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Rencontre avec Corentin Fohlen à l’occasion de la sortie de son livre « Mon oncle est un génie »

Temps de lecture estimé : 7mins

Mon oncle est un génie, de Corentin Fohlen est ce livre épais, où, sur la couverture un sexagénaire hirsute hurle de façon libératrice et “sympathique”, c’est un anti-cri à la Munch, ici peu de l’angoisse du monde moderne, mais un cri puissant, libre, fédérateur, insurrectionnel, rock ou punk, physique. Cette adresse au lecteur en couverture est de fait programmatique, ouvertement blasphématoire… anti-stress assuré, joie païenne incarnée, cri du loup ou plutôt de la Louve.

« Cette série est une ode à la Liberté, de celle qui vous enflamme et vous consume, celle qui fait face au futile, à la mesquinerie. La vraie liberté, celle qui élève le blasphème au rang d’étendard, celle qui rend hommage au déserteur inconnu, véritable héros de la guerre.
« Mon Oncle est un génie,
Mon Oncle est une force de la nature, un magma de vie de boue et de sueur, viscéralement ancré dans la chair terrestre,
Mon Oncle est une civilisation à lui tout seul. Mais il est beaucoup plus évolué que la plupart des humains….
Mon oncle n’est qu’amour » – Corentin Fohlen

Le cri

Il faut écrire ce que ce cri a d’admirable en pleine période Covid, de refus des discours paranoïaques hygiéniste, de distillation des peurs les plus nauséeuses, de prétextes aux confinements et restrictions générales des libertés. En ces temps meurtris où subsistent toutes les incertitudes, où le pouvoir se fait policier, où les Trump et Bolsonaro, et autres consorts sont autant de loups pour l’homme, il faut entendre ce que ce cri a profondément à nous dire sur nous… , ce qu’il a de propédeutique aussi, un retour salutaire à toutes nos santés, morales, psychologiques, politiques, corporelles, médicales, d’autant que l’oncle, force de la Nature est un homme qui a conquis ses terres intérieures et qu’il est d’une douceur remarquable, d’une gentillesse d’homme sage (sachant).

Talisman

Mon Oncle est un Talisman à cette période grise, il redonne le goût de vivre en toute liberté et par amour. Quoi de plus beau et de plus Sauvage!

Mon Oncle est la pierre angulaire du socle familial, Mon oncle est un fusionnel, mon Oncle est un chasseur-cueilleur, Mon Oncle est un élan vital, Mon oncle est une force tranquille, Mon oncle est un bourgeois révolutionnaire, Mon oncle est un gilet jaune en noir et blanc, Mon oncle est un athée pratiquant, Mon Oncle est un enfant mature, Mon oncle est une mère poule pour la sienne, Mon Oncle est un jardin secret…” peut-on lire en réserve des photographies, autant de qualités à porter au Génie bienveillant et hirsute.

Existences frileuses ployées par le vent automnal, imitez mon oncle, résistez, insurgez vous, revenez à vous même…Prenez le gouvernail et filez sous le vent, Prenez possession de vous même, pleinement, tel est le message de ce livre.

Voilà un homme, un vrai, si féminin qu’il porte des robes qu’il confectionne pour lui même et qu’il porte dans la rue, avec des chaussures de marcheur, en artisan de lui même; il grimpe aux arbres, c’est dire qu’il n’a rien oublié ni de son âme d’enfant, ni de son anima (Yung), Mon Oncle s’est emparé de sa vie en la créant, il y a déjà, bien longtemps; il sert les puissances qui sont actives en son fort intérieur, créé ses propres rituels, se déconditionne de ce corps si socialisé par un retour à un primitivisme choisi, pratique les éléments dans leurs fureurs, pour accorder son corps à cette nature environnante, hiver comme été, bains de boue, bains de mer glacé, quand le feu de la glace est aussi un feu qui brûle et qui mord.

Mon Oncle, sujet et objet du livre de photographies de Corentin Fohlen, est une personnalité fort à propos. Je l’ai rencontrée lors de la signature du livre à la Little Big Galerie. Mon Oncle, rejoint par Corentin s’exprime sans ambage dans cette interview improvisée …Propos de nos deux auteurs.

Mémoire photographiques

Mon Oncle s’exprime déjà sur la création simple de ce monde qui lui appartient et que nous voyons défilé au cours des nombreuses pages, avec joie et complicité.

Corentin a su, au travers de ces moments dont la photographie noir et blanc est ici un relais nu et tendre, témoigner, parler de ses propres correspondances avec les situations qu’installe son Oncle à tout moment. Une fascination puis sans doute une transmission a eu lieu entre l’oncle et le neveu. Ces images sont le puissant relais d’un vécu qui déborde par générosité et amour, ce qui génère cette incroyable appétit de vivre libre, en équilibre et en partage. On aimerait être là, à leurs côtés, dans les nuits traversées par le vent, aux sources de l’expérience première de soi, nu devant les éléments, comme une expérience fondatrice et régénératrice, à la découverte des limites, retour du corps sur le psychologique et enchantements…assurés.

Il en est ainsi des nouveaux Happy Fiew et des témoins issus d’une Contre-Culture alternative qui savent encore faire retour sur cet état de civilisation, dans un retour au corps multiple…

On pensera à toute l’expérience de Keith Haring, mêlant dessin, improvisation, musique, poésie, graffiti, dans une relation fusionnelle au monde, récit permanent où la fraîcheur de la production s’apparente toujours à une redécouverte et à une exploration du monde et de ses réalités, expérience, happening, dessins, musique…

Viralité programmée

Ce qui risque d’être intéressant avec ce livre c’est possiblement sa viralité. Celle ci est à la base de la photographie de Corentin qui a photographié son oncle à travers le temps dans un évènement qui fait source et image et qui résonne d’yeux en yeux pour inscrire cette liberté aux fondements même du corps et de l’être. Le livre est d’une belle facture pour en faire un objet qui gravite et passe de mains en mains, au moins pour tous ceux qui ressentent cet “appel de la forêt”; ce cri venu des profondeurs qui fait Partage… et corps, corps individuel et corps social

Ce livre est habité, certes, voire certaines photographies semblent héritée d’un rituel chamanisme à la Ubu, dans une désarticulation du corps social et une régénération de cet imaginaire axé sur la création de soi. Ce qui fait un bien extrême et régénère notre appétence à vivre « dans l’intensité essentielle de notre corps » qui, socialisé, envahi de peurs, médicalisante, en temps de pandémie est devenu un objet quotidien de surveillances et surtout un objet-lieu distancié de cette intimité qui est déjà l’intuition et la sensation d’être Dans son propre corps, de le vivre en direct…

Mon oncle (est un génie), livre publié chez Photopaper, risque bien d’être un succès de librairie, en raison de la percussion de son sujet.

À l’adolescence je me suis rapproché de lui. On a commencé à partager l’amour de la musique et de l’humour glacial. Et puis il est devenu l’adolescent qu’il n’a pu être dans une famille catholique étriquée et conservatrice. J’ai vu alors mon oncle d’une cinquantaine d’année rajeunir, passer de pro-Sarkozyste à fan de Mélenchon, un cro-magnon se revendiquer féministe, s’abonner à Causette, découvrir les soirées parisiennes underground et tester son premier acide. Lui le patron-entrepreneur embrasser la cause des Gilets Jaunes. Un homme solide devenir sensible…” Corentin Fohlen

INFORMATIONS PRATIQUES
Mon oncle (est un génie)
Chez Photopaper.
Un oncle
Un écrivain Julien Blanc-Gras
Un éditeur Photopaper
Un imprimeur Imprimerie Escourbiac
Un auteur Corentin Fohlen…
234 pages 40 euros 60 ans d’une vie riche en complexité racontée sur 10 ans Mon Oncle
https://www.instagram.com/corentinfohlen/?hl=fr
https://www.photopaper.fr/

EXPOSITION JUSQU’AU 12 OCTOBRE !

jeu01oct14 h 30 minlun12(oct 12)19 h 30 minMON ONCLE (...est un génie)Corentin FohlenLittle Big Galerie, 45 rue Lepic 75018 Paris

Pascal Therme
Les articles autour de la photographie ont trouvé une place dans le magazine 9 LIVES, dans une lecture de ce qui émane des oeuvres exposées, des dialogues issus des livres, des expositions ou d’événements. Comme une main tendue, ces articles sont déjà des rencontres, polies, du coin des yeux, mantiques sincères. Le moi est ici en relation commandée avec le Réel, pour en saisir, le flux, l’intention secrète et les possibilités de regards, de dessillements, afin d’y voir plus net, de noter, de mesurer en soi la structure du sens et de son affleurement dans et par la forme…..

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