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Pour sa seconde carte blanche, notre invité Sylvain Besson, directeur des collections du Nicéphore Niépce de Chalon-sur-Saône, nous parle de l’importance de la conservation des fonds photographiques. Si le musée dispose d’une importante collection qui couvre tous les champs de la photographie et qui s’étend sur presque deux siècles – depuis l’invention de la photographie par Niépce jusqu’aux créations contemporaines, il conserve également de nombreux fonds, c’est le cas de deux photographes qui ont été exposés cet été : Kate Barry et Bertrand Meunier !

Un compteur basé sur des algorithmes permet aux visiteurs du musée Nicéphore Niépce de visualiser le nombre de photographies produites depuis le 1er janvier de l’année en cours, distinguant les clichés réalisés avec un Smartphone de ceux réalisés avec un appareil photographique traditionnel. Les chiffres sont lunaires, le vertige s’empare des visiteurs… et définitivement, tout conserver s’avère impossible. Mais s’y essayer apparait aujourd’hui comme primordial alors que les derniers photographes argentiques quittent la scène.

Valise contenant des négatifs de Jean Moral
Réserves du musée Nicéphore Niépce
2023

Valise contenant les négatifs de Gu. P. Kuzmin
Réserves du musée Nicéphore Niépce
2023

Depuis les découvertes de Nicéphore Niépce, que d’évolutions ! Le médium photographique est central, le Smartphone a démultiplié le champs des possibles. On peut même photographier sans être sur place, il suffit d’être connecté à un tiers partageant son écran « en visio » et de capturer son propre écran pour créer une œuvre photographique (n’est-ce pas Alain W. et Olivier C. ?). Alors que chacun peut produire plusieurs milliers de clichés à l’aide de ce qui était il n’y a encore pas si longtemps un simple téléphone, alors que dans de nombreuses familles les négatifs, tirages et albums ont été parfois conservés plus d’un siècle, que les photographes professionnels revisitent régulièrement leurs fonds soutenus par des agences (… ou des institutions), il s’avère essentiel de collecter ces fonds complets plutôt que d’en extraire quelques pièces « significatives ». C’est la quantité autant que la qualité qui fait œuvre photographique désormais, les frontières entre archive et collection des musée étant dès lors de plus en plus poreuses. Même si, malgré toute la bonne volonté du monde, les institutions ne peuvent tout conserver, le musée Nicéphore Niépce a fait le choix éclairé de patrimonialiser des fonds pleins et entiers d’amateurs comme de professionnels (1) au bénéfice de la photographie et de ses visiteurs.

Boites de conservation, Fonds Jean-Pierre Sudre (négatifs souples et verre)
Réserves du musée Nicéphore Niépce
2023

Boites de conservation, Fonds Jean-Pierre Sudre (planches contact)
Réserves du musée Nicéphore Niépce
2023

Boite de conservation. Fonds des négatifs au collodion sur verre.
Réserves du musée Nicéphore Niépce
2023

Les photographies, avant d’être des œuvres d’art, sont des témoignages essentiels de leur temps. Sauvegarder et préserver les fonds de photographes est heureusement devenu un enjeu national et il semble indispensable de souligner le rôle essentiel du Département de la Photographie, sous l’égide du ministère de la Culture, qui coordonne, organise et soutient la conservation des fonds de photographes avant d’en faire la promotion notamment grâce à la collection « Photographie + » (ed. Le Bec en l’air). Car si trop longtemps la photographie fut cantonnée à l’illustration, à la documentation, à l’accessoire, si trop longtemps chacun oubliait que tout le monde est un photographe potentiel, il n’en est plus de même aujourd’hui. La Médiathèque de la Photographie et du Patrimoine, l’Institut pour la Photographie et le musée Nicéphore Niépce, entre autres, prennent en charge des fonds pleins et entiers, la Bibliothèque nationale de France s’associant à leurs démarches de sauvegarde aux côtés de nombreuses autres institutions patrimoniales.

Boites de conservation. Fonds Peter Knapp (Ektachromes, diapositives)
Réserves du musée Nicéphore Niépce
2023

Boites de conservation. Fonds Claude Sauvageot (négatifs souples 24×36 et 6×6)
Réserves du musée Nicéphore Niépce
2023

En juin 2023, le musée inaugurait deux expositions. L’une consacrée à Bertrand Meunier, l’autre à Kate Barry. Les fonds de ces deux photographes sont conservés au musée et c’est la première fois depuis 2009 (et l’acquisition d’un premier fonds de photographe, celui de Peter Knapp) que deux expositions concomitantes étaient consacrées à ces corpus complets. Comme un symbole, comme une forme d’achèvement, preuve du savoir-faire de l’institution, preuve surtout que le musée colle à la réalité dans sa démarche de transmission de la complexité du médium en procédant de la sorte.

The Machine Seems to Need a Ghost, 2023
Chine © Bertrand Meunier / Tendance Floue.

(1) Pour les plus récents depuis 2009, par ordre alphabétique : Marcel Arthaud, Max Barboni, Kate Barry, Jean-François Bauret, Noël Blin, Joël Blondel, Jean-Christian Bourcart, André Chabot, Chevalier, Claire Chevrier, Olivier Culmann, Jacques Dubois, Peter Knapp, Charles Koechlin, Christian Louis, Rozine Mazin, Jean-Marc Meloux, Bertrand Meunier, Jean Moral, André Papillon, Marc Paygnard, Shanta Rao, Denis Roche, Sacha, Claude Sauvageot, Magdi Senadji, Madeleine de Sinety, André Steiner, Jean-Pierre Sudre, Etienne Sved, Jean-Louis Swiners, Anne Testut, Alain Willaume.

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