Temps de lecture estimé : 5mins

Pour sa troisième carte blanche, notre invité de la semaine, le fondateur et directeur du festival CARGO – les photographiques de Saint-Nazaire, Dominique Gellé nous parle d’un artiste à l’univers singulier, Gilles Boudot, dont l’exposition a été présentée lors de l’édition 2022 de la manifestation. De la découverte de cet artiste protéiforme à la rencontre avec le public, Dominique nous raconte tout autour de l’exposition étonnante intitulée, “Les Ustensiles”.

Expo Gilles Boudot, Cargo 2022 © AAO

Une découverte

Quête de rarement vu voire d’inédit, il en est de la programmation d’événements culturels comme de nos vies. Recherche bien louable que de vouloir découvrir, faire découvrir et exposer de nouveaux talents, plus critiquable quand se démarquer devient un défi permanent et finalement plutôt dérisoire si l’on analyse les choses en se plaçant du côté du public, dans toutes ses diversités de connaissances culturelles et en art photographique pour ce qui nous concerne.
Pour sa deuxième édition (2022), Cargo avait pour thème l’architecture et nous avons mené beaucoup de recherches sur la toile pour trouver Gilles Boudot. Ni particulièrement ermite ni particulièrement discret, l’artiste photographe chemine surtout à sa façon et principalement sur son territoire (Le Var), moins préoccupé par les tendances du moment et la visibilité de son site internet que par son ouvrage. Passé le cap du site un peu désuet, nous avons été séduits, passé le cap de la rencontre, nous avons été très heureux de faire découvrir ce travail malicieux et jubilatoire au public.

Un artiste

Artiste-plasticien-photographe-explorateur-emprunteur-récupérateur-constructeur-illusionniste, Gilles Boudot est tout cela et directeur artistique de la galerie La Porte Étroite à Toulon. À l’œuvre depuis plusieurs années ses séries photographiques en noir et blanc sont truffées de références à l’histoire de l’art. Ingénues ou inquiétantes ses créations relèvent du cabinet de curiosités : un bric à brac d’objets récupérés et bien choisis, puis assemblés, mis en situation narrative et photographiés avec précision selon des dispositifs que l’auteur s’impose. L’ensemble de ses séries forment une œuvre singulière et cohérente.

Ustensiles – Entonnoir simple © Gilles Boudot, 2018

Ustensiles – Grille pain © Gilles Boudot, 2018

À propos de sa série “Les Ustensiles” exposée à Cargo (extraits d’interview – Niepcebook n°13) :

« Un petit croquis noté au stylo bille dans un cahier posait, il y a plus de 15 ans, la question de l’échelle à travers un empilement de boites de conserves qui pouvait donner l’impression d’un édifice monumental. En 2018 le temps était sans doute venu de développer cette idée à travers un dispositif simple : poser des objets sur une table et expérimenter le passage de la nature morte au paysage par des moyens tout aussi simples : un jeu sur le point de vue, la profondeur de champ et les échelles. La photographie trouble volontiers ces repères. Ajoutons à cela la référence aux travaux des Becher et s’ouvrait une joyeuse perspective de travail. (…) Je suis très attentif au parcours mental que le spectateur ne manquera pas de faire. À savoir : entrer dans une image d’abord tout aussi rassurante que plastiquement séduisante, puis douter de ce qui est réellement sous ses yeux, puis découvrir le subterfuge et, finalement, la secrète jubilation d’avoir été un instant dupé. S’instaure alors une connivence joyeuse entre l’artiste et le spectateur, c’est ma récompense. »

Expo Gilles Boudot – Ustensiles – Filtre à Air, Cargo 2022 © AAO

Une exposition

Avec “Les Ustensiles” le format d’exposition s’est imposé intuitivement : faire cohabiter deux architectures utopiques sur un même espace, en extérieur sur un mobilier double face. D’un côté ⎼ tourné vers la mer ⎼, l’univers poétiquement absurde et coloré des petits mondes miniatures de l’artiste Frank Kunert, de l’autre ⎼ en direction de la ville et du port industriel ⎼, les architectures métalliques improbables quoique réalistes de Gilles Boudot. Un mobilier grand format pour démultiplier l’effet d’échelle de perception et un alignement en série à distance : structures d’un paysage industriel compréhensible de loin, objets facétieux de près.
Au vernissage Gilles Boudot a raté son avion et ne pensait plus arriver à Saint-Nazaire, il a finalement pris sa voiture encouragé par sa compagne. Il était gourmand de recevoir l’accueil d’un public plus au nord, curieux de connaître l’équipe du festival et comment diable on l’avait dénicher, joyeux de nous présenter son travail en cours (une série de corps dénudés sur fond noir, commencée par hasard et par ennui lors du confinement, et présentée sur son smartphone telle une planche entomologique). Nous avons été embarqués par son enthousiasme et sa vitalité créative. Une belle rencontre, un moment joyeux entre passoire et filtre à air !

Gilles Boudot : www.rita-pix.com

INFORMATIONS PRATIQUES

ven28jui(jui 28)10 h 30 mindim29sep(sep 29)18 h 30 minCARGO, les photographiques de Saint-Nazaire #4 OrganisateurLe collectif L’art à l’ouest

La Rédaction
9 Lives magazine vous accompagne au quotidien dans le monde de la photographie et de l'Image.

    You may also like

    En voir plus dans L'Invité·e