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Pour sa troisième carte blanche, notre invitée de la semaine, Julia de Bierre, fondatrice et directrice de la très singulière galerie Huit à Arles nous présente les Zoomers, un projet d’exposition de la galerie née d’une simple rencontre. Les Zoomers, c’est une aventure collective qui réunit des jeunes et des personnes âgées issus de trois quartiers situés à la périphérie du centre ville d’Arles. Grâce à la photographie, ils pouvaient prendre la parole et s’approprier l’image de leurs quartiers en plein coeur de la ville d’Arles – l’une des capitales mondiales de la photographie ! Une édition #2 est prévue pour 2024.

On me demande souvent comment, en tant que galeriste, je choisis les photographes que je souhaite exposer. Il y a encore quelques années, ma réponse aurait été des plus classiques – qualité, sens et cohérence de l’oeuvre, parcours de l’artiste, faisabilité commerciale, sans négliger que – ma galerie étant loin de l’esthétique white cube – la question de la cohabitation harmonieuse des oeuvres avec les boiseries et les moulures d’une vieille maison arlésienne se pose !
Et puis de temps en temps, il y a ces projets qui se présentent lors d’une belle rencontre, dans lesquels je me lance les yeux fermés vers l’inconnu, ne sachant pas où cela va m’emmener, consciente seulement que mon rôle de galeriste est aussi celui d’ouvrir les horizons et d’établir des ponts entre des gens et des lieux.
Ce fut le cas avec Les Zoomers #1, une proposition autour de la photographie que Philippe Fenwick de La F Compagnie et Olivia Moura d’Art’Image en Mouvement m’ont présentée l’année dernière, avec l’idée éventuelle d’une exposition dans ma galerie pendant 2 petites semaines, et que finalement, vu le succès et la belle dynamique, nous avons gardée… pendant 3 mois.

Olivia Moura et Jennifer Theodore : Les Zoomers #1

Vue de l’exposition

Les Zoomers, c’est une dizaine de jeunes et de personnes âgées issus de trois quartiers situés à la périphérie du centre ville d’Arles – Barriol, le Trébon et Griffeuille – dont l’ambition était de prendre la parole grâce à la photographie et de s’approprier l’image qu’ils souhaitent donner de leurs quartiers, pour enfin porter cette parole au coeur de la ville d’Arles – l’une des capitales mondiales de la photographie – ou voire même plus loin, en tournée!

Pour commencer, les Zoomers #1 ont travaillé avec Olivia et Philippe à l’écriture et la lecture d’une image pour ensuite faire des prises de vue dans le but de créer une exposition correspondant aux exigences d’une galerie professionnelle. Bénéficiant d’une production haute de gamme et un accrochage personnalisé qui mettait en valeur chaque image sélectionnée par la galeriste- commissaire, ce groupe intergénérationnel a pu ainsi tracer les contours d’un quotidien qui est le leur.

© Les Zoomers

© Les Zoomers

© Les Zoomers

En collaboration parfois avec d’autres partenaires tel que des étudiants de l’Ecole Nationale Supérieure de la Photographie ou soutenus, lors de plusieurs vernissages festifs, par le comédien franco-marocain Aïssa Mallouk qui, privilège inouï, a fait des performances slamées crées sur mesure pour l’exposition, le travail des Zoomers a bénéficié d’un rayonnement exceptionnel.

© Les Zoomers

© Les Zoomers

Les tirages en éditions limitées se sont vendus comme des petits pains, ce qui a permis de payer intégralement un séjour à Paris à tous les Zoomers, invités d’honneur 2022 du salon Photo Doc dans la Halle des Blancs Manteaux. Cet hiver à Arles, nous oeuvrons pour un Zoomers #2 au 2024,  avec d’autres habitants de Barriol, du Trébon et de Griffeuille, en impliquant aussi cette fois quelques résidents du centre historique et en projetant d’inclure des prises de vue dans les environs camarguais.

Nos remerciements aux Zoomers #1 : Madeleine Augendre, Ilhamme Erras, Mirane Fofana Moura, Patricia Gibaud, Karima Lakhouaja, Christian Pastor, Celine Tobelon, Ines Salhi.

                                       SENSATIONS INTENSES

Besoin de sensations intenses, intenses.

Besoin de chaleur, de contact, d’un regard qui s’attarde sur l’essence-ciel,

Juste un peu plus longtemps, planté là, comme ce pavot, planté précisément là,

Comme un fruit.

Qui dit fruit, dit racines.

Besoin de sensations intenses, intenses,

Besoin de lumière, de fraicheur, de bienveillance.

Pour dire, ou oublier, ou se rappeler, ou accepter ou digérer.

Besoin de sensations intenses, intenses, pour s’inventer.

Dire. Silence, yeux.

Sans un mot, dire mieux.

Les âmes qui s’ajustent, silencieuses, des corps cheminés d’histoires qui cherchent l’ouïe.

Celle qui s’attarde, comme pour embrasser et le sol et le mur et la grille.

Embrasser pleinement, de toute sa lumière, le hasard et son Nectar doux Amer.

Le hasard, et la beauté de son geste.

Et si, comme cette graine sur cette image, je venais de Californie, aurais je plus d’attention, plus d’intérêt, plus de regards ?

Les voilà mes détails, mon ciel, mon sol, mon mur, prends les comme elles s’offrent, les images de chez moi, à deux pas de chez toi.

Les voilà, mes racines nouvelles, 

Entre la Californie et le Trébon, entre les feuilles d’un pavot griffé et Bariol, entre la couleur jaune et l’orange et gri/feuille.

Plus le reste, qui se passe de mots, de mots qui contiennent tout autant les marques du temps, les gens qui partent ou qui reviennent, grandis, changés ou les pieds devant.

Un pas après l’autre, un pas vers l’autre, les voilà mes envies, ma nuit, mon encre, mon stylo, mon capuchon, ma grand-voile, mon récit, mon récif, 

En devenir, mes diamants bruts et mes dérives sans buts.

Histoire de partager mes sensations intenses, intenses, mon étincelle, mon incendie.

Mon quartier, c’est ça aussi.

Ecrit par Aïssa Mallouk 17 et 18 février 2022 pour les Zoomers, lors de sa performance slam. 

copyright Aïssa Mallouk

https://www.leszoomers.net/

La Rédaction
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