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Rencontre avec Rodolphe Janssen, Bruxelles

Rodolphe Janssen courtesy David Plas
Temps de lecture estimé : 7mins

Depuis 30 ans Rodolphe Janssen est à la tête d’une galerie devenue incontournable dans le paysage belge et international. Il appartient à une lignée familiale d’amateurs d’art passionnés, son frère Sébastien ayant fondé la galerie Sorry We Are Closed et leur père collectionneur et également marchand en son temps, ce qui explique sans doute cet ADN singulier. Je le rencontre à l’occasion de la prochaine Art Brussels Week, foire dont Rodolphe Janssen est membre du comité de sélection depuis plusieurs années. Dans le bilan qu’il dresse de la crise, l’arrêt des foires et des voyages, rouages essentiels selon lui à la réussite d’une galerie, sont les éléments les plus pénalisants comme il le souligne, même si son activité économique n’a pas été trop largement impactée.

Son magnifique projet avec Jacqueline de Jong témoigne des efforts entrepris vis-à-vis des institutions, ce qu’il entend poursuivre et renforcer dans les années à venir. Ayant fait le pari d’ouvrir un nouvel espace à Knokke pendant le confinement, il revient également sur cette décision qui s’est révélée être très positive.

Quel bilan faîtes-vous de la période ?

Nous avons dû fermer deux mois pendant la première période du Covid puis un mois en novembre avec des aménagements sur rendez-vous. Ce qui a vraiment fait la différence pour les galeries est la suspension du rythme des foires et des voyages et cette absence de relations internationales. A cela s’ajoute pour moi l’impossibilité de rencontrer régulièrement la moitié de mes artistes qui sont américains. Malgré tout, l’équipe est restée présente et nous avons réussi à travailler et à maintenir les expositions avec quelques modifications dans le programme. Les collectionneurs belges et étrangers sont restés attentifs et ont continué à acheter. Ils sont revenus très nombreux en septembre à l’occasion du Brussels Gallery Week-end et également à l’occasion de Brafa in the Galleries. Les activités culturelles étant à l’arrêt, visiter les galeries et collectionner avait d’autant plus d’attrait.

Lisa Vlaemminck vue de l’exposition Galerie Rodolphe Janssen Photo Eline Willaert

Pourquoi ouvrir un nouvel espace à Knokke pendant le confinement ?

Nous avons pris cette décision en réaction au Covid pour afficher notre confiance au secteur et soutien aux artistes. Depuis New York début mars, nous nous sommes rendu compte que la situation allait être compliquée pendant quelque temps et qu’il nous faudrait renforcer notre ancrage local, à l’occasion notamment de la saison estivale à venir. Cette expérience a été très positive et continue de l’être, au niveau des ventes et des contacts avec de nouveaux collectionneurs qui se déplaçaient alors peu à Bruxelles. Nous restons principalement ouverts pendant les vacances ou lors de longs week-ends à la belle saison mais pas en période hivernale. Prochainement nous serons ouverts en continu entre juin et septembre.

La galerie Rodolphe Janssen à Knokke courtesy Julie Sanden

Quelle programmation y proposez-vous ?

C’est un espace relativement petit de l’ordre de 100m². Nous y réalisons des accrochages en groupe et des expositions comme l’été dernier de Léon Wuidar, Thomas Lerooy, les dessins de Hergé et Wim Delvoye, ou plus récemment Dan McCarthy. C’est un lieu où nous sommes plus libres en terme de programmation et d’engagement et que je gère comme un stand de foire où je peux faire évoluer les accrochages au fur et à mesure, contrairement à la galerie où les expositions durent un ou deux mois.

Roger Edgar Gillet Saleté rose, 1954 Galerie Rodolphe Janssen

L’expérience du digital a-t-elle été probante pendant cette période ?

Soit on le fait très bien comme David Zwirner et je pense qu’il est le seul à en être capable accompagné d’une équipe d’une quarantaine de personnes, soit cela reste au stade de l’information. C’est peut-être une question de génération mais selon moi, l’achat se fera toujours face à une œuvre d’art. Il faut pouvoir s’y confronter. Si le OnLine a fait ses preuves depuis un an, j’espère que cela ne va s’imposer définitivement, même si une nouvelle génération de collectionneurs y est sans doute plus ouverte, étant donné qu’ils n’ont plus accès aux galeries internationales. Il y a 30 ans, les gens achetaient principalement sur le marché local alors qu’à présent l’horizon s’est énormément élargi et tout le monde achète partout. Il faut donc être en mesure de fournir les informations nécessaires. Mais vendre uniquement de la sorte serait dommage à mon sens.

Qu’avez-vous proposé pour la Art Brussels Week ?

Nous avons deux expositions à Bruxelles, d’une part nous allons terminer l’exposition en cours de l’artiste flamande vivant à Bruxelles Lisa Vlaemminck, étant donné qu’elle a eu beaucoup de succès et qu’il nous semble bien qu’elle puisse rencontrer davantage son public, la foire d’Art Brussels étant toujours un moment important pour les artistes.

Dans notre second espace, nous allons exposer un peintre français Roger Edgar Gillet, né dans les années 1930 et mort en 2004, peintre favori de mon père qu’il avait acheté à l’âge de 20 ans et défendu dans sa galerie. Mon père a fait un don au Centre Pompidou d’un grand tableau en 2019, pendant que nous commencions à travailler sur le projet d’exposition Gillet à Bruxelles, qui lui tenait à cœur et qu’il n’a pu mener à terme avant son décès. Roger Edgar Gillet avait été montré en son temps par la galerie Ariel et la Galerie de France.

Je travaille avec la famille Gillet et Nathalie Obadia et l’on représente à présent la succession. Cette première exposition de tableaux des années 1950 durera jusqu’à la fin juillet.

Le projet de Jacqueline de Jong

L’exposition est magnifique et va avoir un véritable impact international par son itinérance avec en parallèle une exposition à New York. Mon regret est d’avoir ouvert l’exposition de Jacqueline de Jong à la galerie fin mars 2020, pendant le confinement, pour l’arrêter en juin alors que peu de monde avait eu la chance de la voir, à l’excepté de certains comme Dirk Snauwaert. Alors que je présentais Jacqueline à la FIAC en 2019, il était venu me voir pour m’exposer son projet d’organiser une exposition à Bruxelles. Je suis très heureux pour elle à titre personnel car elle se bat depuis les années 1960 pour exister en tant qu’artiste femme et l’on oublie comme cela a été compliqué pour elles à cette période. Elle garde une ténacité et une volonté que je trouve très intéressante et stimulante.

Vos projections et envies dans les années à venir

Je voudrais d’abord que les choses reprennent leurs cours normal avec le retour des foires.

De plus je souhaite poursuivre et intensifier l’accompagnement de nos artistes dans des projets institutionnels qu’ils soient jeunes ou plus confirmés. Que ce soit Jacqueline de Jong, Sean Landers, Emily Mae Smith ou Genesis Belanger et leurs expositions au Consortium de Dijon ou prochainement Betty Tompkins au MoCo à Montpellier. Nous avons aussi des projets cet été avec La Triennale de Courtrai, La Triennale de Bruges et à Knokke une exposition de sculptures dans l’espace public par Joost Declercq ancien directeur du MDD à Deurle (Gand). Ce travail de longue haleine porte ses fruits et plusieurs de nos artistes sont entrés dans les institutions ce qui est très un signal fort.

INFOS PRATIQUES :
Stéphane Janssen – Roger-Edgar Gillet, une amitié de 40 ans
Du 3 juin au 10 Juillet 2021
Livourne 32,
1000 Bruxelles, Belgique
https://www.rodolphejanssen.com/

Organiser votre venue :
visit.brussels

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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