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Partager Partager Temps de lecture estimé : 8minsLe coton et la soie, le charbon, le stylo bille, la gélatine mais aussi les méduses, les plantes médicinales, les algues, la calotte glaciaire …les expérimentations des 21 artistes réunis au Hangar Photo Center à Bruxelles poussent loin les limites photo sensibles. Se mesurer à la disparition de l’image, ressusciter ses fantômes, convoquer le geste à l’ère de la « reproductibilité technique », pour paraphraser Walter Benjamin, de la surexposition de l’ego et pulsion scopique, ces artistes font le grand écart entre les techniques archaïques (cyanotypes, chimigrammes..) et les avancées de l’IA comme le souligne Delphine Dumont, directrice de Hangar. Une exposition manifeste sur le hasard et la trace, la mutation et le hors-champ, ayant de nombreuses répercussions contemporaines : menaces climatiques, quêtes identitaires, assignations en tous genres… Plusieurs œuvres ont été réalisées in situ comme une spectaculaire « mue » de Sylvie Bonnot toujours très impactante. Delphine Dumont revient sur le bilan de la dernière exposition sur l’Ukraine et nous dévoile le prochain projet : l’ouverture de Hangar Gallery, un prolongement naturel de la vocation de tremplin de Hangar, souligne-t-elle. Elle a répondu à mes questions. Marie de la Fresnaye. Quelles sont les origines de l’exposition ? Delphine Dumont. Le projet s’est concrétisé il y a un an lors de la présentation au Hangar par Michel Poivert de son dernier ouvrage Contre-culture dans la photographie contemporaine qui rejoignait notre idée de départ d’une exposition sur l’œuvre unique. Une tendance actuelle de la photographie qui fait le grand écart entre un retour à des procédés anciens et des interventions manuelles sur le tirage jusqu’à la percée de l’intelligence artificielle. Une ambivalence et un moment particulièrement riche de la photographie qui s’inscrit dans les missions que nous défendons au Hangar. Des expérimentations qui repoussent les limites mêmes du medium jusqu’à se demander où est le tirage. Certains visiteurs s’interrogent là-dessus pouvant se croire dans une exposition d’art conceptuel. MdF Comment s’est opéré la sélection des artistes ? DD. Nous connaissions la plupart des artistes présentés beaucoup étant installés à Bruxelles. Nous pouvons ainsi suivre leur travail. Nous avons près de 300 œuvres réunies et il était important de trouver un fil directeur et de séquencer le parcours. Au-delà de la prouesse ou la dextérité manuelle nous cherchions un propos et un questionnement, tels que l’écologie, la mémoire, l’identité. Beaucoup d’artistes altèrent le tirage pour interroger sa trace, son essence, sa finalité. © Sylvie Bonnot, Corps de brume (2024) Certains travaux étaient déjà existants et d’autres ont souhaité créer une œuvre spécifique pour l’occasion comme Sylvie Bonnot qui est intervenue sur place réalisant pour la première fois une mue de 9m2 à partir de la gélatine qu’elle décolle et repositionne sur différentes surfaces. Dana Cojbuc qui prolonge la photographie en noir et blanc par le dessin a également conçu une installation in situ. Après l’Ukraine ou nous avions travaillé à distance à partir de fichiers numériques, ce contact avec les artistes était une expérience formidable. Nous retrouvions cet esprit de communauté, cette famille qui nous anime au Hangar ! MdF. Qu’est-ce qui se dégage de ce panorama ? DD. Je précise qu’en termes de processus de sélection nous sommes plusieurs à prendre les décisions et proposons chacun des artistes qui doivent emporter un consensus général. © Morvarid K, « Temps 3.8 », This Too Shall Pass (2022) Différentes thématiques sont apparues assez vite comme la sauvegarde des forêts (Douglas Mandry, Morvarid K) et les problématiques liées à la disparition des écosystèmes (Nicolas Andry, Pepe Atocha). Également le travail sur la mémoire et les souvenirs (maison de sa grand-mère par Vincent Zanni, convocation d’œuvres découvertes dans les musées par Luc Praet), la place de la femme (Audrey Guttman) ou l’identité féminine (Marina Font, Anys Reimann). Il se dégage un ensemble d’œuvres très contemplatives. MdF. Est-ce un portait générationnel ? DD. On pourrait croire qu’il s’agit d’une jeune génération même si nous avons aussi des artistes quarantenaires et cinquantenaires. Nous retrouvons aussi des artistes suivis depuis leur sortie de la Cambre comme Alice Pallot. MdF. Quels partis pris pour le catalogue ? DD. Sa forme rappelle un carnet de croquis assez brut avec 2 partis pris ; d’une part une photographie de chaque artiste dans son lieu de création et d’autre part la réponse à la question suivante : « Pourquoi avez-vous choisi d’outrepasser le tirage photographique ? ». Leurs réponses forment une sorte de manifeste en soi. Ce qui ressort des témoignages est un besoin de se mettre sur pause, comme cela avait été le cas lors de nos expositions du confinement ; un besoin de solitude, d’isolement et de temps. Le temps qui s’étire comme dans le travail de Lior Gal qui entoure d’un fil les œuvres au fil de longues randonnées pédestres. Cette invitation à décélérer implique également le visiteur. © Laure Winants, Time Capsule (2023-2024) MdF. L’on constate un retour en force des techniques archaïques DD. Nous avions pensé à un moment lister toutes ces techniques même si c’était le projet artistique qui nous intéressait avant tout. Le cyanotypie est la technique qui ressort le plus actuellement. Il ressort aussi la photographie sans l’appareil. La problématique est comment laisser une trace éphémère ou non. L’autre point commun est le geste. Citons le projet d’Antoine De Winter, médecin de jour et artiste de nuit pourrait-on résumer, qui utilise l’intelligence artificielle pour interroger l’ego dans la sphère numérique en recourant au cyanotype. MdF. Quel bilan de l’exposition sur l’Ukraine Generation of Resilience ? DD. L’exposition a été très bien reçue et a suscité beaucoup d’émotion comme lorsque nous avons accueilli Alexander Chekmenev, un photographe de Kiev, le seul artiste homme autorisé à se déplacer, étant grand reporter. J’ai été frappée par sa réaction quand il m’a confié à quel point le calme de sa chambre d’hôtel bruxelloise contrastait avec les bombes et les nuits sans sommeil. Je tenais à montrer les artistes historiques de cette scène comme Boris Mikhaïlov et nous y avons consacré tout le rez-de-chaussée dont des images vintages montrées à la Pinault Collection. Une découverte pour le public belge. Le public était moins nombreux que d’habitude mais très connaisseur de l’histoire de la photographie. Nous ne voulions pas nous cantonner à du photojournalisme. Ce qui était bouleversant était cette jeune génération qui se retrouve piégée comme lors du confinement. La curatrice Kateryna Radchenko est à l’origine du festival Odessa Photo Days. Comme elle proposait une publication dans ce cadre, nous avons décidé de soutenir ce projet plutôt que d’envisager un catalogue. Nous l’avons rencontré une première fois à Vienne puis à Arles. Nous avons dû ensuite travailler dans l’urgence. MdF. En ce qui concerne les prochains projets : pouvez-vous nous en dire plus sur Hangar Gallery et son positionnement ? DD. En janvier 2025 nous allons proposer une exposition sur l’intelligence artificielle avec une sélection sur appel à projets. En septembre nous exposerons Stéphan Vanfleteren et lançons Hangar Gallery. Mains, 2019 © Stephan Vanfleteren Cela fait longtemps que des artistes me demandent de les représenter. A présent que je dispose d’une équipe suffisante on peut l’envisager. Nous allons représenter 9 artistes avant tout belges. Des artistes qui bousculent les codes, à l’image de ce que nous revendiquons ici. Nous avons déjà amorcé des collaborations ponctuelles autour des expositions. Nous allons poursuivre notre travail de centre d’art tout en ouvrant ce nouvel espace dédié qui sera clairement identifié. Plus que jamais, la visite du Hangar sera une expérience à vivre, dont la vente d’œuvres, le bookshop et.. le café ! Liste des artistes Nicolas Andry; Pepe Atocha; Sylvie Bonnot; Aliki Christoforou; Dana Cojbuc ; Antoine De Winter; Gundi Falk; Marina Font; Lior Gal; Audrey Guttman; Romane Iskaria; Morvarid K; Kíra Krász; Douglas Mandry; Alice Pallot; Raphaëlle Peria; Luc Praet; Anys Reimann; Stephan Vanfleteren; Laure Winants; Vincent Zanni. Catalogue UNIQUE édition trilingue 45 € INFORMATIONS PRATIQUES hangar photo art center gallery18, Place du Châtelain 1050 Brussels ven19avr(avr 19)12 h 00 minsam08jui(jui 8)18 h 00 minUniqueBeyond photographyhangar photo art center gallery, 18, Place du Châtelain 1050 Brussels Détail de l'événementDans l’exposition UNIQUE, nous explorons 21 projets d’artistes, dont la moitié ont moins de 40 ans et sont basés en Belgique. Ce qui les unit : le geste créatif. Ce Détail de l'événement Dans l’exposition UNIQUE, nous explorons 21 projets d’artistes, dont la moitié ont moins de 40 ans et sont basés en Belgique. Ce qui les unit : le geste créatif. Ce n’est plus seulement le point de vue photographique, mais le travail manuel qui est célébré ici. L’instauration de ce lien physique avec l’œuvre se traduit par la création de pièces uniques qui défient les normes de la photographie argentique et s’opposent à la reproductibilité de la photographie numérique. Une nouvelle temporalité les caractérise également. Leur processus de création est lent, comme s’ils ressentaient le besoin de ralentir et d’adopter un rythme différent, en contraste avec la rapidité du déclic de l’obturateur. Ils empruntent un chemin qui demande une longue préparation, favorisant la réflexion et l’introspection, invitant également les regardeurs à se mettre en pause. Pourquoi cette quête ? Pourquoi dépasser le simple acte de prendre une photographie ? Nous avons posé cette question à chacun d’entre eux. L’expérimentation et le désir de revenir à l’alchimie du processus photographique arrivent en tête. Avec la facilité d’utilisation de la photographie numérique et des smartphones, les artistes ressentent le besoin de revenir aux fondements du processus, au travail en laboratoire ou en pleine lumière, où naissent de nouvelles expériences. Ils explorent et remettent en question les conventions du développement des films, du support, et même de la photographie sans appareil photo. Deuxièmement, dans UNIQUE, il est question de signification et de prise de conscience. La plupart des artistes relient leur pratique gestuelle à des approches conceptuels, abordant des sujets tels que l’écologie, le rôle de la femme, la dégradation de la nature, les bouleversements technologiques, et bien d’autres, alimentant ainsi les grands débats mondiaux. Ensuite, les artistes interrogent le concept de mémoire. L’essence même de la photographie est remise en question. Un simple tirage photographique ne suffit-il plus à préserver la mémoire ? Certains artistes tentent de saisir cette métamorphose en intervenant sur le tirage, ajoutant des marques du temps, presque comme des rides sur un visage vieilli. «Mettre la main à la pâte», sculpter, jouer avec la matière : dépasser le simple tirage photographique permet également d’explorer d’autres formes artistiques telles que le dessin, la peinture, le collage, l’installation ou encore le tissage. Certains évoquent un t ransfert d’énergie, une ritualisation et une sacralisation de leur processus créatif. Après la «Contre-culture dans la photographie contemporaine»*, ne pourrions-nous pas, définitivement, considérer le tirage photographique comme une véritable œuvre d’art ? UNIQUE nous invite à méditer sur cette question. Delphine Dumont, directrice du Hangar Photo : From the series Retardant Panels © Douglas Mandry DatesAvril 19 (Vendredi) 23 h 00 min - Juin 8 (Samedi) 5 h 00 min(GMT-11:00) Lieuhangar photo art center gallery18, Place du Châtelain 1050 Brussels Get Directions CalendrierGoogleCal A LIRE Interview Delphine Dumont, Mirror of self, Hangar et PhotoBrussels Festival #7 Delphine Dumont, PhotoBrussels Festival 06 : à Hangar des pratiques plus éco-responsables Entretien avec Delphine Dumont : Martin Parr, Unseen Amsterdam et Photo Brussels Festival 2022 Delphine Dumont, Hangar, Bruxelles trajectoires de vie et de collectionneurs : « Regarde mon histoire » & « Lost & Found » Rencontre avec Delphine Dumont, directrice du Hangar et de PhotoBrussels Festival Organiser votre venue : https://www.visit.brussels https://www.eurostar.com Favori0
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