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Carte blanche à Didier Brousse : L’inattendu

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Comment se noue une rencontre, l’envie d’exposer un artiste ? Pas de règle, aucune stratégie. Si, dans les premiers temps de la galerie, une relation évidente s’est nouée avec Lucien Hervé, Paolo Roversi, c’est que je tirais réalisais leurs tirages depuis des années (j’avais ouvert l’Atelier Demi-Teinte, laboratoire, en 1983, et la galerie dix années plus tard). La suite s’est enchaînée, chaque fois une histoire différente.

Un jour, Léo Divendal est venu à la galerie, assez certain, dans sa gentillesse extrême, aucune arrogance, que ce lieu était très bien pour ses photographies et qu’il allait y exposer. Une autre fois, c’est dans un bureau du festival de Houston (FotoFest) que j’ai vu une photo de Jungjin Lee et suis tombé immédiatement amoureux de son travail sur cette unique rencontre. Le déclencheur peut être un livre qui vous accroche l’œil. Comme ce coup de cœur, parmi les centaines d’ouvrages vissés sur les tables du prix du livre d’Arles, pour « Sound of Summer Running » de Raymond Meeks, qui m’a poussé à écrire aussitôt à son éditeur, Nazraeli Press. Patrick Taberna était un voisin qui me montrait de temps en temps ses nouvelles images et m’annonçait la naissance de ses enfants…

L’une des rencontres qui fut à la fois des plus évidentes (« Magnifique! Je lui propose une exposition tout de suite ») et des plus longues à aboutir fut avec un finlandais (au nom pas si difficile, contrairement aux apparences) : Pentti Sammallahti. Exposition en 1996 à l’institut finlandais dans le cadre du Mois de la photo. Un jeune ami journaliste me donne son téléphone et je l’appelle. Il promet de passer me voir à son prochain passage à Paris, à la fin de l’exposition. Sympathie immédiate. À cette époque, je continuais mon travail de tireur dans le sous-sol de la galerie (le beurre dans les épinards) et Pentti est un maître du laboratoire. Nous avons parlé boutique. Après une ou deux heures de visite de la galerie, de ses tiroirs, de son sous-sol, préambules qui avaient visiblement mis à jour nos affinités, nos intérêts communs, je lui pose la question qui me brûle les lèvres : quand est-ce qu’on peut programmer une exposition Sammallahti ?… Je le vois contrarié de ne pas pouvoir m’offrir la réponse positive que j’attends… « Tu sais, je n’aime pas beaucoup l’idée d’exposer en galerie. Un lieu culturel, oui, avec plaisir. Mais vendre en galerie… »

À ce stade, une précision : Pentti n’est pas né dans une famille de riches industriels, il n’a pas de fortune personnelle qui le dispense de travailler. Simplement il fait les choses à sa façon, selon sa morale tranquille et ses besoins modestes. Et puis, en désaccord de fond avec la pratique du tirage limité et numéroté, il pensait que ce serait une condition imposée par la galerie pour répondre au marché. Je lui ai bien entendu dit que je suivrai son idée sur la question, mais il a demandé une période de réflexion. Elle a duré environ 4 ans. L’exposition Sammallahti fut notre premier vrai succès. Une vingtaine de tirages vendus, c’était tout à fait inédit ! Pentti fut finalement content aussi de ce succès commercial (succès modeste : ses tirages ne coûtaient pas cher. Mais se vendaient régulièrement), qui lui permit de bâtir une cave, voisine de son labo, pour conserver ses chères bouteilles de vin.

Cette fin octobre, nous aurons à nouveau l’immense plaisir de montrer le travail de Sammallahti à la galerie. La Maison Robert Doisneau l’expose à la même période et les Éditions Xavier Barral sortent une monographie sur le thème des oiseaux. L’histoire continue… et ces rencontres, ces amitiés tissées avec les artistes sont la récompense et l’intérêt ultime de notre métier.

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