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Jusqu’à aujourd’hui midi, les artistes pouvaient répondre à un appel à candidatures dans le cadre du dispositif 1 % artistique. Les conditions, sur le papier, semblaient exemplaires : une enveloppe de 38 000 €, des frais pris en charge, et — fait suffisamment rare pour être souligné — des indemnités prévues pour les artistes non retenus. Une initiative presque modèle… jusqu’à ce que l’on découvre le lieu concerné : le CFLIIC, un projet de centre de formation à la lutte contre l’immigration irrégulière et clandestine, situé à Amiens.

Les réactions n’ont pas tardé à se faire entendre.
Je reçois un premier message, puis un autre. Des messages s’accumulent. Je pense d’abord à un énième appel abusif, aux conditions précaires comme on en voit trop souvent (de plus en plus oserais-je le dire!). Les conditions semblent correctes, je suis même surprise de voir que des indemnités seront versés aux candidat·es participants qui ne seraient pas retenu·es. Ce qui soulève d’ailleurs une vraie question sur la reconnaissance du travail préparatoire fourni par les artistes lors de telles procédures qui n’est absolument pas valorisé !
Puis je comprends le problème. Le projet en question est de confier à un·e artiste, la création d’une œuvre pour un centre de formation à la lutte contre l’immigration irrégulière et clandestine à Amiens ! Difficile de justifier de faire appel au dispositif du 1% artistique pour un projet anti-immigration.

Le projet a immédiatement suscité une levée de boucliers. La députée de la Somme, Zahia Hamdane, a interpellé la ministre de la Culture, Rachida Dati, pour demander l’abandon du projet, comme le rapporte Le Courrier Picard. Des associations, syndicats et élus locaux de gauche ont également exprimé leur refus de voir ainsi associés culture et politique migratoire répressive.

Depuis sa création en 1951, le dispositif du 1 % artistique a permis la réalisation de plus de 12 400 projets, mobilisant plus de 4 000 artistes sur tout le territoire. Il s’applique à de nombreuses constructions publiques : préfectures, établissements scolaires, universités, centres culturels. À ce jour, on recense des appels en cours pour la préfecture du Nord, des collèges en Gironde, ou encore pour l’École européenne supérieure de l’image à Poitiers.

Conçu pour soutenir la création contemporaine et favoriser l’accès à l’art, ce dispositif repose sur une commande publique à forte portée symbolique. Difficile, dès lors, d’en défendre l’usage dans un contexte aussi controversé que celui de la lutte contre l’immigration irrégulière.

La question est désormais entre les mains du ministère de la Culture. Répondra-t-il à la demande de la députée Hamdane ? Affaire à suivre. On vous tient au courant, promis.

https://www.cnap.fr/annonces/appel-candidatures-pour-la-realisation-dune-oeuvre-dans-le-cadre-du-1-artistique-du-cfliic

Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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