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Mor Charpentier, l’âge de raison ? Réponse à ARCOMadrid

Temps de lecture estimé : 7mins

Fondée en Novembre 2010 par Alex Mor & Philippe Charpentier, mor charpentier soutient des artistes d’horizons différents réunis par une approche conceptuelle forte. L’écriture de l’histoire, la mémoire et l’oubli, le signe et le langage sont autant de questionnements au cœur de la ligne directrice de la galerie. Basée à Paris, mor charpentier organise depuis 2013 des expositions hors les murs à Bogota (Colombie). A la veille de la foire madrilène ARCO, décisive dans leur parcours, les deux directeurs ont répondu à nos questions en leur élégant QG de la rue de Bretagne.

9 lives : Quel est l’ADN de la galerie et la clé de sa réussite selon vous ?

Alex Mor : La galerie a été fondée il y a 7 ans.

Etant colombien nous avons jugé qu’il était primordial de donner une place à la scène latino-américaine encore peu montrée à Paris et nous avons, à nos début, présenté une majorité d’artistes latino américains dans notre programmation.
Nous avons néanmoins ouvert très rapidement celle-ci à de nombreuses autres scènes. Contrairement à beaucoup de galeries françaises de notre génération, nous représentons essentiellement des artistes internationaux.

Nous avons toujours maintenu l’exigence de travailler avec des artistes ayant un engagement social ou politique marqué, avec des thèmes dominants autour de la mémoire, de l’histoire, des tensions géo-politiques. Des thèmes traités de façon différente mais complémentaire par chacun.

Ayant tous les deux fait des études de sciences politiques, notre intérêt pour l’art est connecté à l’art de notre époque avec cette faculté d’ouvrir des fenêtres d’analyse sur la situation dans le monde. Cette ligne directrice très singulière à laquelle nous sommes très sensibles et que nous développons et approfondissons à travers notre programmation est assurément la force de la galerie.

Le développement de la galerie a été grandement aidé par sa  programmation singulière, sa capacité à travailler dès son démarrage avec des artistes confirmés, à l’instar d’Oscar Muñoz avec lequel nous avons ouvert la galerie, ainsi qu’une prise de risque constante. Que cela soit dans la présentation de nos expositions, des foires ou de nos projets hors les murs. Un parti pris de ne pas proposer un art décoratif.

Enfin, l’internationalisation de notre projet dès ses débuts a été la clé dans notre développement. Si nous nous étions cantonnés uniquement dans les frontières parisiennes, nous n’aurions pas eu ces opportunités. Cette capacité à sortir de notre zone de confort est, depuis le début, inscrit dans notre ADN.

9 lives : Votre programmation répond à quels critères et priorités ?

Philippe Charpentier : L’essentiel de notre programmation est basée sur des artistes « mid career » devenus de plus en plus confirmés. Et même nos jeunes artistes tels que Lawrence Abu Hamdan, Marwa Arsanios, Edgardo Aragon ont rapidement eu une trajectoire institutionnelle internationale très marquée.

C’est important pour une galerie, surtout jeune, de ne pas travailler qu’avec des gens de sa génération. En tant que jeune galerie, nous avons une vision différente à apporter à un artiste confirmé par rapport à un choix traditionnel de galeries. Et  vis à vis d’un tout jeune artiste, nous pouvons le montrer très rapidement internationalement au travers de nos foires, projets et implantation à Bogota.

9 lives : Quelle est votre stratégie vis à vis des foires et du « hors les murs « ?

P. C. : Les foires ont un rôle important pour nous. Nous avons commencé avec Arco alors que nous n’avions que 3 mois d’existence.
Cela nous a constamment accompagné, inspiré, propulsé. Nous réalisons entre 9 et 10 foires par an avec surtout une stratégie diversifiée visant à couvrir des continents différents : Europe, Amérique du Nord, du Sud, Asie.

Nous maintenons aussi un équilibre entre des foires très confirmées (Art Basel, Frieze, Fiac, Armory Show, Arco) et des foires plus régionales comme Bogota, Buenos Aires avec au total depuis notre création la participation à 18 foires différentes. Même s’il y a un accroissement notoire du nombre de foires, les foires essentielles se réduisent à une petite dizaine. En dehors de ces dernières, il reste compliqué de se développer.

A. M. : A Bogota pendant 3 ans, nous avons fait des projets qui, par leur taille, leur logistique, leur difficulté étaient irréalisables dans notre ancien espace parisien.
Nous cherchions à établir un lien entre le projet et un endroit qui puisse y répondre.

Notre 1er projet aux Archives de Bogota impliquait Voluspa Jarpa, une artiste chilienne, autour des archives déclassifiées de la CIA. Cette première esquisse a depuis été présentée au MALBA et sera prochainement montrée au Mexique puis au Brésil.

Notre 2ème projet était une performance de longue durée et quotidienne pendant 1 mois, dans une usine abandonnée du centre de Bogota, une zone rouge très difficile:  un engagement supplémentaire pour nous.

Le 3ème projet était une projection de Carlos Motta autour de l’imposition de modèles religieux pendant la période coloniale, présenté dans un ancien cloitre.
L’idée n’était pas de faire une exposition supplémentaire et nous avons à présent un bureau permanent à Bogota avec une personne dédiée. L’implantation est une question de timing et de lieu qui nous convienne. Et  nous allons bien entendu poursuivre.

Les « Hors Les Murs » doivent répondre à un besoin spécifique. Dès que l’on sent qu’un projet le mérite, on se lance. C’est toujours risqué puisque les investissements sont importants, sans un retour immédiat. Notre prochain projet « hors les murs » impliquera Teresa Margolles.

9 lives : Comment anticipez-vous les évolutions du marché et redistributions géopolitiques en cours avec l’émergence de nouveaux acteurs et prescripteurs ?

A. M. : Nous assistons aussi à une consolidation croissante avec des acteurs extrêmement puissants, une globalisation toujours plus forte, ainsi qu’un développement marqué des ventes en ligne.

Les ventes en ligne posent la question à terme de nos modèles mais elles ne sont pas prégnantes à ce stade dans notre chiffre d’affaires.
Néanmoins, elles sont devenues un mode clé d’acquisition d’oeuvres d’art pour une nouvelle génération de collectionneurs, principalement en Asie, Moyen Orient & Amérique Latine.

9 lives: Quelle est la sociologie de vos collectionneurs ?

P. C. : Près du quart de nos ventes est conclu avec des institutions, le reste avec des collectionneurs privés. Les Etats Unis sont notre premier marché, suivis de l’Europe et de l’Amérique Latine, et nous développons nos ventes en Asie & Australie.

9 lives : Quelles prochaines ambitions vous fixez-vous à court et moyen terme ?

P. C. : Poursuivre notre développement tout en conservant la singularité de notre programmation et de nos choix artistiques. Mais surtout continuer à le faire avec passion.
A. M. : Nous devons toujours continuer à nous développer à un rythme très soutenu sinon nous disparaissons ! On ne peut faire du surplace dans ce contexte d’extrême compétition et de changement radical de ce métier.

Prochaines participations : Arco, Armory Show, Art Basel Hong Kong, Frieze New York, Arteba Buenos Aires et Art Basel puis Fiac, Bogota et Art Basel Miami.
Soit 9 foires au total pour 7 collaborateurs permanents.
Nous tenons, de plus,  à toujours proposer de vrais projets curatés pour nos foires, ce qui demande beaucoup d’anticipation et de préparation.
Il est important de plus de consolider sa présence sur les foires, d’établir un vrai rapport de grande confiance, étant membres de 3 comités, investis dans le développement qualitatif de ces foires.
Entre nous, nous fonctionnons de façon très complémentaire, sans répartition prédéfinie, avec pour seule règle de ne jamais prendre de décision seul.

Le concept :
Pour Arco 2018 mor charpentier, à travers une sélection de 15 artistes de la galerie d’Europe à l’Amérique latine, défend un art en prise avec les enjeux politiques actuels.

EN CE MOMENT À LA GALERIE :
Unfinished Portrait
jusqu’au 31 mars 2018
Mor Charpentier
61 Rue de Bretagne
75003 Paris
https://www.mor-charpentier.com/

ARCOMadrid
Du 21 au 25 Février  2018
Ouvert au public le vendredi 23, samedi 24 et dimanche 25 de 12h à 20h
IFEMA, Feria de Madrid. Halls 7 & 9
Avenida del Partenón, 5
Madrid, Spain
http://www.ifema.es/arcomadrid

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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