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Rencontre Aurélie Faure, commissaire de SCALAR WAVES

Temps de lecture estimé : 7mins

C’est à l’occasion de la 2ème édition de Camera Camera que nous avons rencontré à l’Hôtel Windsor Aurélie Faure, commissaire pour la galerie Eric Mouchet de SCALAR WAVES, l’une des propositions marquantes de la foire.

Commissaire d’exposition indépendante et auteure, Aurélie Faure a participé à la conception de nombreuses expositions en galeries (Perrotin, Suzanne Tarasiève, Eva Hober..) avant de penser le commissariat de « Machinations (s) » à la Galerie Eric Mouchet en 2016, ce qui l’a conduit à un nouvel axe de recherche autour de pièces radiophoniques et sonores, mettant en jeu des problématiques politiques et sociétales. Nous l’avions rencontré précédemment avec Gaël Charbau avec qui elle lance le programme « Inventeurs d’aventures » autour de la scène émergente de la région PACA.
Ensemble ils signent la Nuit Blanche 2018.

Aurélie Faure est également co-fondatrice de « Born And Die » aux cotés de Léo Marin (curateur et directeur de la galerie Eric Mouchet) et Ivan Dapic (graphic designer), qui produit des éditions, des multiples et des expositions liées à la jeune création.
Aurélie Faure, aka Katarina Stella, a répondu à mes questions dans le jardin du Windsor investi de l’œuvre hypnotique de Sislej Xhafa (Continua galerie).

Marie de la Fresnaye : Comment avez vous accueilli la proposition d’Eric Mouchet pour Camera Camera ? et monté ce commissariat réunissant Pierre Gaignard, Gwendoline Perrigueux, Capucine Vever, Vincent Voillat, et Louis-Cyprien Rials ?

Aurélie Faure : Je ne connaissais pas OVNi mais j’avais entendu parlé du salon Camera Camera l’année dernière via Haily Grenet.
En parallèle, je travaille depuis plusieurs années avec Léo Marin, le directeur de la galerie et curateur indépendant, autour de commissariats et de projets éditoriaux.
Les artistes vidéastes que nous défendons ensemble répondaient aux enjeux du salon Camera Camera dirigé par Haily Grenet, c’est pourquoi la galerie et moi avons décidé de participer à la foire. Devoir réaliser un commissariat dans une chambre d’hôtel est une formule très stimulante qui m’a conduite à concevoir une scénographie radicale.
Lors d’un tournage au Kosovo, Louis-Cyprien Rials m’a confié qu’il trouvait ma démarche et mes pistes de réflexions -en lien avec les sciences politiques, les sciences sociales, l’étymologie, etc- proche de celle d’une journaliste ou d’une sociologue.
L’exercice de la chambre m’a donné envie de jouer le jeu à fond. Le public parle de « panic room » ou l’appelle « la chambre de la fin du monde ». A travers les différentes oeuvres présentées dans cette chambre, j’ai simplement tenté de rassembler les différentes crises que nous traversons (sociales, écologiques, économiques, religieuses) et d’imaginer une personne rescapée, enfermée dans cette chambre après une catastrophe. Seule et dépassée par ce huis clos anxiogène, elle concentre toutes ses archives, son data, pour comprendre ce qui a pu se passer et ce qu’elle pourrait faire. Ambiance que je traduits par la mise en boucle de films pour chercher des indices et d’éventuels survivants.

M. d. l. F. : Coupée du monde extérieur dans ce laboratoire post apocalyptique vous émettez un signal vers l’extérieur à travers une émission radiophonique.

A. F. : Cette pièce radiophonique S.C.A.L.A.R.S.T.A.T.I.O.N est co-réalisée avec Romain Poirier (à l’origine, notamment, des musiques des films de Louis-Cyprien Rials).
J’aime l’oralité plus que l’écrit, être dans le vivant, l’échange.
Tout a commencé, il y a un an à l’occasion de la Biennale Carbonne 18 à Saint-Etienne où l’artiste Remi Dal Negro m’avait invitée dans une exposition. Au lieu de produire un texte ou une édition, ce qui est l’attitude attendue chez un.e commissaire, j’ai décidé de proposer une pièce sonore. Plutôt que d’écrire de grandes théories et de citer une suite de références, j’ai choisi cinq mots en écho avec la démarche de l’artiste, à partir desquels j’ai réécris et lu leurs définitions, chacune mise en décalage par une ambiances sonores, un texte de loi,… afin d’apporter une certaine subjectivité, afin de donner au public des clés, des indices, durant sa déambulation dans l’espace d’exposition.
L’expérience ayant été concluante, et voulant faire de la radio, ce projet a entrainé d’autres collaborations, notamment sur la StationStation Radio . J’ai adapté le concept de ces « capsules sonores » de manière à faire la transition entre les différents invités de Samuel Belfond et Arnaud Idelon dans leur émission « Les démons de minuit ». Après deux diffusions, Clément Doula m’invite à écrire et animer avec Chloé Cohen « ALCANTARA mon amour ».
Pour Camera Camera, je voulais continuer d’utiliser le sonore comme média. Dès le départ, j’avais en tête de mettre la chambre dans l’obscurité, de disposer des écrans partout, et de travailler avec Romain Poirier, compositeur et ingénieur du son. Rapidement, nous sommes arrivés à l’idée d’une pièce radiophonique diffusée, non pas sur le web, mais sur les ondes. Le côté « pirate » nous a semblé nécessaire dans cette scénographie, et intéressant dans le contexte d’une foire, dans un hotel étoilé.
Pendant les 3 jours de Camera Camera, une émission différente est proposée chaque jour avec une même structure transposable selon les contextes.
Aujourd’hui, je parle des ondes scalaires. Les ondes scalaires, ce sont des ondes que tout être animal, végétal, ou humain dégage. Plusieurs recherches ont prouvé leur existence et expérimente à présent leurs vertus thérapeutiques. Cette idée de dégager des ondes de manière à transmettre quelque chose à quelqu’un est importante à mes yeux, tout comme l’art peut le faire. Demain, je définirai et rappellerai le sens des mots « émettre, traverser et résister ». Et dimanche, nous parlerons de « magnétisme ».
L’ensemble de ces propos font facilement le liens avec les films de Capucine Vever, Louis-Cyprien Rials et Pierre Gaignard, tous tournés sur des lieux assez « chargés », et les sculptures de Vincent Voillat faisant référence aux murs emblématiques du XXe siècle, et à la révolution égyptienne.
La rubrique suivante se nomme « souvenons-nous », c’est un montage des « bruits de la vie » comme je les appelle. Une manière de rappeler les sons qui façonnent notre quotidien — et donc, notre imaginaire, notre mémoire— et auxquels nous ne faisons pas attention mais qui pourtant créer le vide dès qu’ils disparaissent. Il s’agit de souligner l’importance de notre environnement sonore et de son influence.
Pour terminer, nous diffusons les messages des « Silent Keys », ces volontaires ont enregistrés ce qui pourrait être leur « dernier message ». Les messages de ces « Silent Keys » arrivent de partout : Argentine, Lituanie, Corée, Cote d’Ivoire, Serbie, Croatie, Pologne, Liban, Algérie, Iran, Arménie,… Notre antenne pouvant émettre jusqu’à 2000km, cela fait sens de diffuser dans le maximum de langues possibles. Nous continuons à recevoir des messages, nous les enregistrons tous et les gardons dans notre data afin de les utiliser dans les prochaines adaptations de ce projet, S.C.A.L.A.R.S.T.A.T.I.O.N , voué à se développer et à voyager.

M. d. l. F. : Votre engagement pour l’art et la vidéo

A. F. : Si l’art peut sauver le monde comme un mantra que je répète et qui est au coeur de ma démarche, on doit alors préserver les arts. L’art contemporain n’est pas le seul menacé. L’art vidéo et l’art sonore devraient être défendus au même titre que la peinture ou la sculpture, ce qui n’est pas encore le cas comme je peux le constater lorsque j’assiste à des jury ou des comités de sélection.
Je suis las d’entendre que la vidéo n’est pas de l’art. On disait aussi cela du dessin, de la photographie, et aujourd’hui ca se bouscule pour aller à Drawing Now ou à Paris Photo !

Camera Camera
Hôtel Windsor, Nice
Chambre 8
Scalar Waves
(évènement terminé)

Suivre l’actualité de Aurélie Faure/aka Katerina Stella :
http://c-e-a.asso.fr/faure-aurelie/
Prochainement, elle assurera le commissariat de l’exposition parisienne A Trilogy of exhibitions de Louis-Cyprien Rials (Prix SAM 2017).
http://www.samartprojects.org/louis-cyprien-rials/

Marie-Elisabeth De La Fresnaye
Après une formation en littérature et histoire de l'art, Marie de la Fresnaye intègre le marché de l'art à Drouot et se lance dans l'événementiel. En parallèle à plusieurs années en entreprise dans le domaine de la communication éditoriale, elle créé son blog pour partager au plus grand nombre sa passion et expertise du monde de l'art contemporain et participe au lancement du magazine Artaïssime.

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