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Véronique Souben face au défi de la réactivation de l’Antique

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Dans le cadre de la nouvelle politique d’ouverture à la création contemporaine des musées de la Métropole Rouen Normandie, le musée des Antiquités et le Frac Normandie Rouen s’associent pour la première fois et confrontent leurs collections. Un pari qui rejoint la volonté du Frac d’investir significativement le territoire nouvellement défini à travers ses lieux emblématiques.

Véronique Souben, directrice du Frac qui incarne ce rapprochement, a répondu à nos questions à l’occasion du vernissage d’A l’antique, ce parcours croisé autour des rites funéraires, de l’ornementation, de la mythologie, de l’écriture et de la vie quotidienne. Un peu comme un jeu de piste où le visiteur débusque anachronismes, éléments perturbateurs ou réelles connivences.

9 lives : Pourquoi cette première collaboration entre le Frac Normandie Rouen et la Réunion des musées métropolitains ?

Véronique Souben : Cela rentrait dans notre focus annuel sur une partie de la région, ex-haute normandie avant le futur découpage. On avait déjà investi différents lieux de la métropole rouennaise mais jamais encore le musée des Antiquités qui me taraudait en tant qu’écrin extraordinaire, éclectique et en même temps plein de charme, très chargé et qui s’y prêtait très bien pour notre collection. J’ai donc sollicité la conservatrice en chef pour savoir si elle serait intéressée par une collaboration à travers l’insertion de plusieurs œuvres du Frac tout au long du parcours, comme cela avait été fait précédemment avec le musée Flaubert et d’histoire de la médecine.

M. : Comment avez vous organisé le parcours de l’exposition » A l’antique » avec Caroline Dorion-Peyronnet, directrice du musée des Antiquités ?

V. S. : Il y a eu beaucoup de repérages en amont puis j’ai fait des sélections d’œuvres que je lui ai soumises pour éviter les contresens. L’idée n’était pas de décorer de manière gratuite et aléatoire, sans que les gens comprennent la démarche. Il fallait que cela fasse sens avec les thématiques qui sont nombreuses. On part du bas Moyen Age pour arriver à l’Antiquité et finalement à la Renaissance, en passant par l’Egypte antique, soient de longues périodes balayées avec des thématiques autour du quotidien, de l’ornement, de l’intérieur. J’ai consulté à de nombreuses reprises Caroline pour avoir une bonne connaissance du contexte dans lequel je m’intégrais. L’idée était vraiment de proposer une relecture de la collection du musée à travers les œuvres contemporaines. La collection du Frac de plus s’inscrit dans la période du post modernisme et reflète cette tendance à la relecture, à la reconsidération des périodes de façon assez irrespectueuse et non orthodoxe. Elle interroge différentes strates de l’histoire en allant de l’art préhistorique à Walt Disney et s’y prêtait très bien, notamment avec notre section autour du territoire, du corps qui pouvait tout à fait prendre racine ici et trouver des échos très forts dans le musée des Antiquités.

M. : Pouvez vous nous parler d’un dialogue que vous jugez particulièrement réussi entre 2 œuvres anciennes et contemporaines ?

V. S. : Il y en a plusieurs mais le point d’orgue selon moi est incontestablement Jonathan Monk « Senza Titolo III », œuvre qui nous avait décidé à entreprendre ce hors-les-murs et sur laquelle Caroline et moi nous nous sommes pleinement accordées. Son insertion avec les médaillons des profils romains qui ornaient le château de Gaillon à la Renaissance est une sorte de mise en abyme très réussie, riche et complexe. C’est une œuvre très drôle et en même temps irrévérente car ce buste, un autoportrait à la manière de Jules César, s’est fait casser le nez par les représentants de l’Arte Povera. Elle opère une sorte de boucle un peu vertigineuse sur plusieurs siècles.

M. : En quoi cette nouvelle forme de synergie avec le territoire, de même que votre participation à la Ronde, à partir de la collection participent aux objectifs que vous vous êtes fixés et mettez en œuvre depuis votre arrivée en 2011 ?

V. S. : Le Frac a dès le départ une vocation d’exposer hors les murs, on est donc obligés de penser différemment nos expositions dans des lieux pas forcément habitués à de l’art contemporain. Plusieurs projets transversaux avaient déjà été réalisés avant mon arrivée comme au musée des Beaux Arts.

Il est vrai que de plus, cela rejoint des préoccupations importantes pour moi, que j’avais souvent mises en œuvre avant d’arriver au Frac, au musée d’art et de design Marta Herford en Allemagne à travers notamment l’exposition My private heroes en 2005 qui convoquait plusieurs périodes sur la notion de l’héroïsme du XVIIIè siècle à nos jours. Cette approche transversale et transhistorique m’interpelle particulièrement et nourrit de nombreuses réflexions que je mène sous différentes formes selon les territoires investis. Une relecture de la contemporanéité essentielle qui permet aussi la confrontation à d’autres publics, d’autres regards.M. : La photographie est l’un des médiums de référence du Frac Normandie Rouen, en quoi l’exposition actuelle d’Isabelle le Minh (Sotteville-lès-Rouen) et les enjeux qu’elle soulève témoigne des mutations des images face aux avancées technologiques ?

V. S. : L’exposition est difficile à résumer en quelques phrases car ce projet intitulé « After photography » s’étend sur plusieurs années. Ce vaste corpus démarre au moment des études d’Isabelle à Arles quand l’argentique allait basculer vers le numérique. C’est tout ce challenge et ce basculement de son enseignement reçu, mis à mal par ce revirement. Sa réflexion s’orchestre sur ce point de rupture du medium photographique à la manière dont le plasticien Christian Marclay, sa grande référence, s’est intéressé à la musique, non pas pour le son mais tout ce qui en découle, toute la technicité et la mécanique induites (cf son exposition RE-PLAY à la cité de la musique en 2007). Je souhaite d’ailleurs qu’à l’issue de cette exposition qu’Isabelle Le Minh entre dans nos collections.

A l’Antique, artistes exposés : Adel Abdessemed, Patrice Alexandre, Pauline Bastard, Giulio & Augusto Bernardi, Florence Chevallier, Serge Delaune, Mirtha Dermisache, Mark Dion, Sophie Dubosc, Cevdet Erek, Hans-Peter Feldmann, Morgane Fourey, Gérardiaz, Romain Grenon, Jason Karaïndros, François Lasgi, Patrick Merckaert, Jonathan Monk, Jean-Luc Moulène, Benoit Pierre, Éric Poitevin, Clifford Rainey, Hans Schabus, Olivier Sévère, Alain Sonneville, Jana Sterbak, Batia Suter, Yves Trémorin, Bernard Venot, Jean-Luc Verna, Stella Waitzkin, Éric Watier. 

INFOS PRATIQUES :
A L’antique :
Le Frac expose au musée des Antiquités de Rouen
Jusqu’au 24 septembre 2017
198 rue Beauvoisine
76000 Rouen
Entrée libre
http://museedesantiquites.fr

• Réunion des Musées Métropolitains Rouen Normandie
8 musées à découvrir
http://musees-rouen-normandie.fr/fr

• Prochainement : Saison Picasso

• Les musées métropolitains font la Ronde !

• Poursuivez votre visite au musée industriel La Corderie Vallois qui donne carte blanche à l’artiste Christian Jacard « Comme un rêve blanc ». Une incursion de l’art contemporain autour de la mémoire sauvegardée de la Vallée du Cailly, surnommée la petite vallée de Manchester à la fin du 18è siècle. Christian Jacard revisite la corde à travers le concept supranodal, extension du vivant et ses multiples métamorphoses en blanc.

• Au FRAC :
After Photographie
(évènement clôturé)
Prochainement :
Posters
Posters et affiches d’artistes dans les collections du Frac Normandie Rouen, du Frac Île-de-France et du Cnap.

Frac Normandie Rouen
3, place des Mar­tyrs-de-la-Ré­sis­tance
76300 Sot­te­ville-lès-Rouen
http://www.fracnormandierouen.fr

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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