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« La couleur s’arrête en surface. Le noir et blanc pénètre la peau : pour moi il ne s’agit pas de beau ou pas beau mais de vrai ou pas vrai ».  PL

Catherine Deneuve, Isabelle Huppert, Jeanne Moreau, Charlotte Rampling… mais aussi celles que l’on nomme désormais les « super models » : Naomi, Linda, Tatjana, Cindy et Christy, toujours en noir et blanc, sans maquillage sur une plage avec une simple chemise posant pour le Vogue anglais en 1990. Une couverture désormais iconique signée Peter Lindbergh, photographe et d’abord artiste. C’est tout l’enjeu de cette fascinante exposition proposée par Gilles Mora et le Pavillon Populaire en étroite collaboration avec La Fondation Peter Lindbergh en la personne de Simon Brodbeck, fils du photographe et directeur, sous le commissariat de Tara Londi.

Helena Kirstensen, Stephanie Seymour, Karen Mulder, Naomie Campbell, Claudia Schiffer & Cindy Crawford, Brooklyn, 1991 © Peter Lindbergh

Comment montrer les influences artistiques, littéraires et cinématographiques de ce pionnier de la photographie qui s’inscrit dans une histoire emblématique du medium aux côtés de Dorothea Lange ou de la New York School of Photography et découvrir les obsessions esthétiques à l’origine de son succès. 

Passionné d’art conceptuel, Peter Brodbeck de son nom d’origine, après avoir été décorateur étalagiste dans un grand magasin, s’inscrit à l’Académie des arts de Berlin et c’est par hasard qu’il se lance dans la photographie comme assistant du photographe Hans Lux en 1971 avant d’ouvrir son propre studio. Ayant grandi dans la région Ruhr en Allemagne après-guerre, ce paysage austère va marquer son imaginaire d’une touche très minimale. Une réduction à l’essentiel qui va bientôt devenir sa marque de fabrique. Après avoir rappelé ses liens et voyages dans le sud de la France à Arles sur les traces de Van Gogh, nous nous retrouvons en salle principale, face à 17 femmes qui nous dévisagent frontalement dans des grands formats. Si le regard est la porte de l’âme, encore faut-il réussir à le capturer.  

Amber Valetta, New York, 1993 © Peter Lindbergh

Linda Evangelista, Paris, 1990 © Peter Lindbergh

Après Giacometti dont Peter Lindbergh est un fervent admirateur, place à la danse et au mouvement au premier étage autour de la chorégraphe et amie Pina Bausch qui a révolutionné l’approche du corps. Sans oublier le cinéma toujours avec cette fameuse image de l’ange du désir incarné par Amber Valleta, choisie pour l’affiche de l’exposition, qui surplombe les grattes ciels new-yorkais et fait immédiatement surgir Wim Wenders, également ami du photographe. L’on songe aussi aux dandys d’Orange Mécanique devant ces 3 models : Tatjana Patitz, Marie-Sophie Wilson et Lynne Koester sur la plage du Touquet en 1987 dans une allure très néo-romantique et flamboyante, prêtes à se livrer à un duel. Femme fatale avec cette vue rapprochée de ces bas résilles et talons aiguilles perchés sur de simples chaises de bistrot qui font penser à Marlène Dietrich dans son smoking Yves Saint Laurent, autre symbole absolu d’émancipation. Mais aussi à Almodovar et sa petite musique du désir. Clin d’œil à la science-fiction également avec Helena Christensen en compagnie d’ET en Californie en 1990. Sans oublier la girl next door, toute simple : Kate Moss en salopette en 1994, dont il lance la carrière et la métamorphose au fil des années, la fidélité étant l’une des constantes du photographe pour ses modèles. L’âge n’est pas un obstacle et l’image de la femme est tout sauf figée. Lui qui s’est toujours érigé contre « la terreur de la jeunesse et de la perfection » était encore une fois très avant-gardiste si l’on songe aux différents mouvements inclusifs qui se saisissent de l’industrie de la mode actuellement.  

Helena Christensen et ET, Californie 1990 © Peter Lindbergh

Kate Moss, New York, 1994 © Peter Lindbergh

L’exposition se prolonge avec un certain nombre de projections au cinéma Nestor-Burma autour de réalisateurs expressionnistes allemands dont Peter Lindberg se réclame : Wim Wenders déjà cité mais aussi Friedrich Murnau (Nosferatu le vampire), Fritz Lang (M le Maudit) ou Robert Wiene (Le Cabinet du docteur Caligari). Le travail du réalisateur Jean-Michel Vecchiet (Peter Lindberg, Women stories, Peter Lindberg, Carnet de route) est également mis en avant lors de plusieurs soirées spéciales. 

Après Lynne Cohen, VALIE EXPORT, Edward Burtynsky, Andreas Muller-Pohle et Raymond Depardon le Pavillon Populaire a su par sa programmation exigeante et ouverte à tous, accroitre son audience internationale et son rayonnement local. Un fer de lance au service de la candidature de Montpellier, capitale européenne de la culture en 2028. Pour l’heure, à ne pas manquer sur la route de vos vacances !

Catalogue Peter Lindbergh On Fashion Photography, Taschen 40th
Edition bilingue, 512 pages, 20 €. 

INFORMATIONS PRATIQUES

jeu23jui(jui 23)10 h 00 mindim25sep(sep 25)18 h 00 minDEVENIR . PETER LINDBERGHPavillon Populaire // Espace d'art photographique de la Ville de Montpellier, Esplanade Charles de Gaulle, 34000 Montpellier

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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