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La 25ème édition de Paris Photo rassemble 183 exposants (galeries et éditeurs) venus de 31 pays, autour de 24 solo shows et 14 duo shows, du 10 au 13 novembre au Grand Palais Éphémère. Interview exclusif avec sa directrice Florence Bourgeois qui nous dévoile l’ambitieuse programmation, dont le secteur Curiosa orchestré cette année par la curatrice Holly Roussell. Le programme « Elles x Paris Photo » (Kering/Women in Motion) en faveur de la visibilité des femmes photographes est signé de l’écrivaine et éditrice Federica Chiocchetti. Si l’on peut tabler sur un retour quasi à la normal pour le secteur ce dont elle se félicite, Florence Bourgeois nous apporte un éclairage inédit sur la fin de la période FIAC. Enfin, elle revient sur les femmes créatrices qui l’inspirent et les rencontres décisives de son parcours.
Avec quel état d’esprit envisagez-vous la 25ème édition de Paris Photo ?

Enthousiaste et sereine pour la 25ème édition de Paris Photo ! La foire a une position de leader dans son domaine qui se conforte au fil des années et fait partie des rendez-vous incontournables de l’automne sur le médium. Nous sommes très heureux d’accueillir cette  année une invitée d’honneur en la personne de Rossy de Palma qui nous offre sa sensibilité et son regard au travers de 25 photographies choisies parmi les projets des exposants. Nous avons également, en dehors du panorama de la photographie sur près de 2 siècles, le plaisir de partager une programmation de qualité avec des expositions, des conversations, des signatures d’artistes dans le secteur des éditeurs…

Portrait de Florence Bourgeois © Florent Drillon

Quelles tendances se dégagent de cette édition ?

En dehors de la photographie historique et de la représentation des scènes nationales (école d’Helsinki, photographie japonaise ou avant-garde d’Europe centrale), on peut dégager quelques thématiques autour du corps et de l’identité, une photographie engagée, documentaire et politique, ou traitant des mutations écologiques, ou encore de l’image transformée qui nous séduit par son unicité.

Simone Kappeler, Nussbaumersee, 24.7, 2007, Chemical print on Fujiflex Crystal paper, 120 x 180 cm, Courtesy Simone Kappeler and BILDHALLE  gallery

La visibilité des femmes photographes est au cœur de vos préoccupations, comment cela se traduit-il ?

Lorsque nous avons créé « Elles x Paris Photo » il y a 5 ans en partenariat avec le Ministère de la Culture, la représentativité des artistes femmes était de 20% sur la foire. Elle est aujourd’hui d’un tiers, grâce à l’engagement de tous, des galeries en premier lieu, qui ont bénéficié d’une visibilité particulière sur un parcours dédié, mais aussi d’un.e commissaire qui a transmis un regard et une sensibilité particulière. Kering/Women in Motion soutient ce programme avec vigueur et en cohérence avec ses autres engagements, à Arles comme à Cannes. « Elles x Paris Photo » est largement relayé par un ensemble d’acteurs engagés sur le long terme.

Paul Mpagi Sepuya, Darkroom Mirror (_2100693) – from Orifice Aperture, published by TBW Books, 2017, Book, n/a, Courtesy the artist and
TBW  gallery

Quelle est la répartition entre galeries françaises et internationales ?

Nous avons cette année 134 galeries dans le secteur principal, dont 41 galeries françaises, 24 américaines, 16 allemandes, 8 anglaises, ce qui représente une couverture internationale de 70%. Sur Curiosa, 81% des galeries présentant un solo show sont internationales, et quant aux éditeurs 13 d’entre eux sont français, ce qui laisse 2/3 des stands aux éditeurs internationaux.

Fryd Frydendahl, Egg #5, 2021, Inkjet print on Hahnemühle Photo Rag Pearl 320 g in white painted pine wood frame with 70 % UV Glass, 124 x 100 cm, Courtesy the artist and V1 Gallery

Holly Roussell est la commissaire invitée du secteur Curiosa : en quoi son regard vous inspire-t-il ?

Holly Roussell est commissaire au Centre d’art contemporain UCCA de Beijing. Elle a beaucoup travaillé en Asie et apporte un regard différent autour de la mise en lumière de l’interdisciplinarité des pratiques artistiques basées sur l’image ainsi que les explorations photographiques dans et au-delà des genres traditionnels du médium. Sa section est basée autour de trois axes : les approches expérimentales et conceptuelles de la construction de l’image, les nouveaux (auto)portraits interrogeant l’histoire personnelle et l’intersectionnalité, et les pratiques actuelles de la photographie de paysage.

Albarrán Cabrera, Remembering the Future, 2022, Photography, 22,2 x 31,5,  Courtesy of the artist and 
RM gallery

Federica Chiocchetti préside cette année aux choix de « Elles x Paris Photo », quelle est la genèse de cette invitation ?

Nous avions commencé à travailler avec Federica en 2020 avant que l’édition ne soit annulée pour cause de pandémie. Federica est écrivaine, commissaire d’expositions, éditrice et conférencière spécialisée en photographie et littérature, historique et contemporaine, elle a travaillé avec des musées internationaux, des collections privées, et ses recherches sur les femmes dans la photographie ont été présentées sous de multiples formes. C’est une personnalité internationale qui apporte son regard, complémentaire de nos précédentes commissaires et enrichissant pour la foire, tout en associant les éditeurs à son parcours pour la première fois cette année.

Elina Brotherus, Lighthouse (Day), 2019, Pigment ink print on Museo Silver Rag paper, 90 x 120 cm, Courtesy of the artist and Martin Asbæk Gallery.

Peut-on parler d’un retour à la normale pour le secteur après une période très impactée par la pandémie ? 

Absolument, et cela se traduit notamment par le retour des galeries américaines. La situation reste toutefois encore tendue pour l’Asie, et l’augmentation drastique des coûts de transport est un frein pour certains exposants. Paris bénéficie de surcroît d’une énergie considérable grâce à la présence des institutions muséales, fondations, et des galeries internationales qui continuent à venir s’y implanter. Ce phénomène bénéficie à l’ensemble de l’écosystème, et permet à nos visiteurs venant de l’étranger d’optimiser leur séjour grâce à des propositions complémentaires en ville, relayées via notre programme « A Paris pendant Paris Photo » qui attire toujours plus les passionnés et curieux.

La FIAC ayant cédé le pas à Paris + par Art Basel, comment analysez-vous ce nouveau chapitre ?

Sur le fond, la présentation des deux dossiers Fiac et Paris Photo à la RMN fin décembre dernier était rigoureuse et bâtie sur 47 années d’expérience pour la Fiac, 25 ans pour Paris Photo. Concernant Paris Photo, nous avons bénéficié d’un soutien sans faille de l’ensemble de l’éco-système pour qui la foire est essentielle, et qui témoigne de la proximité de notre relation.

Quelles femmes créatrices vous inspirent ?

D’une façon générale, toutes les femmes engagées et qui ont dû se battre pour des avancées sociétales, pour faire entendre leur voix, en dépit des risques qu’elles prenaient ou d’un environnement précaire. Quel courage que ces combats menés par Simone Veil, Aretha Franklin, Simone de Beauvoir, Gisèle Halimi et tant d’autres.
Dans le domaine des arts visuels, je suis très admirative des artistes dont le travail est engagé, déterminé à faire bouger les lignes, à faire prendre conscience, à donner une voix. Camille Claudel, Dorothea Lange, Niki de St Phalle, Louise Bourgeois, Agnès Varda, Marina Abramovic ont poussé les limites, parfois jusqu’à l’extrême, elles ont montré un courage et une détermination absolue pour leur œuvre.

Quels ont été les accélérateurs de votre parcours ?

La chance de pouvoir reprendre des études « sur le tard » pour mieux m’accomplir dans un environnement qui me passionnait depuis toujours, et alors que j’œuvrais chez LVMH depuis 7 ans. Une fois ma licence en Histoire de l’art à la Sorbonne et mon diplôme de l’Ecole du Louvre en poche, la possibilité de faire un an de stage dans le département contemporain chez Artcurial m’a permis d’être au plus près des œuvres et de nouer de solides amitiés. Enfin, la direction du PAD à Paris et à Londres m’a familiarisé au monde des salons. C’est en prospectant pour créer un salon à Los Angeles que j’ai eu la chance de me rendre à la 1ère édition de Paris Photo Los Angeles, d’y rencontrer les équipes et d’en mesurer le potentiel.

Affiche Paris Photo 2022

INFORMATIONS PRATIQUES

jeu10nov(nov 10)10 h 00 mindim13(nov 13)19 h 00 minParis Photo 2022Grand Palais Ephémère, Champs de Mars - 75008 Paris OrganisateurParis Photo - Reed Expositions

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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