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Charlotte Perriand, vibrante et lumineuse par la Fondation Louis Vuitton

Temps de lecture estimé : 5mins

Ses créations font partie de nos intérieurs et pourtant son talent immense reste encore trop souvent mal connu. La Fondation Louis Vuitton comble cette lacune.

« Architecte, urbaniste, designer, photographe, directrice artistique, propagandiste de l’art pour tous .. je ne me définis pas, ce serait une limitation. »

Cette citation de Charlotte Perriand reprise par sa fille Pernette Perriand-Barsac co-commissaire (avec Jacques Barsac et Sébastien Cherruet) de l’impressionnante rétrospective orchestrée par la Fondation Louis Vuitton traduit bien l’état d’esprit de cette pionnière trop souvent occultée par son mentor Le Corbusier.
Si elle évolue dans un monde d’hommes, Charlotte Perriand doit se battre pour conquérir son indépendance et signer ses propres œuvres. Surtout connue pour la « Chaise longue basculante », la « Bibliothèque nuage » ou les « modules combinables », on découvre bien d’autres facettes de ses créations à travers de véritables reconstitutions d’intérieurs (beaucoup de pièces ayant disparu), qui nous font traverser la vie de cette femme libre aux côtés de ses amis, artistes et compagnons de route. C’est là l’une des réussites de l’entreprise d’avoir su réunir en dialogue des grands noms de l’art moderne, tels Fernand Léger, Picasso, Le Corbusier avec un « fauteuil grand confort » comme dans la première salle du parcours (Salon d’automne 1929, appartement idéal), des amis qu’elle reçoit chez elle dans son « Bar sous le toit » qu’elle a imaginé selon une vision collective et modulaire de l’espace restreint.

Formée à l’Union Centrale des Arts décoratifs, Charlotte Perriand a une approche de l’architecture avant tout fonctionnelle en rapport avec son propre corps et la perception de l’espace. Sa salle à manger place Saint Sulpice à ses débuts tout en acier rappelle que l’époque est frénétique et mécanique. Elle arbore d’ailleurs fièrement un fascinant collier en forme de roulement à billes. Mais cette industrialisation triomphante ne l’empêche pas de convoquer régulièrement la puissance de la nature. Charlotte est une savoyarde et bourguignonne qui apprécie les balades à la campagne et pratique régulièrement les randonnées en montagne.
Elle ramasse des galets dans la forêt de Fontainebleau et s’inspire de souches de bois pour des tables en bois massif.
« La maison du jeune homme » (1935) engage un dialogue entre les dessins de Fernand Léger, une collection d’objets de toutes provenances, ses photographies d’art brut et une chaise dont le dossier est en paille. Le corps et l’esprit.

En 1940 Charlotte Perriand part au Japon, seule en tant que conseillère en art industriel du gouvernement japonais. Elle est fascinée par les savoirs-faire et l’artisanat nippons et intègre le bambou dans sa chaise longue métallique. Ce dialogue des cultures l’a conduit à concevoir l’exposition « Proposition d’une synthèse des arts » en 1955 à Tokyo, véritable manifeste où elle dépasse les catégories habituelles entre œuvres d’art et objets à vivre.

Au moment de la Reconstruction, Charlotte Perriand poursuit cette synthèse des arts avec les chambres d’étudiants pour la cité universitaire de la Maison du Mexique et Maison de la Tunisie dont la polychromie des bibliothèques la conduit à une collaboration inédite avec Sonia Delaunay. Le magazine Elle imagine un « 1 er ministère des femmes » et la consacre le temps d’une photographie, Ministre de la Reconstruction. Elle entend participer à cet élan à travers des espaces décloisonnés et l’intégration totale de la cuisine dans la salle à manger (Unité d’habitation de Marseille) pour que les femmes ne soient pas toujours reléguées en second plan.

Féministe et engagée (souvenons-nous de sa fresque en images « la grande misère de paris » de 1936), Charlotte Perriand souhaite transformer le quotidien par l’art et faire une synthèse entre technologies d’avant-garde et savoir-faires séculaires, ces « formes utiles » qu’elle rejoue au Brésil pour une résidence à Rio fidèlement reconstituée.

Le dernier volet du parcours s’attache à ses réalisations pour les institutions muséales et collectionneurs suscitant les sens et le dialogue avec les œuvres ; l’équipement du musée d’art moderne de Paris, l’appartement de Maurice Jardot et la conception de la galerie Louise Leiris, comme elle l’avais fait pour la galerie Steph Simon jouant sur la transparence des lampes d’Isamu Noguchi.

Puis c’est l’appel de la montagne avec tout d’abord le « Refuge tonneau » et la station de ski les Arcs (1967-1989) qui cristallise ses recherches d’harmonie avec les éléments offrant à chaque appartement une vue sur les spectaculaires cimes enneigées et des toits terrasses végétalisées extrêmement avant-gardistes. Un art de vivre où même les plus modestes studios jouissent du soleil et de tous les détails fonctionnels qu’elle a envisagés.

« Le métier d’architecture c’est travailler pour l’homme afin de « bâtir un monde nouveau » déclare t-elle. La reconstitution de la Maison de Thé pour l’Unesco (1993) réalisée en dialogue avec des artistes japonais nous invite à la méditation, tandis que sa « Maison au bord de l’eau » jamais créée de son vivant, d’une pensée toute minimale se fond avec la surface miroitante de la pièce d’eau de la Fondation Louis Vuitton.

INFOS PRATIQUES :
Le monde nouveau de Charlotte Perriand
Jusqu’au 24 février 2020
Fondation Louis Vuitton
8 Avenue du Mahatma Gandhi
75116 Paris
https://www.fondationlouisvuitton.fr/fr.html
Catalogue 400 pages, 49 € publié par la Fondation Louis Vuitton et Gallimard

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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