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C’est l’une des propositions marquantes de cette 3ème édition de BAD + art & design : la galerie Nadja Vilenne (Liège) que je retrouve avec plaisir après Art Brussels et qui reçoit le prix Château Kirwan pour Valérie Sonnier, Badeschloss 3, (dessin). L’occasion pour ce château (3ème grand cru Margaux) de marquer sa volonté de soutien à la création contemporaine. Un stand construit avec toujours autant d’exigence sous l’angle cinématographique et non sans humour comme ces Nature Morte à la maladresse de Jacques Lizène. Une revisitation d’un classique de l’histoire de l’art et un clin d’œil bordelais malicieux ! Le parcours off de la foire dans les vignes signe l’engagement des domaines à travers acquisitions ou résidences d’artistes.

Vue du stand galerie Nadja Vilenne BAD + art & design 2024 photo Nadja Vilenne

L’occasion de découvrir outre le Château Kirwan et le collectionneur passionné de dessin Daniel Thierry, le domaine Smith Haut Lafitte dirigé par l’emblématique famille Cathiard dont la fille a lancé la marque Caudalie.

Nadja Vilenne : qu’est-ce qui vous a motivé pour participer à BAD + 3ème édition ?

Je connaissais Jean-Daniel Compain par la FIAC et j’ai accepté par amitié.

Vue du stand galerie Nadja Vilenne BAD + art & design 2024 photo Nadja Vilenne

Quels partis pris vous ont-ils guidé pour construire votre stand ?

L’angle cinématographique du stand est accentué par les 2 dessins de Valérie Sonnier et les séquences de Jacqueline qui suggèrent un mouvement. Valérie Sonnier est tout le temps dans une relation avec le cinéma, elle passe derrière la caméra elle-même. Elle se penche sur le temps et les fantômes de l’image. C’est une quête qui rejoint Méliès et les premières expérimentations du cinéma. Professeur aux Beaux-Arts de Paris, Jean de Loisy lui a suggéré de s’intéresser aux fantômes du lieu. Elle représente deux bassins dans le jardin de l’école qui ne sont pas accessibles ni visibles. Jean de Loisy est par ailleurs, un ami et soutien de Jacques Lizène. Il lui avait consacré une exposition « Désastre jubilatoire, rapide rétrospective » en 1991 au Passage de Retz avant de prendre la direction du Palais de Tokyo.

Jacques Lizène Nature morte à la maladresse [1974], en remake 2010 Photographie NB, vin rouge, moulures, 70 x 70 cm courtesy galerie Nadja Vilenne

Vous proposez une oeuvre phare et terriblement actuelle : Jacques Lizène, Art syncrétique

Nous proposons en plus des Natures mortes, une œuvre qui se révèle d’une grande justesse à l’heure des débats sur le colonialisme. Sa description est révélatrice de sa démarche : statue fétiche africaine croisée copie inspirée d’Antique. Nous espérons faire entrer cet artiste belge majeur dans les institutions françaises.

Autre choix : Michiel Ceulers

Nous avons eu un beau succès pour Michiel Ceulers à Art Brussels. Il représente le Guggenheim de New York. L’artiste questionne nos valeurs et perceptions du réel. Le dialogue avec l’œuvre de Jim Shaw prêtée par le Capc marche très bien. Cela instaure une atmosphère américaine, le spectaculaire, les couleurs et les brillances. On sent l’ironie poindre dans un esprit de revanche. Il a aussi travaillé sur l’architecture comme les décors de théâtre récupérés chez Jim Shaw. On pense à Kippenberger également. Une vraie quête poétique et picturale se dégage.

Penchons-nous sur cette œuvre textile de Jacqueline Mesmaeker

Nous avons l’érotisme de Versailles avec ces bourses, ce qu’elles suggèrent du sexe féminin et de la coquetterie vestimentaire de la Cour du roi. Elle a réinventé cet objet à partir de cet élément de parure du 18ème siècle extrêmement codifié. L’on se souvient de sa remarquable exposition pour la Verrière Hermès sous l’impulsion de Guillaume Désanges.

Le marché de l’art semble touché à son tour par le climat actuel : comment réagissez-vous ?

Nous sommes dans une économie de guerre, c’est un fait. De nouvelles choses vont émerger et cela se sent. Une mutation de la société, une mutation de la manière de travailler. Après 30 ans nous assistons à une reconnaissance de notre travail, plusieurs de nos choix arrivent à maturité, ce qui nous aide dans ce contexte délicat.

Parcours art et vignes, Entre’vues

Smith Haut-Lafitte : parcours de sculptures

Château Smith Haut-Lafitte : Lélia Demoisy

L’un des atouts de taille de BAD + est de s’appuyer sur ce savoir-faire exclusif à la région bordelaise en favorisant les dialogues. Prix, résidences d’artistes et visites sont parmi les temps forts de ces journées de foire. A Smith Haut-Lafitte, sarment de vigne, marc de raisin, bouquet végétal le terroir se conjugue aux caprices de la nature et des silhouettes sortent des rangs géométriques alignés par l’homme. Ce sont une trentaine de sculptures réunies par Florence et Daniel Cathiard qui ont repris l’ensemble en 1991 s’inscrivant très tôt dans la biodynamie et l’écologie des pratiques. Champions de ski puis responsables de boutiques de sport, les entrepreneurs qui nous reçoivent avec chaleur et simplicité ont eu plusieurs vies et autant de passions ! Parmi les œuvres un lièvre de Barry Flanagan « Hospitality », un Golem de Julian Schnabel, une arche « wood gate » de Thomas Houseago, le « Frère de Dieu » d’Erik Dietman ou ce qui ressemble à une antenne de Ronan Charles. La dernière œuvre qui vient de trouver sa place est de Gloria Friedman.

Smith Haut-Lafitte, Lélia Demoisy artiste résidente

L’œuvre de Lélia Demoisy (galerie By Lara Sedbon) rejoint cette galerie à ciel ouvert. Elle a été conçue à l’issue de sa résidence à partir du savoir-faire des barriques, l’un des fondamentaux du domaine.

A noter qu’un parcours de balade en forêt autour du land ard est proposé de mai à octobre : Forêt des sens.

Suivre les actualités de la galerie Nadja Vilenne :
https://nadjavilenne.com/
NadjaVilenne – Le Blog
En savoir plus sur Smith Haut Lafitte : Parc de sculptures, Forêt des sens
Château Smith Haut Lafitte, Grand Cru Classé, Pessac-Léognan.
https://www.smith-haut-lafitte.com/

BAD + et la scène Bordelaise :
Bordeaux + art + design – Rendez-vous incontournable de l’Art Contemporain à Bordeaux (bad-bordeaux.com)
Parcours privé Entre’vues : Château Chasse Spleen, Smith Haut Lafitte
Parcours Entre’vues (bad-bordeaux.com)

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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