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Actu Art ContemporainOtherSide Rencontre avec Alain Julien-Laferrière, directeur du CCCOD Tours Marie-Elisabeth De La Fresnaye9 novembre 2017 Alain Julien Laferrière © François Tomasi Partager Partager Temps de lecture estimé : 9minsDoté d’un écrin tout en verre et épure, signé des frères Aires Mateus, le CCC OD de Tours dessine une nouvelle cartographie de l’art contemporain dans la région et bien au delà, dotant la métropole de Tours d’un symbole fort et innovant dans un quartier en pleine reconfiguration. Un homme se cache derrière un tel accomplissement, Alain Julien-Laferrière, le directeur qui a toujours cru et imposé sa vision hors des diktats du marché et de la tendance. Une recette payante autour de fondamentaux qui durent. Il a répondu à nos questions à l’occasion de l’inauguration de sa 2ème grande exposition inaugurale tournée vers l’Allemagne. « A un moment donné les étoiles se sont situées toutes ensemble pour constituer une belle constellation« Un face à face sans compromis ni compromission. 9 lives : Quel bilan dressez-vous depuis l’ouverture du nouveau CCC OD le 10 mars dernier ? en terme de fréquentation (1.061 visiteurs par semaine) et de réception des acteurs locaux. Alain Julien-Laferrière : Nous allons atteindre pour nos 6 mois d’ouverture, plus de 60 000 visiteurs, ce qui correspond bien à nos objectifs. N’oublions pas que cela fait 40 ans que l’on travaille. Il faut être sur un temps long en province, garder obstination et savoir parler au public. Nous avons sorti ce bâtiment au bout de 27 ans. Tout un ensemble de facteurs étaient au rendez-vous. Cela arrive tard par rapport à d’autres équipements et dans une concurrence effrénée, chaque jour offrant une nouvelle fondation ; par contre des institutions nouvelles, de moins en moins. La réception locale et régionale est plutôt très chaleureuse, les habitants de Tours sont fiers d’avoir enfin un équipement culturel digne de ce nom. Comme nous ont dit beaucoup de Tourangeaux avant même l’ouverture nous sommes arrivés avec un regard de sous-préfecture, et sortis avec l’impression d’être dans une métropole. Cela avait été le cas également avec le bâtiment de Jean Nouvel, le centre des congrès en face de la gare : tout d’un coup on change de siècle et l’on se rend compte du retard que l’on avait pris. Quantativement hier le vernissage de « Düsseldorf mon amour » et Klaus Rinke « Instrumentarium » a totalisé 650 personnes. Ces vernissages étant réservés aux membres du Pass, sorte d’abonnement privilégié. Cela s’explique par l’effort conséquent fait en direction des publics pour innover, autour de plusieurs dispositifs en 3 axes, mis au point sur 2 ans. -Premier axe, développer ce sentiment d’appartenance, les gens veulent tous êtres VIP mais à la française, dans un sentiment égalitaire. Nous avons sorti une campagne d’abonnement pour adhérer à un club via lePass. Ce club est réservé à tous, cet oxymore certes contradictoire fonctionne et 3600 pass ont été vendus. Ce qui nous donne à présent 3000 visiteurs qui sont tous nos ambassadeurs. -Deuxième axe, lancer une campagne, comme le ferait un élu : chaque boîte aux lettres compte, chaque main serrée dans les marchés fait la différence. Nous avons donc écrit à tous les maires des communes du département pour leur demander une heure quelque part dans leur programme au conseil municipal, à la fin du théâtre amateur, du match de foot, en début de kermesse… nous en avons visité 22 en nous appuyant sur un dispositif très clair : à l’aide d’un diaporama montrant l’ancien et le nouveau bâtiment, nous avons détaillé le coût d’un tel équipement pour le contribuable, et ses objectifs. Cela se soldait par une adhésion à chaque fois et la vente de nombreux pass. Sachant qu’une ville moyenne comme Tours c’est moins de 20 000 personnes qui fréquentent la culture – ce qui est donc dérisoire -, il fallait vraiment développer cette stratégie de terrain. -Le 3ème axe, le public actif. Nous nous sommes tournés vers les entreprises locales et régionales, et 40 d’entre elles ont répondu présent. Nous sommes donc partis sur l’idée d’une participation du chef d’entreprise en direction de ses salariés, prenant un ticket qui lui permettant d’acheter autant de pass qu’il a de salariés. Il leur offre et chacun n’a plus qu’à le faire valider sur place. Le chef d’entreprise leur fait un cadeau montrant un intérêt pour sa ville, ce qui n’empiète pas sur le comité d’entreprise ou autre, et ils organisent un évènement sur place pour la remise des pass à l’occasion des vœux, d’une réunion… Voilà les 3 axes que l’on a mis en place et qui s’avèrent gagnants. En terme de typologie du public, 55% viennent de Touraine, les parisiens arrivent en 2ème position, en 3ème les autres régions (Sud, Sud Ouest, Grand Ouest) et enfin 10% d’étrangers. Le travail avec le Tourisme a été important également mais nécessite 3 ans de recul. Parmi ces étrangers relativement âgés l’on trouve beaucoup d’américains qui reviennent voir les châteaux de la Loire, sur les traces de leur enfance, étant habitués à fréquenter les musées d’art contemporain du monde entier. 9 lives : Vocation et spécificités d’un tel centre A. J.-L. : Nous faisons partie des lieux dinosaures, des 4 /5 lieux historiques du territoire (CAPC de Lyon, IAC de Villeurbanne, le Consortium de Dijon, Vassivière..) avant que Jack Lang arrive. Nous ne sommes pas un Frac, les centres d’art ont d’ailleurs eu à mener ce combat de longue haleine pour s’imposer à travers des engagements théoriques forts, et très différents. L’on observe néanmoins que les Frac ont un problème de positionnement et de face à face politique entre la région et l’état. Notre ADN a plus à voir avec ce que Harald Szeemann appelait les « mythologies individuelles » . Ce qui nous fascine toujours est ce moment décisif où un être décide de devenir artiste, et où la société occidentale, dans son génie, lui dit banco sans savoir ce qu’il deviendra dans 20 ans ! Les catégories ou chronologies en tout genre ne m’intéressent pas, c’est la singularité qui importe et le temps de l’artiste. Avec « Düsseldorf mon amour » c’est un éclairage subjectif de Klaus Rinke sur cette scène à partir de ses archives, et ayant découvert Düsseldorf à 17 ans je peux facilement accompagner. Aucun centre n’aurait programmé il y a 10 ans à la fois Daniel Buren et Erik Dietman, Panamarenko et Claude Rutault… impossible ! cette part hétéroclite de notre programmation nous ayant souvent été reprochée, alors que nous le revendiquons. C’est ça le pari de l’art ! Egalement nous nous démarquons à travers un goût absolu de partage de ces moments avec les autres. Il y a notamment un bureau des étudiants ici et un centre de recherche en lien avec l’université (accompagnement des Masters). Nous avons d’ailleurs recruté une personne dédiée au catalogue raisonné d’Olivier Debré et à la formation des étudiants. Nous sommes en train de mettre en place un programme de financement de bourse internationale à l’attention d’étudiants qui viennent séjourner en Touraine dans le cadre d’un doctorat sur un sujet qui nous intéresse. Cela se traduit par un étage complet dédié. 9 lives : Mode et budget de fonctionnement A. J.-L. : Nous sommes toujours une association loi 1901. La métropole a financé ce bâtiment dont nous sommes locataires à titre gratuit. Le conseil d’administration s’est étoffé mais n’a pas changé. Notre mode de fonctionnement est très stable avec une équité entre chaque partenaire. Nous avons un financement d’état en central, d’état en région, de la région, du département, de la métropole, de la ville de Tours et du privé. Ce qui donne un équilibre à 1,5 million de fonctionnement, (dont on retire 400 000 euros d’auto financement) ce qui est peu pour 4500 m², il faudrait 27 salariés et nous en avons 15. 9 lives : La programmation et synergies locales, régionales et internationales A. J.-L. : Notre réseau de partenaires est à l’image de notre taille d’avant, c’est à dire de petites structures. A présent il est à redimensionner à la hauteur de nos nouvelles ambitions. On a bâti notre programme sur le temps, avec en plus une donation Debré. Les œuvres de l’exposition « Düsseldorf mon amour » sont très rarement prêtées, comme le Richter qui ne sort jamais. Avec « Innland » nous avions travaillé à partir des plus grands musées et collections de Norvège. Les institutions scandinaves sont disponibles pour de tels partenariats, comme l’Astrup Fearnley museum ou encore l’OCA, à Oslo. Deuxième zone géographique, l’Allemagne avec ce titre « Düsseldorf mon amour » jeté sur un coin de table et qui a fait un tabac, un concentré de Resnais, Duras, la Rive Gauche… cette France littéraire qui continue de fasciner. Entre les deux, on a la Corée et le Japon avec Lee Ufan qui a accepté de faire sa première grande exposition personnelle ici. Coréen, il vit au Japon et les chiffres sont là avec beaucoup de visiteurs coréens. Nous allons revenir en France avec Cécile Bart où l’on change un peu de registre touchant tout le monde : les héritiers de Serge Lemoine, Claude Rutault, les Billarant, avant de basculer sur l’Espagne avec Jordi Colomer et le MacBa de Barcelone. L’été prochain cap sur New York avec le grand retour de Ghada Amer (née au Caire, diplômée Villa Arson, partie à New York) exposée au CCC en 2000. 9 lives : Avez-vous un rêve encore inachevé pour le CCC OD ? A. J.-L. : J’aime l’apparition de l’art, notre ADN n’est pas le passé mais le présent. Ce qui ressemble à un rêve est d’avoir constitué une des meilleures équipes professionnelles pour les années à venir. Moyenne d’âge 30 ans, une expérience dans les meilleurs institutions, un certain état d’esprit : de l’élégance intellectuelle et personnelle. Cela se traduit par les retours toujours positifs sur notre sens de l’accueil. C’est ça le bonheur et le rêve est que ça continue ! Ces collaborateurs ont les clés en mains et ne se laisseront pas faire par l’air du temps. Ici ce n’est pas un grand grand melting pot mais on parle le japonais,le russe, l’espagnol, l’italien, l’arabe, l’allemand. Ils ont tous été recrutés avec une personnalité, à l’image de l’art et ses singularités que nous recherchons. ACTUELLEMENT AU CC OD : • Klaus Rinke L’instrumentarium Du 14 octobre 2017 au 1er avril 2018 Programmation associée Klaus Rinke Düsseldorf mon amour Du 14 octobre 2017 au 1er avril 2018 Une exposition du 40e anniversaire du Centre Pompidou • Lee ufan Pressentiment /!\ Derniers jours : Jusqu’au 12 novembre 2017 PROCHAINEMENT : Edgar Sarin « symphonie désolée d’un consortium antique » A partir du 11 novembre 2017 Cécile Bart « Silen show » à partir du 9 décembre 2017 En accès libre : la librairie, le café contemporain, l’appli CCC OD (Tours est à 55 mns de Paris par TGV !) http://www.cccod.fr/ Favori0
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