ruddy Roye

Roye s’inspire de la vie rude et quotidienne des pauvres, des laissés-pour-compte, des “oubliés”, et en particulier de ceux de son pays d’origine, la Jamaïque. Il s’efforce de “raconter l’histoire de leurs maux mais aussi de leurs victoires en faisant entendre leur voix sur les médias sociaux et sur le papier photographique.

INFORMATIONS PRATIQUES

sam27jan(jan 27)11 h 00 minsam24fev(fev 24)19 h 00 minRuddy RoyeWhen Living is A ProtestGalerie Polaris - Bernard Utudjian, 15 rue des Arquebusiers 75003 Paris

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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