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Avec un total de 26,129 visiteurs, la 39ème édition d’Art Brussels s’achève sur un bilan très positif et une transition réussie à Brussels Expo, comme le souligne Nele Verhaeren, directrice, avec des stands très curatés et un haut niveau d’acteurs engagés et de transactions tout au long de la foire. La galerie Semiose (Paris), fidèle à la foire, y participait avec un solo show dédié à l’artiste allemande Aneta Kajzer. Sa directrice Frédérique Buttin Valentin revient sur le bilan et le retour à un rythme normal et soutenu des foires depuis le confinement, alors que la galerie propose une exposition exceptionnelle de William S. Burroughs, que l’artiste Françoise Pétrovitch bénéficie d’une exposition sur mesure au Musée de la Vie Romantique et l’artiste Anthony Cudahy entre en «Conversation» avec le Musée des Beaux-arts de Dôle.

Elle définit ce qui fait l’ADN de Semiose entre soutien aux artistes français et internationaux et volet éditorial. La galerie participera prochainement au Paris Gallery Week-end, du 26 au 28 mai avec d’une part une exposition de l’artiste zimbabwéen Moffat Takadiwa et d’autre part du duo Hippolyte Hentgen. Frédérique Buttin-Valentin qui a mesuré en 30 ans, les évolutions du métier, insiste sur la passion nécessaire et le rôle de passeur d’une galerie au sein de tout un écosystème. Elle a répondu à mes questions.

Frédérique Buttin Valentin Photo Renaud Monfourny. Courtesy Semiose, Paris.

Tout au long de son parcours de près de 30 ans, Frédérique Buttin Valentin a su se faire apprécier, aussi bien pour ses qualités professionnelles qu’humaines. Cofondatrice de la galerie Chez Valentin en 1994, elle a joué un rôle majeur dans l’émergence d’une scène française, par son soutien à une génération qu’elle a contribuée à exposer, collectionner et à hisser à un niveau international. Après deux années en charge du développement commercial de la Manufacture de Sèvres, Frédérique Buttin Valentin prendra ses nouvelles fonctions en janvier 2022. Reconnue pour son regard et attentive à la dimension curatoriale et prospective d’une galerie, elle poursuivra le dialogue que Semiose a toujours entretenu tant avec les artistes qu’avec les collectionneurs et les institutions. Son talent et son expertise confortent Semiose dans ses perspectives de rayonnement en France et à l’international, et manifeste sa volonté renouvelée de compter parmi les galeries engagées auprès des artistes.

Vue du stand Semiose Art Brussels 2023 Photos Graysc. Courtesy Semiose, Paris.

Quel bilan faîtes-vous d’Art Brussels ?

C’est une foire avec son propre rythme qui met un certain temps à démarrer pour se concrétiser ensuite.
Nous avons proposé un solo show de la peintre allemande Aneta Kajzer encore peu connue en Belgique mais qui a une vraie visibilité à l’international, (Asie, Europe). Nous avons proposé sa première exposition personnelle à la galerie en novembre qui a été très bien reçue. Nous sommes contents.

En ce qui concerne la place des foires, votre stratégie a-t-elle-évoluée suite au confinement ?

Nous nous sommes calés au calendrier des foires elles-mêmes selon le mouvement de réouverture des frontières. La situation est vite redevenue la même qu’avant la pandémie, aucune foire n’ayant disparue. Le changement majeur pour Paris cette année concerne l’arrivée de la nouvelle foire suisse Paris + par Art Basel.

En quoi l’exposition de William S. Burroughs, the Ripper Spirals, est-elle exceptionnelle ?

Mise à part son œuvre littéraire, cette partie de l’œuvre de Burroughs reste curieusement assez méconnue. Une grande partie de l’exposition n’avait jamais été vue en France (60%). Nous avons voulu insister sur la grande liberté qu’il avait aussi dans ce domaine au-delà de son côté iconique. Malgré son âge, il garde une réelle acuité à saisir les choses que ce soit du point de vue de la couleur que de la forme comme le ferait un jeune artiste. Les visiteurs sont surpris par la pertinence de l’ensemble. Cela dépasse la question de l’écrivain réalisant des œuvres plastiques.

Affiche exposition Françoise Pétrovitch au Musée de la Vie romantique

Françoise Pétrovitch au Musée de la Vie Romantique : genèse du projet

L’initiative du projet revient à Gaëlle Rio, directrice du musée et co-commissaire de l’exposition dans l’idée de croiser les regards. Elle connaissait le travail de Françoise Pétrovitch et souhaitait le confronter à la question du romantisme et au-delà, explorer sa capacité à entrer en écho avec des grands thèmes de l’histoire de l’art. L’artiste investit ainsi la totalité de l’espace avec une quarantaine d’œuvres inédites, spécialement conçues pour l’occasion. Une exposition sur mesure. Nous avons dès la première salle une immersion complète dans son univers avec un traitement spécifique du sol qui reprend ces lavis d’encre. Si le travail de Françoise offre une première approche très immédiate et universelle, elle cache en réalité une autre dimension plus sombre, presque effrayante. C’est ce double aspect qui a intéressé vraisemblablement la directrice du musée qui aborde des thèmes a priori simples mais en réalité complexes.

Anthony Cudahy, Our Earth, 2022-2023 Courtesy the artist & Semiose, Paris.

Autre actualité : l’exposition d’Anthony Cudahy qui ouvre au Musée des Beaux-arts de Dole, les enjeux

Anthony Cudahy est un jeune peintre américain de 34 ans. Il appartient à la jeune scène émergente. Semiose lui avait consacré un solo show l’an passé à la foire de Brussels Cette exposition intitulée « Conversation(s) » s’étendra sur tout le rdc du musée. L’artiste a travaillé plus d’une année sur cette exposition. Ces œuvres résonneront notamment avec des œuvres anonymes de la collection du musée. A cette occasion, une large monographie sera publiée.

Moffat Takadiwa, Three Figures, 2023. Touches de clavier d’ordinateurs en plastique / Plastic computer keyboards keys. 240 × 155 cm / 94 1/2 × 61 in..
Le crédit : Photo Rebecca Fanuele. Courtesy Semiose, Paris.

Comment définiriez-vous la spécificité de Semiose ? s’il y en a une…

La galerie revendique à la fois une attache à une scène française à travers des artistes comme Françoise Pétrovitch, Abraham Poincheval, Laurent Proux, Hugo Capron, Amélie Bertrand avec également de par son origine, une grande activité d’édition autour de catalogues de nos artistes mais aussi autres comme le dernier ouvrage autour d’Iris Clert dans une approche prospective de redécouverte. Nous soutenons aussi des artistes internationaux comme Moffat Takadiwa (Zimbabwe), Anthony Cudahy (USA) ou Aneta Kaijzer (Allemagne). Faire découvrir ou redécouvrir les artistes nous anime comme par exemple avec le collectif Présence Panchounette qui a été fondateur pour les artistes français. Nous nous inscrivons dans un double mouvement à travers des expositions et publications d’ouvrages.

Hippolyte Hentgen Ficus 6, 2021
Chêne, laiton, skai et photographies imprimées /
Oak, brass, leatherette and printed photographs
Photo : A. Mole
Courtesy Semiose, Paris

Vous participez prochainement au Paris Gallery Week-end : quelles seront vos propositions ?

Nous exposerons l’artiste Moffat Takadiwa qui pratique le recyclage à partir de matériaux prélevés dans les décharges à ciel ouvert du Zimbabwe. Il a construit un vocabulaire proche de références d’objets traditionnels tout en évoquant des questions liés à l’environnement, la consommation, le post colonialisme. Il cherche à changer le paysage pour lui donner un autre sens.
Nous aurons en même temps un project-room dédié à Hippolyte Hentgen, duo d’artistes, composé de Gaëlle Hippolyte et de Lina Hentgen qui poursuivent une collaboration depuis plus 10 ans autour de l’image et ses champs de représentation. Elles sont très présentes en Europe et dans de nombreuses expositions institutionnelles françaises.

Quelle est votre vision du métier ?

La passion est un élément essentiel au même titre que l’envie d’apprendre auprès des artistes, de partager avec d’autres : les collectionneurs et le public, de participer à l’accompagnement d’un travail de son stade émergent à son évolution future. D’être des passeurs. C’est un métier qui demande beaucoup d’investissement à titre personnel, contrairement à d’autres métiers plus classiques. Les galeries participent pleinement au dynamisme d’une scène alors qu’elles sont souvent perçues sous un angle marchand. La passion se joue aussi dans le débat de l’actualité à travers les expositions. En 30 ans, le métier a beaucoup évolué, les galeries se sont établies de manière plus formatée qu’auparavant alors qu’elles étaient de plus petites structures mais je pense qu’elles sont animées par cette même passion.

A quel moment vous est venu le déclic de vouloir suivre cette voie ?

Je viens du monde de la musique au départ, puis je me suis tournée vers le monde des
antiquités avant de découvrir ce monde de l’art vivant qui ne nous est pas tellement enseigné à l’école. J’ai pris conscience que les artistes ne se résument pas aux œuvres accrochées dans des musées mais que c’est avant tout une dynamique de vie.
Pour Benoît Porcher qui a fondé la galerie, l’envie est venue du monde de la gravure puis de l’édition
avant de basculer vers la galerie. Cela se résume sans doute à la passion de l’exposition.

INFOS PRATIQUES
Art Brussels
Evènement terminé
Art Brussels 2023

Actuellement à la galerie :
Moffat Takadiwa Zero zero
Project Room : Hippolyte Hentgen, Flirt
du 6 mai au 17 juin 2023
Paris Gallery Weekend
Les 26-27-28 mai 2023
https://parisgalleryweekend.com/

Françoise Pétrovitch,
Aimer, Rompre
du 5 avril au 10 septembre 2023
Musée de la vie romantique, Paris

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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