Interview Art ContemporainOtherSide

Colette Tornier, les 5 ans de la résidence Saint-Ange fêtés à Paris !

Temps de lecture estimé : 7mins

A l’occasion de la rétrospective de la résidence Saint-Ange fondée en 2011 par la collectionneuse et mécène Colette Tornier dans l’emblématique bâtiment d’Odile Decq à Grenoble, elle revient sur cette formidable aventure qu’elle a élargi à différents lieux dont l’École Supérieure d’Arts et de design. L’exposition des 9 résidents conçue en collaboration avec Philippe Piguet au 24 Beaubourg a donné lieu à une carte blanche donnée à chacun des artistes en gage de soutien. Colette Tornier insiste sur la pérennité de son engagement en cette période incertaine que nous traversons.

Quel bilan personnel faites-vous de ces 5 ans ?

Lorsque j’ai décidé en 2011 de créer le programme de La Résidence Saint-Ange et passé commande à Odile Decq pour imaginer un bâtiment emblématique, mon objectif était de donner une nouvelle dimension à mon engagement en faveur de l’art tout en l’ancrant dans le tissu territorial déjà riche de la ville de Grenoble. Je voulais faire de ce lieu un espace de vie, de création et de production. Depuis que je collectionne, j’ai toujours apprécié de rencontrer les artistes dans leurs ateliers et d’échanger avec eux sur leur travail, leurs inspirations. C’est donc assez naturellement que l’idée des résidences s’est imposée à moi, avec le souhait d’être plus proche d’eux, de leur apporter un soutien concret et pérenne pour travailler et produire une exposition dans les meilleures conditions. En cinq ans, j’ai eu la chance d’accueillir des artistes aux personnalités très différentes, avec des univers et des pratiques très diverses, ce qui a été particulièrement enrichissant. J’ai eu l’occasion d’accompagner la production de 7 expositions dans des lieux différents à Grenoble et notamment depuis quelques années en partenariat avec l’École Supérieure d’Arts et de design de Grenoble.  J’ai également beaucoup apprécié les échanges avec les membres du Comité de sélection qui sont des critiques d’art, des responsables de centre d’art, des artistes ou des collectionneurs. Quand nous nous réunissons chaque année pendant un week-end au mois de mai, les échanges sont toujours très riches et passionnés ! Chacun propose et défend deux ou trois artistes. Les débats sont vifs, motivés. Cela permet à chacun de découvrir de nouveaux artistes, d’ouvrir son univers. Pour moi c’est un moment qui compte beaucoup.

L’exposition anniversaire au 24Beaubourg : parti pris, collaboration avec Philippe Piguet, scénographie, le projet commun.

Je revendique un fort ancrage local et j’y suis très attachée. Je suis proche de plusieurs personnalités du monde de la culture à Grenoble et nous avons à cœur de défendre une vision décentralisée de la création. Pour célébrer les 5 ans de la Résidence, il me semblait en revanche indispensable d’offrir une visibilité à Paris à la fois au programme de La Résidence Saint-Ange et aux artistes qui y avaient travaillé. J’ai souhaité une exposition didactique, pédagogique, qui explique au public ce qu’est un fonds de dotation, une résidence d’artistes, qui montre comment un acteur privé peut concevoir, réaliser et pérenniser un programme original et sérieux de soutien à la création. Pour l’exposition, j’ai choisi un lieu au cœur du Paris de la création, à deux pas de l’emblématique Centre Pompidou, mais aussi parce que la propriétaire est Grenobloise comme moi, ce qui compte ! Je me suis entourée de Philippe Piguet, fidèle de la Résidence, pour m’aider à sélectionner 4 ou 5 œuvres pour chacun des 9 artistes et apporter de la cohérence à une exposition collective incluant des univers très différents. J’ai fait appel à un duo de jeunes curateurs, Pierre-Alexandre Mateos et Charles Teyssou, qui ont notamment travaillé à la Biennale de Venise et pour la fondation Luma à Arles, afin d’imaginer une scénographie contemporaine, fluide et accessible. Quant à Odile Decq, elle aussi fidèle à la résidence, elle a accompagné le projet de ses conseils bienveillants et précieux. J’ai aussi souhaité marquer cette étape anniversaire par un projet commun, avec l’édition d’une œuvre en série limitée pour chacun des artistes. Chacun des 9 résidents a ainsi eu carte blanche pour choisir l’une de ses œuvres qui sera éditée soit sous la forme d’une lithographie (réalisée en collaboration avec l’atelier Michael Woolworth spécialisé dans l’impression d’éditions originales avec des artistes contemporains), soit sous la forme d’une sculpture ou d’un multiple. Les pièces pourront être acquises pendant la durée de l’exposition, soit à l’unité soit en portfolio. Odile Decq a également fait réaliser tout spécialement pour l’occasion des maquettes de l’emblématique bâtiment de La Résidence Saint-Ange qui pourront être acquises par les visiteurs qui souhaitent garder un souvenir.

Le partenariat avec l’École Supérieure d’Arts et de design de Grenoble 

Il est déterminant de soutenir les centres d’art régionaux qui se battent pour mener à bien leur mission et de montrer le dynamisme et le professionnalisme qui existent hors de Paris. Je suis par exemple proche du Centre d’art bastille (Cab), situé au cœur de l’ancien fort militaire de Grenoble, auquel on accède par l’un des plus anciens téléphériques urbains au monde et qui propose une programmation d’expositions personnelles et collectives de grande qualité. Lorsque j’ai conçu le programme de La Résidence Saint Ange, j’ai souhaité qu’il consiste en un soutien à la création et à la visibilité des artistes mais aussi qu’il intègre une exposition en fin de résidence dans un lieu partenaire à Grenoble. C’est aussi un moyen de soutenir ces lieux en tant que mécène. Les premières expositions ont eu lieu dans le Centre d’art VOG à Fontaine pour Maud Maris en 2015, la Galerie de l’ESAD de Grenoble pour Lionel Sabatté et Estéfania Penafiel Loaiza en 2016, l’espace Vallès à Saint-Martin-d’Hères pour Mathilde Denize en 2017. Puis à partir de 2018, j’ai noué un partenariat plus pérenne avec l’École Supérieure d’Art et de Design de Grenoble, ce qui est tout à fait pertinent. Les artistes y bénéficient d’un bel espace pour installer leur exposition, et ont l’occasion d’échanger avec les étudiants, les enseignants, ce qui apporte une dimension complémentaire.

Quelles envies vous animent pour le futur ?

Je compte évidemment poursuivre La Résidence Saint-Ange, toujours avec la même passion, la même détermination et le même plaisir. Je souhaite qu’elle s’insère de plus en plus dans le paysage du mécénat en France et en Europe, comme une étape qui compte dans la carrière des artistes, un tremplin pour leur travail. Rien ne peut me faire plus plaisir que de voir deux anciennes résidentes, Estefanía Peñafiel Loaiza et Mathilde Denize, choisies pour intégrer la Villa Médicis à Rome, où elles viennent de partir pour un an de résidence. Les artistes qui ont séjourné à la Résidence se connaissent, s’apprécient, suivent leurs parcours respectifs, et cela me touche particulièrement. Je continuerai aussi de collectionner, toujours avec la même liberté dans mes choix et mes coups de cœur, sans céder aux modes ou aux conseils des uns et des autres. J’aime qu’on me fasse découvrir de nouveaux artistes, je garde les yeux ouverts sur les jeunes et les plus confirmés, mais je ne veux pas qu’on me dise quoi acheter. Je vis avec mes œuvres, à Grenoble et à Paris, je les aime au quotidien, je change régulièrement mes accrochages et je veux continuer à profiter de cette liberté.

Comment en tant que collectionneuse et mécène avez-vous traversé cette période de confinement ?

J’ai eu la chance de passer le confinement à Grenoble, chez moi, au milieu de la nature et de mes œuvres, et je suis consciente que c’était une grande chance. Je ne fais pas partie de ceux et celles qui cèdent à la panique face à cette crise sanitaire, je continue à vivre pleinement, en faisant attention, mais sans me restreindre dans mes rencontres, mes déplacements ou mes projets. Les artistes ont particulièrement besoin que nous les soutenions dans cette période de crise économique et de précarisation. Pour ma part, je compte poursuivre mes acquisitions, mes visites dans les ateliers, dans les galeries, et bien-sûr je continuerai à accueillir les artistes à Saint-Ange. En ce moment, nous avons le plaisir d’avoir avec nous l’italienne Fédérica di Carlo, installée jusqu’à la fin de l’année dans la résidence. Le monde doit continuer à tourner, les artistes à créer et les collectionneurs à collectionner !

INFOS PRATIQUES :
Les 5 ans de la Résidence Saint-Ange
Exposition collective des 9 résidents depuis 2015
Du 15 au 24 octobre 2020
24Beaubourg
24 Rue Beaubourg
75003 Paris

En savoir plus sur les actualités de la Résidence Saint-Ange :
http://residencesaintange.com/

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

You may also like

En voir plus dans Interview Art Contemporain