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Pour sa quatrième et dernière carte blanche, notre invité de la semaine, le directeur adjoint du mudac et commissaire d’exposition Marco Costantini présente le dernier ouvrage du photographe suisse Olivier Christinat, lauréat du prix Alfred Latour 2021. Cet ouvrage édité chez Actes Sud est intitulé « Pas un jour sans une nuit ». Marco Costantini a souhaité apporter un focus particulier à cet artiste dont il suit la carrière depuis plus de 25 ans.

En été 202, le jury du prix Alfred Latour, réuni à Paris dans les locaux des Éditions Actes Sud, a décidé après délibérations et à l’unanimité de retenir le projet du photographe suisse Olivier Christinat, Pas un jour sans une nuit. Un an après, c’est donc l’ouvrage du même nom qui sort en librairie, édité par Actes Sud et accompagné d’un texte tout en finesse de Julie Enckell.

En parcourant les pages de l’ouvrage, je constate rapidement qu’il ne s’agit pas uniquement de la présentation d’une nouvelle série d’images. Au contraire, c’est ici une construction toute autre. Plusieurs séries se retrouvent associées comme pour démontrer que le travail d’Olivier Christinat suit depuis dix ans une quête inlassable et précise même si les vues animées de villes japonaises, de plages italiennes ou celles plus vide de toute présence humaine des forêts suisses semblent distinctes.

Venezia, 2017 © Olivier Christinat

Osaka, 2018 © Olivier Christinat

Divina commedia inferno © Olivier Christinat

Ce sont probablement les pages illustrées de ses dessins, nouvelle pratique pour l’artiste, et de celles présentant des écrans gris qui, à y regarder de plus près, offrent l’entièreté de textes tels que la Divine Comédie, l’Énéide, Alice au pays des merveilles ou encore Les Fleurs du mal.

Sans titre, juillet 2021 © Olivier Christinat

Entre les pages d’images et celles des dessins et textes littéraires, c’est une relation à la distance qui s’instaure. En effet, voilà bientôt dix ans qu’Olivier Christinat s’éloigne suffisamment de son sujet pour en réduire au maximum toute perspective. Les espaces se retrouvent alors similaires à celui de la page qui désormais témoignent de cet être au monde, bidimensionnels. C’est cette transformation purement optique que permet le zoom en ramenant à nous ce qui est loin et créant ce que l’on nomme l’effet bokeh.

Berlin, 2019 © Olivier Christinat

Venezia, 2017 © Olivier Christinat

Londres, 2015 © Olivier Christinat

Berlin, 2019 © Olivier Christinat

Les fleurs du mal, Baudelaire © Olivier Christinat

À l’inverse, les textes présents dans l’ouvrage sont considérablement éloignés de nous, rendant quasi impossible leur lecture. Réduits désormais à une page-image, ces textes, qui ont tous en commun de présenter une vue du monde transformée, sublimée ou poétisée, opère ce que Julie Enckel décrit avec justesse dans sa propre analyse comme une convocation de tous les sens pour « faire image ».

Lausanne, 2018 © Olivier Christinat

Au miroir d’Alexandre Calame, 2018 © Olivier Christinat

Shin, Osaka, Japon, 2013 © Olivier Christinat

Sans titre, dessin, 2019 © Olivier Christinat

L’ouvrage d’Olivier Christinat devient alors au final autant un livre photographique que la partition de sa vision du monde, secouée dans la durée par des événements musicaux. L’éloignement et le cadrage permettent alors paradoxalement une condensation du monde afin de le rendre encore plus visible. Olivier Chrisitnat le dit lui-même dans l’ouvrage, il « entend » le visible.

https://www.olivierchristinat.com/
https://www.actes-sud.fr/catalogue/arts/pas-un-jour-sans-une-nuit

La Rédaction
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