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Carte blanche à Jef Bonifacino, Inland Stories

Temps de lecture estimé : 7mins

Cette semaine, nous accueillons les 13 membres de la nouvelle coopérative Inland Stories ! Pour leur seconde carte blanche, c’est l’un des 4 co-fondateurs, le photographe français Jef Bonifacino qui prend la parole. Il nous présente son parcours et relate sa rencontre avec deux autres photographes qui ont rejoint l’aventure au sein de Inland Stories : Jérémie Jung et Tjorven Bruyneel…

J’expose actuellement ma série Europe Orbi (photo 1) au Festival ManifetO. C’est une exploration des cinq extrêmes de l’Europe géographique durant cinq ans. Elle vous entraine du vrai Cap Nord en Norvège à l’île de Gavdos en Crète en passant par son centre Purnuskis en Lituanie, puis de Vorkouta dans les monts Oural en Russie à Cabo da Roca au Portugal.
L’Europe et ses frontières sont une vue de l’esprit datant de 1833. A l’heure où certains se crispent à leurs frontières, ce travail montre l’Europe comme un seul morceau de continent, où hommes et civilisations sont seulement de passage, éphémères. Les cinq extrêmes se relient et se prolongent dans une même étendue de terre, une Europe plus brute, mystérieuse, mais ouverte.

Pour Europe Orbi et mes autres travaux, je développe une écriture documentaire personnelle sur des projets au long cours. Mon travail est axé sur la notion de territoire, j’établis des liens entre différents espaces afin de découvrir et de questionner la relation de l’homme à son environnement et à son histoire.

J’ai fait des études d’Arts Plastiques et d’Histoire de l’Art à l’Université de Bordeaux, mon travail est réalisé en argentique principalement, noir et blanc pour le 24×36, couleur au Hasselblad, j’ai besoin de temps et de mouvement pour construire mes histoires. Inland est pour moi et nos autres photographes un outil supplémentaire de diffusion au service de nos travaux documentaires, car nous ne faisons aucune concession sur le temps d’investigation, de gestation, de recherche esthétique.

J’expose principalement mon travail : Festival QPN, Nuit de Pierrevert, 9ph, Prix Maison Blanche, Circulation(s), Lauréat prix Sept Off (Image Satellite), Itinéraires des Photographes Voyageurs, ainsi que dans des expositions personnelles en France, Russie, Biélorussie, USA… Une des expositions dont je suis le plus fier est celle d’Europe Orbi à l’Institut Géographique National. Grâce à Bernard Bèzes, ex directeur de la cartothèque et de la communication, nous avions pu faire se rencontrer photographie d’auteur et géographie dans le nouveau Géoroom en 2017.

Je poursuis actuellement un travail sur la fonte du permafrost à Vorkouta et l’impact du réchauffement climatique qu’il entraine partout. J’ai entamé une série couleur sur les zones de densité presque 0 dans nos 13 nouvelles régions françaises et sur ceux qui y vivent, travaillent et s’adaptent à leur environnement ; et quand Inland m’en laissera le temps, j’ai un Editing à finir sur d’Artagnan, road trip réalisé en juin dernier retraçant le parcours de d’Artagnan dans la France et l’Europe d’aujourd’hui !

Jérémie Jung

C’est aussi en 2017 que j’ai rencontré Jérémie Jung avec Mélanie Wenger lors de sa remise de prix HSBC. Rapidement nous avons pu échanger sur la photographie en lien avec la géographie, l’Europe, l’histoire, nos travaux respectifs au long cours… Je connaissais déjà quelques images de sa série : Setomaa a kingdom on the edge, (photo 2) édité en livre photo chez Imogène « Au large du temps » (2018) et elles m’avaient immédiatement touchées et attirées et finalement fait découvrir ce royaume inconnu.
Setomaa est une région qui a été proclamée royaume en 1994 par les Seto, un groupe finno-ougrien, pour revitaliser et affirmer leur identité, après la restauration de l’indépendance estonienne en 1991. La culture Setomaa a été affaiblie au fil du temps par la frontière entre l’Estonie et la Russie, qui sépare la région, et par près d’un demi-siècle de contrôle soviétique sur l’Estonie.
C’est une grande chance d’avoir pu rencontrer Jérémie. Né en 1980, Jérémie est diplômé de la faculté des arts plastiques de Strasbourg et s’est formé au photojournalisme à l’EMI-CFD à Paris. Ses photographies ont fait l’objet d’expositions personnelles et collectives, notamment au musée d’Orsay, au musée Albert Kahn et aux Rencontres d’Arles. Il a collaboré avec différents titres de presse dont National Geographic, Geo et Mediapart. Il a été récompensé par le prix ANI-PixTrakk. En 2019, Il continue son travail sur l’espace baltique en initiant une nouvelle série sur la minorité russophone de ces pays.
Il est et reste représenté par l’agence Signatures, maison de photographes depuis 2013, mais en 2019 il a rejoint Inland pour y développer ses projets au long cours. Ce sont des liens forts entre nous en interne. Sa patience, son talent, sa finesse et sa détermination sont précieux. Et ce sont ces types de projets documentaires alliés à une écriture personnelle que nous défendons tous ensemble.

En 2018, Jérémie Jung (représenté par Signatures, maison de photographes) effectue une résidence d’artiste, en collaboration avec de jeunes détenus en Lettonie. De ce travail, un projet de livre intitulé Pāri Mūriem a été conçu. En septembre 2019 Pāri Mūriem est finaliste du Unseen Dummy Award à Amsterdam et sera montré entre le 20 et 22 septembre au Unseen Amsterdam.

Tjorven Bruyneel

L’année suivante, en 2018, c’est Tjorven Bruyneel que j’ai rencontrée au Festival Nuits de Pierrevert, avec Patrick Wack. Nous avons été directement marqués par sa série Whether my blue is the same as yours (photo 3). Impact immédiat des images, puis de la profondeur de son travail d’investigation, réussissant à relier interrogations existentielles sans concessions, analyse des attentes de la famille et de la société à travers une exploration photographique incisive de son environnement urbain et des corps humains.

Dans cette série, Tjorven s’éloigne de sa vie et l’examine du point de vue d’un observateur sans perdre la puissance de ses émotions qu’elle réinjecte dans ses images. Pour elle, la photographie ne consiste pas à découvrir des pays exotiques. (Elle a quand même travaillé quatre ans en Afrique pour sa série Untitled Happiness)
Pour elle, l’appareil est un outil d’analyse de son environnement et un refuge. En disséquant le sentiment qu’elle n’est pas capable d’exprimer par des mots, Tjorven construit pièce par pièce comme un puzzle sa propre réalité qui vient éclairer notre société.

Tjorven est née en 1983 en Belgique. Elle a obtenu son Master en photographie à l’Académie Royale des Beaux Arts. Elle est reconnue pour ses projets documentaires sociaux qui questionnent l’identité, nominée dans de multiples compétitions et a reçue le Charles Deleu Award, DOC*werk2016. Après avoir vécu quatre ans en Afrique du Sud (2010-2014), elle est basée actuellement en Belgique.

Nous, on l’a juste aimée de suite, et compris rapidement la puissance que cette subjectivité assumée conférait à sa démarche documentaire. Et quand on lui a présenté Inland quelques mois plus tard, on l’a convaincue avec Tim et Mélanie, c’était bon signe !
Sa dernière série, The World where we learned how to play (entamé à la Villa Pérochon en 2017), est basée sur ses propres rencontres amoureuses. Elle réalise des portraits de rencontres, sans préjugés, mettant l’accent sur la beauté des détails, en combinaison avec des photographies des lieux de tous les jours, un inventaire de paysages urbains qui définit une communauté.
Elle montre des changements invisibles dans le temps, des influences culturelles et d’un contexte donné qui interrogent notre identité. Pas besoin de retourner de suite en Afrique du sud, les failles de notre société qu’elle nous révèle sont juste ici sous nos pieds, sous nos peaux, et elles sont immenses et ramifiées.

INFORMATIONS PRATIQUES
Membres :
Jef Bonifacino (France)
Tjorven Bruyneel (Belgique)
Mathias Depardon (France)
Phyllis B. Dooney (USA)
Muhammad Fadli (Indonesie)
Tim Franco (Coree)
Jérémie Jung (France – représenté par Signatures)
Tadas Kazakevicius (Lithuanie)
Laura Pannack (UK)
Romain Philippon (La Reunion)
Matjaz Tancic (Chine)
Patrick Wack (Allemagne)
Melanie Wenger (Belgique)
contact@inlandstories.com
http://www.inlandstories.com

A LIRE
Bienvenue à Inland, la nouvelle structure de photographes documentaires

La Rédaction
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