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Christine Ollier et son équipe ont inauguré la cinquième édition du Champ des Impossibles, ouvrant au public une quinzaine d’expositions dont la thématique centrale est l’enfance, l’adolescence et les épopées familiales. Chaque jour, nous vous proposons le portrait d’un artiste du Parcours Art & Patrimoine en Perche .05 rédigé par Emmanuel Berck. Aujourd’hui, nous poursuivons cette visite avec la photographe documentaire Cloé Harent dont l’œuvre évoque à la fois la mémoire et les modèles agricoles biologiques.

Série Le lien de la terre, Elise © Cloé Harent

Photographe documentaire impliquée dans une démarche immersive, Cloé Harent s’intéresse aux modèles agricoles depuis plusieurs années. Elle s’est donnée pour mission de documenter les pratiques paysannes respectueuses du monde vivant. Grâce au réseau WWOOF (World Wide Opportunities Organic Farm), elle parcourt la France en participant aux tâches de la ferme et en photographie le quotidien.
A l’origine photographe de plateau et portraitiste, elle réalise un premier sujet documentaire sur une ancienne mine d’arsenic dans le sud de la France, dans l’objectif de préserver la mémoire des derniers témoins. Puis elle s’implique dans le monde agricole, explorant le rapport à la nature, le lien au vivant, la biodiversité animale, végétale et humaine, le travail de la terre etc.
Elle s’attache au respect de l’environnement et la préservation des espèces, à travers une narration toute personnelle. Alors que le changement climatique est sur toutes les lèvres, l’artiste décide en 2018 de voyager en France pour visiter des fermes respectant le cahier des charges de l’agriculture biologique, via le système du WWOOFing. Les fermiers-hôtes accueillent des WWOOFers pour mettre en commun leurs connaissances, leur savoir-faire, leur quotidien et leurs activités, en leur offrant le gîte et le couvert contre du travail temporaire. Les WWOOFers partagent ainsi bénévolement la vie de la ferme, tout en engrangeant des connaissances.

WWOOFEUSE Danoise, elle est entrain de réaliser la traite des chèvres à la main. Elle est venue tester une semaine le travail dans une ferme familliale assez poussée dans l’autosuffiance allimentaire en Saône-et-Loire. Elle y restée finalement plusieurs années. À présent, elle est revenue dans son pays natal pour reprendre ses études dans le service à la personne. Série Le lien de la terre, Elise © Cloé Harent

Au Manoir de Courboyer, Parc Naturel Régional du Perche, Nocé

Dans le cadre du Champ des Impossibles .05, Cloé Harent expose sa série Le lien de la terre, au Manoir de Courboyer, maison du Parc Naturel Régional du Perche.
Démarré en argentique, le projet se concrétise en numérique et en couleur. La jeune photographe s’inspire notamment de la nouvelle lignée humaniste de la photographie contemporaine, celle qui décrit avec émotion des mondes fort divers, tels ceux de Denis Dailleux, Anne Rearick et Antoine Bruy. « Je ne suis pas une artiste politique, même si la série Le Lien de la terre suggère et provoque beaucoup d’interrogations. La vie en milieu rural est plutôt rude, aussi je tente d’adoucir mon « discours » avec une certaine esthétique, douceur et sensibilité, en insistant sur les liens qui nous unissent au vivant. Mon approche relève plutôt de l’émotion, et j’aime photographier la beauté. »

L’artiste crée peu à peu une forme de narration personnelle dans ce travail marqué par une lumière contrastée qui renforce la dramaturgie de l’image. « J’aime démarrer ma composition par le choix des couleurs. Le travail de la lumière, en clair-obscur est important. J’apprécie particulièrement les lumières « religieuses », comme celle du Caravage. Mon esthétique implique une certaine distance avec le réel : je cherche plutôt à représenter des émotions. Je photographie l’éveil des sens, les mains dans la terre, l’odeur des étables… Je veux dépasser la problématique politique pour me concentrer sur l’humain. Malgré les discours ambiants, j’ai de l’espoir dans l’humain. Et c’est de cet espoir dont je veux témoigner en présentant des gens dont l’ambition est de proposer de nouveaux modèles agricoles et économiques. »

En 2021, ce travail remporte le Prix ISEM-jeune photographe et donne lieu à des interviews sur ARTE et France Culture. Cloé Harent voit sa série exposée à la Galerie VU’ en 2023, dans le cadre du Mentorat de l’Agence VU’ et du soutien du Fonds Régnier pour la Création.

Les images présentées parlent du temps qui passe, dans une sorte de nostalgie d’une histoire que l’artiste n’a pas connue, mais que de plus en plus de personnes engagées dans la protection de l’environnement partagent. « Avec cette série, je crée une passerelle avec ma propre histoire familiale. Mes grands-parents vivaient dans une ferme autosuffisante et m’ont raconté ce qu’était à l’époque un paradis, aujourd’hui perdu. Dans mon travail, je cherche à retrouver le sens qui existait dans leur vie, le travail de la terre, le respect de l’environnement et du vivant, la solidarité et les échanges, la vie en commun. Beaucoup de jeunes aspirent aujourd’hui à retrouver ce sens, à travers des collectifs qui œuvrent à trouver l’équilibre le plus juste possible pour vivre à nouveau en connexion avec la nature, en s’extrayant de la société de consommation. »

Reproduisant des scènes quotidiennes de la vie dans une ferme, Le lien de la terre propose de plonger dans le questionnement de ces jeunes, qui trouvent chacun la solution qui leur convient pour expérimentent un mode de vie différent, plus engagé écologiquement. C’est cette relation intime avec la nature que Cloé nous propose de visiter.

Plus d’informations :
http://www.lechampdesimpossibles.com/
https://www.cloeharent.com/

INFORMATIONS PRATIQUES

sam27avr(avr 27)10 h 00 mindim02jui(jui 2)18 h 00 minLe Champ des Impossibles .05Parcours Art et Patrimoine en Perche .03Moulin Blanchard, 11 Rue de Courboyer 61340 Perche-en-Nocé

Emmanuel Berck
Après une trentaine d’années dans la communication et la traduction, majoritairement dans le secteur des nouvelles technologies, Emmanuel Berck est devenu rédacteur indépendant en 2019. Il accompagne ainsi des entreprises dans l’élaboration de leurs stratégies éditoriales, à travers la rédaction de tribunes libres, de témoignages clients ou d’articles destinés à la presse. Il développe parallèlement une activité de pigiste pour différents magazines locaux ou nationaux, comme « Pays du Perche », « Pando » et « Profession Photographe ». Ses thèmes de prédilection sont l’environnement et la transition agricole, l’évolution climatique et la préservation de la biodiversité, et les enjeux liés à l’alimentation en circuits courts. Installé dans le Perche depuis 20 ans, il s’appuie sur un réseau d’acteurs locaux très divers qui lui permet d’analyser en profondeur les problématiques qu’il traite dans ses articles. Il aime en outre rédiger des portraits mettant en relief le travail de l’artiste ou l’artisan – le geste et les outils – son savoir-faire, son parcours et ses préoccupations actuelles. Emmanuel a réalisé 11 portraits d’artistes du Champ des impossibles.02, publiés dans l’hebdomadaire « Le Perche » durant l’été 2021. Il a également écrit deux entretiens avec deux artistes du Champ des impossibles, à paraître aux Editions Filigrane.

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