L'Invité·e

Carte blanche à Félix Cholet et Olga du Saillant : Image de la vie et de la mort

Temps de lecture estimé : 4mins

Pour leur invitation éditoriale, nos invité·es de la semaine, les cofondateurs de la galerie des Minimes, Félix Cholet et Olga du Saillant, ont choisi de décrypter une œuvre par jour. Pour leur première carte blanche, ils ont choisi « Image de la vie et de la mort » une œuvre singulière et emblématique réalisée en 1981 par l’artiste allemand Dieter Appelt. Elle sera présentée à l’occasion de leur prochaine exposition « L’écho des ruines » qui ouvrira ses portes le 26 janvier et qui fera dialoguer le travail de la jeune photographe Astrid Staes et celui de Dieter Appelt.

Image de la vie et de la mort (aus der Aktion) de 1981, une épreuve argentique sur papier aux sels d’argent, est une oeuvre singulière d’un artiste singulier, Dieter Appelt (https://www.moma.org/collection/works/49523).

© Dieter Appelt, Schneeloch, from « Erinnerungsspur », 1977/ 79. Courtesy of Galerie Françoise Paviot.

Athlète poète, esthète cérébral, sa pratique de l’art est expérimentale et variée. Appelt a été profondément influencé par les actionnistes viennois et Joseph Beuys, des mouvements artistiques caractérisés par leur approche expressive, expérimentale et souvent provocatrice. L’artiste met souvent en scène son corps dans des performances, « actions », qu’il filme ou photographie dans des situations extrêmes. Nu allongé dans un champ de neige (Schneeloch, from « Erinnerungsspur », 1977/ 79), visage couvert de terre, corps momifié enrobé de bandelettes, ses constructions mentales interrogent la vie à travers des stratifications visuelles d’ordre minéral. Comme les écrits d’Ezra Pound qu’il admire, Dieter Appelt ne s’intéresse jamais à la photographie de façon anecdotique ou instantanée ; les images sont composées de multiples poses, couches, altérations. « Pourquoi Pound, précisément? Il est, pour Appelt, le poète du maniement des langues, et particulièrement de langues en images » (Michel Frizot). Chaque oeuvre devient une méditation visuelle, une exploration profonde de la relation complexe entre le corps humain, l’espace et le temps, évoquant des questions sur l’identité, la mortalité et la spiritualité.

© Dieter Appelt, Image de la vie et de la mort, 1981. Collection privée — courtesy of Galerie Françoise Paviot

Dans cette oeuvre spécifique, Appelt décline son portrait en une série de prises successives disposées de manière verticale. Ces images n’évoquent rien moins que son titre l’indique : le trajet de la vie, de la naissance à la mort. L’inversion de la scène peut introduire une dimension de déconstruction ou de distorsion de la réalité, suggérant peut-être que le chemin de la vie à la mort n’est pas linéaire, mais plutôt complexe et non conventionnel.
Le jeu de lumière, en particulier les contrastes forts, semble jouer un rôle essentiel dans la représentation de cette transition ; l’illusion d’un crâne apparaît progressivement, comme si la tête s’était décharnée puis désincarnée sous nos yeux. Ce visage final, ébloui, crée une focalisation particulière et dramatique, symbolisant l’ultime étape de la vie, et rappelle même une sorte d’illumination spirituelle.

Cette photographie est doublée d’un court film sur le même sujet tourné par Hanna et Dieter Appelt (https://www.centrepompidou.fr/fr/ressources/oeuvre/c7GLdr8). En seulement 17 minutes de film ou une épreuve argentique, ils parviennent à raconter le chemin de la vie de manière incisive et raccourcie à son essence.
L’économie de moyen est fulgurante. C’est le visage de l’artiste qui est décliné, mais on ne peut parler d’autoportrait au sens traditionnel, car le sujet n’est pas personnel mais universel et abstrait. Le cri qui marque le centre de l’oeuvre, comme un cri intense d’arrachement, de douleur, est symbolique pour chaque spectateur qui l’associe à ses propres épreuves. Appelt rend visible une idée, un concept, le résumé de la vie et de la mort dans leur plus simple appareil.

Son oeuvre, toujours métaphysique, érudite et poétique, recourt aux images possibles du cinéma et de la photographie pour explorer le sens profond des choses. À travers un travail mûrement réfléchi, documenté et soigneusement préparé, cette séquence est radicale, d’une beauté saisissante, inattendue et puissante. Cette oeuvre a le pouvoir magnétique de captiver et de bouleverser, laissant une impression durable sur ceux qui la contemplent, comme en témoigne ma propre expérience en tant qu’enfant, arrêtée par sa force et sa radicalité.

Cette oeuvre emblématique sera exposée à la Galerie des Minimes lors de l’exposition “L’écho des Ruines” — en collaboration avec la Galerie Françoise Paviot — qui proposera à partir du 26 janvier, un dialogue entre le travail photographique de Dieter Appelt et celui d’Astrid Staes.

INFORMATIONS PRATIQUES

ven26jan(jan 26)11 h 00 minsam24fev(fev 24)19 h 00 minL'écho des ruinesAstrid Staes & Dieter AppeltGalerie des Minimes, 13 rue des minimes, 75003 Paris

La Rédaction
9 Lives magazine vous accompagne au quotidien dans le monde de la photographie et de l'Image.

    You may also like

    En voir plus dans L'Invité·e