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Paris Gallery Week-end a montré une fois de plus, le dynamisme et le rôle indispensable des galeries dans l’écosystème de l’art, avec 101 enseignes mobilisées autour de 3 jours, 7 parcours géographiques entre Paris et sa périphérie (Romainville) et 250 artistes. L’occasion de mesurer aussi le rayonnement de la capitale où de nombreuses enseignes internationales prestigieuses ont choisi de s’implanter récemment, trustant le triangle d’or de l’Avenue Matignon : White Cube, Mariane Ibrahim et bientôt Hauser & Wirth dans un hôtel particulier rue François 1er) jusqu’à la place Vendôme pour Esther Schipper.

Si certaines galeries parisiennes ont fait le choix de déménager comme Sultana qui a quitté Belleville pour le Marais (rue Beaubourg), d’autres se sont agrandies ou multiplient les espaces comme Nathalie Obadia qui a rejoint le triangle d’or rue du Faubourg Saint Honoré, les Filles du Calvaire qui a jeté son dévolu sur la rue Chapon, de même que la H Gallery et Andréhn-Schiptjenko également plus au large. Derouillon a quitté le Haut Marais pour la rue de Turbigo et Sans Titre pose ses valises rue Michel Le Comte. De même pour Lara Sedbon qui s’installe rue Notre-Dame de Nazareth (relire mon interview de Lara). Afikaris (relire mon interview de Michaela Hadji-Minaglou) a aussi doublé de volume en mettant le cap sur le Haut Marais après la rue Quicampoix. Le moins que l’on puisse dire c’est que ça bouge du côté des galeries !

© Salifou Lindou, Afikaris

Coups de cœur et incontournables du moment :

-Charles Le Hyaric, galerie Papillon

Commençons par celle qui a lancé l’idée du Paris Gallery WE, Marion Papillon, présidente du Comité Professionnel des galeries d’art.
L’exposition est le réceptacle d’un acte simple : partir en direction de la mer — se baigner, puis répéter l’action quotidiennement, ressentir l’apesanteur, ouvrir les yeux sous l’eau. Se perdre dans l’atmosphère des bleus azur, outremer, turquoise ; voir le ciel à l’envers, ramasser des pierres, distinguer des formes organiques, des créatures et partir dans les espaces de la matière mentale. Charles Le Hyaric.  Installé depuis 2017 à Marseille, l’artiste pratique la collecte d’objets abandonnés dans les ateliers des Beaux-arts mais aussi sur les chemins des calanques. Il mêle ces rebus à des recettes personnelles de peinture, d’eau de javel, d’essence de térébenthine, de la rouille, de la poudre d’or. Alchimiste de la matière, il prolonge à présent ses expérimentations par une immersion des fonds marins.

-Marina Gadonneix, galerie Christophe Gaillard

Marina Gadonneix, « Rock and Sand », 2012 © Marina Gadonneix, photo © Centre Pompidou / Ph. Migeat / Dist. Rmn-Gp

En écho à l’exposition Lynne Cohen-Marina Gadonneix au Centre Pompidou, « recording in progress » revient sur ses différents projets autour de cette mise en abyme de lieux emblématiques de notre société, l’envers des processus de reproduction, l’instant d’après de la fabrique de l’image jusqu’à des lieux de mesure scientifique de phénomènes extra naturels.

-Danh Vo & Trúc-Anh, galerie Sator (Marais)

Avant que mes yeux se referment et avant que je vois l’image de Bouddha, 2022
Tissu de coton décoloré
240 x 120 cm Courtesy Trúc-Anh & galerie Sator © Grégory Copitet

Cette exposition dans le prolongement de celle de Trúc-Anh sur le site de Komunuma en janvier 2023 revient sur les 60 ans de l’immolation du bonze Thich Quảng Đức dans le centre de Saigon en protestation contre les actions de répression menées sur les moines bouddhistes suite à la division du pays. Cette scène est immortalisée par le photographe américain Malcom Browne, image qui publiée par Life que dix jours plus tard et lui vaudra le prix Pulitzer en 1964. Trúc-Anh interroge cette image à partir de ce que ses parents lui racontent de la scène. Par un effet de soustraction de la matière, il fait ressurgir le corps et le visage impassible du moine dans son état de sagesse et de « bouddhéité ». L’artiste Danh Vo se penche sur la figure du missionnaire Théophane Vénard, entré clandestinement dans la région du Tonkin en 1854 puis condamné à mort par décapitation. L’artiste demande à son père de recopier à la main la dernière lettre du missionnaire envoyé à son propre père.
A Komunuma, la galerie Sator présente « Ceux qui creusent » d’Eric Manigaud qui revient sur les exactions commises par le roi Léopold II au Congo pendant la période coloniale.

-Grisaille Vertigo, Jocelyn Wolff

Vue de l’exposition Grisaille Vertigo, Jocelyn Wolff

Dans le prolongement de l’exposition d’Eugène Carrière, Vertige Grisaille sous le commissariat de François René Martin réunit des artistes d’époques différentes, d’après la définition « peinture monochrome en camaïeu de gris donnant l’illusion du relief sculpté ». Du retable attribué à l’entourage de Jan van Scorel (1495-1562) aux peintures en trompe-l’œil de Louis-Léopold Boilly, jusqu’à des créations contemporaines de Marc Desgrandchamps ou Francisco Tropa.

-Dorian Cohen, PARIS B

© Dorian Cohen, PARIS B

Autodidacte en peinture après un diplôme d’ingénieur, Dorian Cohen est repéré par Paris B à l’occasion du salon de Montrouge de 2017. Lentement en solitaire à l’atelier il s’attache à traduire le temps qui passe dans des scènes d’intérieur inspirées des grands maîtres. Dans une veine littéraire naturaliste, le quotidien des opprimés ou des invisibles à qui il redonne une vraie place. Traitement des tissus, de la lumière avec une grande dextérité. Mélancolie sourde et solitude contemporaine.

-Laurent Lafolie, Binome

Pigments sur plaques photopolymères gravées et feuilles de washi 26×34 cm
tirage unique dans une édition de 3 (+2EA) – 130 x 170 cm © Laurent Lafolie, Binome

Dans le cadre de Paris Gallery Weekend, l’exposition U∩ du 25 mai au 29 juillet réunit des œuvres inédites et récentes autour du questionnement de l’artiste sur la matérialité de l’image et son régime d’apparition.
Après sa rétrospective au Château d’eau à Toulouse à l’initiative de Christian Caujolle en 2022 accompagnée d’une première monographie aux éditions Lamaindonne, Laurent Lafolie est lauréat 2022 du Prix du tirage de la Collection Florence et Damien Bachelot.

-Seydou Keita, Nathalie Obadia (Cloître Saint-Merri)

Vue de l’exposition Seydou Keita, galerie Nathalie Obadia Paris

Cette exposition rassemble un panel exhaustif du travail de cet artiste autodidacte, dont l’ascension naît au cœur d’un petit studio à Bamako – alors ancienne capitale du Soudan français. L’inventivité des mises en scène, leur modernité, la valorisation des sujets photographiés font de lui une célébrité dans son pays : des milliers de Maliens et de voyageurs d’Afrique de l’Ouest viennent se faire portraiturer par Seydou Keïta entre 1948 et 1962. Le photographe prend sa retraite en 1977 après avoir été nommé photographe officiel du nouveau gouvernement du Mali devenu indépendant en 1960. Ses photographies sont un témoignage unique des changements de la société malienne à la fin de la période coloniale. Autrefois sujets anthropologiques, les clients photographiés par Keïta reprennent possession de leur identité, s’érigeant à leur juste place au cœur de chaque œuvre. Ces tirages sont devenus des sources documentaires d’exception ayant marqué un tournant dans la photographie d’Afrique de l’Ouest.

-Lisa Yuskavag , David Zwirner

Lisa Yuskavage s’est imposée comme l’une des peintres figuratives les plus originales : ses œuvres exaltent la singularité de la peinture en tant que médium et remettent en question les genres et la place traditionnelle du spectateur. Les personnages variés qui peuplent ses tableaux participent d’une atmosphère à la fois introspective et exhibitionniste. Ils s’insèrent dans des compositions dont le sens repose en grande partie sur la couleur, et où se mêlent de nombreux éléments réalistes ou abstraits. Les sujets de Lisa Yuskavage, typiquement américains et aux poses souvent éhontément suggestives, contrastent avec son approche si originale de la couleur et de la lumière, qui se prête aux comparaisons avec certaines traditions picturales.

-Lucile Piketty, H Gallery

© Lucile Piketty, H Gallery

Coup de cœur à Art Paris pour la peintre française, diplômée de l’Ecole Estienne puis de l’Ecole Nationale des Arts Décoratifs en 2015, complétée par une résidence à la Parsons New School for Design de New York, suivie d’une autre à la Casa de Velázquez. Elle est depuis 2020 en résidence  à Poush. Privilégiant le grand format, elle travaille autour de sujets féminins dans des mises en scènes imaginaires où la nature domine. Créant des atmosphères troublantes de nuits lumineuses, ces femmes se livrent à l’introspection seules ou à plusieurs. L’on sent l’influence de Hopper ou d’Alice Neel, Lucian Freud, qu’elle cite volontiers.

– Odonchimeg Davaadorj, Backslash

Une phrase d’Agnès Varda a inspiré cette 3ème exposition de l’artiste :
«  Si on ouvrait les gens, on trouverait des paysages » écrivait la cinéaste.
Davaadorj se reconnait dans cette idée poétique du paysage intérieur, d’une fusion avec la nature. Elle convoque le vivant sous une forme polymorphe et hybride. La céramique tient une place de plus en plus importante. Le savon apparait pour y figer de petites figurines. Son caractère éphémère joue sur la notion de vanité.

Liste non exhaustive, galeries participant ou non au Paris Gallery WE.

Suivre l’actualité des galeries :
pgmap – paris gallery map
Paris Gallery Weekend
Evénement terminé

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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