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Le ministère de la Culture sollicite les sociétés d’auteur-es pour abonder les fonds d’urgence : Utiliser l’argent des auteur·es, pour aider… les auteur·es

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Le rapport Racine publié ce début d’année a permis de démontrer la précarité du secteur culturel. Une situation inquiétante et aggravée par cette crise sanitaire du covid-19. Les plans d’urgence annoncés par le gouvernement sont complexes et ne répondent pas aux difficultés des photographes dans la grande majorité. Fait incroyable, le ministère de la Culture demande aux sociétés d’auteur-es de participer à ces fonds de solidarité. Cela signifie donc que l’argent collecté pour les droits d’auteurs vont pallier à l’absence d’aides significatives de l’Etat.

La Saif, partage sa lettre ouverte au chef de l’État, au Premier ministre et au ministre de la Culture :

Peu avant le début du confinement, tandis que montait sourdement la pandémie qui nous endeuille aujourd’hui, des discussions s’engageaient pour structurer nos secteurs et nos métiers précarisés. Tout le monde s’accordait à demander qu’enfin des mesures soient prises, mêmes si de profondes divergences sur les solutions à apporter divisaient. […]
La crise sanitaire et le confinement sont maintenant là, avec l’arrêt de la plupart des activités et des ressources. En ce moment, les salarié-es de la SAIF télé-travaillent pour la prochaine répartition aux sociétaires. Néanmoins, cela ne compensera pas les pertes qui les affectent.

Les différentes mesures annoncées par le gouvernement demeurent insuffisantes ou inadaptées. Le plan d’urgence transversal mis en place par l’État en direction des professions non salariées, excluait initialement la majorité des auteur-es par son calcul comparatif de chiffres d’affaires mensuels d’un an à l’autre. Les syndicats et les organisations professionnelles, soutenus par les sociétés d’auteurs, ont démontré son incohérence avec les réalités de notre économie et l’irrégularité de nos revenus. Le dispositif permet maintenant d’intégrer une moyenne annuelle, élargissant le nombre de bénéficiaires. Mais celles et ceux dont les chiffres d’affaires étaient déjà dérisoires n’en retireront que des miettes… Nos professions vivaient déjà dans une extrême précarité ! Cette réalité doit être traitée.

Il est honteux que la solidarité nationale ne le prenne pas encore en compte par une aide minimale décente, tandis que près de nous, en Allemagne, les professionnel·les ont déjà reçu, forfaitairement, et de façon égale pour tous, une aide conséquente de la banque fédérale…

Le dispositif complémentaire du ministre de la Culture n’est pas de meilleure facture. Une indemnisation pour les frais occasionnés, l’annulation ou le report d’un salon, d’une commande, d’une opportunité que la crise aurait occasionnée… Nous sommes quasi toutes et tous à l’arrêt, là maintenant ! Le morcellement en quatre compartiments sectorisés Musique, Audiovisuel, Livre, Arts visuels créant quatre Fonds différenciés cumule les aberrations. Les modalités, critères et montants d’attribution, les apports de l’État, des sociétés d’auteurs, délaissent le plus grand nombre, les plus fragiles, les auteur-es des arts visuels.

Le ministère de la Culture sollicite les sociétés d’auteur-es pour abonder ces Fonds. Rappelons qu’il s’agit d’argent des droits d’auteur « collectifs ». De l’argent des auteur-e-s.

Pour la SAIF, il s’agirait essentiellement du Fonds attribué au Centre National des Arts Plastiques (CNAP) et de celui du Centre National du Livre (CNL). Or, ces deux Fonds sont les plus faiblement dotés par l’État ! Concernant celui du CNAP, on confinerait au ridicule, si ce n’était encore une honte: l’apport annoncé par l’État, 500 000 euros, serait moindre que celui des sociétés d’auteur-es du secteur, tandis que le nombre de personnes en attente d’une aide est le plus important de tous les secteurs culturels.

Bien évidemment la SAIF ne se soustraira pas à la solidarité et abondera significativement ces fonds. C’est notre raison d’existence.

Nous tenons à faire savoir et à dire publiquement à l’État qu’il est encore temps, urgent et nécessaire d’ajuster, pour concrétiser en actes simples, des annonces qui désespèrent celles et ceux qui se rendent compte qu’elles ne les concernent pas.

Comprenez bien que nous ne demandons ici pas seulement une aide, mais le commencement de la restitution d’une part du travail gratuit subi par notre secteur depuis trop longtemps.

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Ericka Weidmann
Après des études d'Arts Appliqués et de photographie, elle rejoint un magazine en ligne consacré à la photo en tant que directeur artistique, poste qu'elle occupera pendant 10 ans. En 2010, elle s'installe comme DA en indépendant. En parallèle, elle devient responsable éditorial pour Le Journal de la Photographie et c'est en septembre 2013 qu'elle co-fonde le quotidien L’Oeil de la Photographie pour lequel elle est rédactrice en chef jusqu'en septembre 2016 avant de fonder 9 Lives magazine ! Ericka Weidmann est également journaliste pigiste pour d'autres médias.

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