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Depuis l’arrivée de Dominique Savelkoul, le Mu.ZEE d’Ostende retrouve une identité claire et des ambitions partagées pour cette période transitoire allant jusqu’aux grands travaux prévus en 2024, date de l’exposition anniversaire de James Ensor. Parmi les défis qui attendait la directrice, la question de la circulation dans l’espace et de l’ouverture sur l’extérieur étaient essentiels, de même qu’une meilleure valorisation de la collection d’un total de 8000 oeuvres. Le collectif bruxellois Rotor mandaté pour cette mission a su dégager les lignes de force de l’ancienne Coopérative réouvrant balcons et mezzanines et favorisant de nouvelles perspectives entre les oeuvres. Un bilan très positif qui s’accompagne de la première exposition de Maarten Vanden Eynde dont elle nous décrypte les enjeux à la fois écologiques, politiques et sociétaux.

Autant de bonnes raisons pour que le Mu.ZEE (« musée de la mer ») s’inscrive définitivement sur la carte de institutions culturelles européennes de référence, la magie d’Ostende opérant toujours.

Dominique Savelkoul a répondu à mes questions.

Dominique Savelkoul, directrice générale Mu.ZEE ©Hilde Wentein

À quels défis avez-vous été confronté lors de votre arrivée au Mu.ZEE ?

J’ai commencé littéralement trois jours avant le premier confinement. Cela signifie que j’étais cloîtrée à la maison sans aucune connaissance approfondie de la collection, du bâtiment ou de l’équipe. De ce fait, mes premières impressions étaient donc cruciales. Comment se fait-il que je me sois perdue dans le bâtiment ? Pourquoi y avait-il sept petites expositions séparées qui, à mon sens, pouvaient se combiner ? Comment diriger une organisation lésée ? Ce ne sont pas des petits défis !

Comment jugez-vous l’intervention du collectif ROTOR ?

La coopération avec Rotor a été un véritable succès. Malgré le délai très bref, ils ont ressenti exactement ce qui était nécessaire. Sous leur direction, le bâtiment emblématique des grands magasins de Gaston Eysselinck a été démantelé de manière experte. Par le passé, plusieurs personnes ont essayé de transformer le grand magasin en musée grâce à toutes sortes d’interventions. En retrouvant aujourd’hui les lignes pures du bâtiment, celui-ci est paradoxalement devenu plus que jamais un véritable musée. Cet exercice nous aura également permis de nous familiariser à nouveau avec le bâtiment avant les grandes rénovations prévues pour fin 2024, et de prendre ainsi les bonnes décisions. Rotor a introduit pour toujours le réflexe circulaire dans Mu.ZEE.

Antoon De Clerck, Langsheen de E5, 1974. (c) Erven De Clerck. Foto : Steven Decroos

À quels enjeux et partis pris scénographiques répond la nouvelle présentation des collections ?

Rotor a opté pour un démantèlement sélectif. Les grands espaces du premier étage ont été agrandis par la suppression bien réfléchie de murs et la restauration des perspectives. L’un des deux escaliers a été rouvert et s’accompagne désormais d’œuvres d’art. Les parois autoportantes du deuxième étage sont les vestiges des anciens cabinets d’exposition en MDF blanc qui s’y trouvaient. Ces parois ont été découpées verticalement en segments, puis, en concertation avec les curateurs et en fonction des tableaux à y accrocher, ceux-ci ont été disposés en configurations précises. Le paysage organique des parois en forme de L permet aux œuvres exposées de communiquer entre elles, comme dans un champ ouvert.

Les balcons murés ont été rouverts comme dans les dessins originaux d’Eysselinck, offrant des vues inédites sur et à travers les étages.

À chaque intervention, de nouvelles qualités sont apparues en surface. La quasi-totalité des fenêtres prévues par Eysselinck ont été restaurées dans leur état d’origine.

Léon Spilliaert, De Duizeling, 1908. Foto : Steven Decroos

Divers espaces cachés et sombres ont été rendus à nouveau accessibles pour accueillir des vidéos et des œuvres sensibles à la lumière.

Pendant que divers scénarios étaient testés sur des maquettes avec les conservateurs, sur place des murs ont été déplacés. Le résultat est devenu un site dynamique et passionnant, auquel l’équipe du Mu.ZEE a été étroitement associée.

Quelle est la réaction du public ?

Le public réagit avec beaucoup d’enthousiasme, même les jours de pointe avec plus de 600 visiteurs. Si les Ostendais ont retrouvé le chemin de leur musée, nous nous sommes également repositionnés sur la carte internationale : quiconque veut connaître l’histoire artistique des 150 dernières années en Belgique, doit être à Ostende pour découvrir cette vue d’ensemble.

En quoi cette première exposition de l’artiste Maarten Vanden Eynde, placée sous le commissariat de Katerina Gregos et Ilse Roosens, est-elle un événement ?

Maarten Vanden Eynde_ Restauration du Lac de Montbel Centre dArt Contemporain Ste-Colombe sur lHers 2003 photo credit (c) Marjolijn Dijkman

Maarten Vanden Eynde – exhumer le futur est la première exposition depuis la réouverture du musée. Nous pensons qu’il est important de pouvoir établir des liens avec notre collection à travers l’art contemporain. Maarten Vanden Eynde répond aux problèmes actuels concernant le réchauffement climatique, la façon dont nous traitons la terre. C’est un sujet qui attire de nombreux visiteurs – et sur lequel de nombreuses activités peuvent être organisées. Par exemple, plusieurs chasses aux ‘Nurdles’ ont déjà été organisées avec des jeunes sur la plage. De cette manière ludique nos jeunes prennent conscience des problèmes. Une belle exposition avec un beau message !

Quelles sont vos prochaines priorités pour mener à bien cette phase transitoire jusqu’aux travaux de rénovation en 2024 ?

Le but de cet exercice était de créer une ambiance de paix au sein du musée qui offre désormais un moment de sérénité au public. Comme nous avons mis l’accent sur la collection propre du musée, les visiteurs pourront toujours accéder à « une certaine » histoire de l’art belge, complétée par une grande exposition en été et une grande exposition en hiver. Notre propre équipe bénéficiera également de cette sérénité qui lui permettra de retrouver à nouveau une créativité en profondeur à tous les niveaux.

INFOS PRATIQUES :
La collection, du Coo à l’art
Maarten Vanden Eynde :
Exhumer le futur
jusqu’au 16 janvier 2022
Itinérance : En 2022, l’exposition Exhumer le futur sera présentée à La Kunsthalle de Mulhouse.
https://www.muzee.be/

Ne pas manquer également la Maison de James Ensor qui offre depuis sa réouverture une véritable expérience de visite autour de l’univers du maître.

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Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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